Sénégal: «Hommage à Léo Frobenius 2» de Abdoulaye Diallo au Musée de l'Homme - Une occasion de prolonger le discours humaniste

14 Août 2023

« Hommage à Leo Frobenius 2 » à l'exposition « Prehistomania », au Musée de l'Homme (Paris). Il faut y voir plus qu'une consécration. C'est un coup de pinceau qui se prolonge dans un cadre plus englobant, avec des couleurs, des formes et un discours qui prononcent le voeu d'une humanité au mieux de son épistèmê.

L'évènement n'est pas en simple plastique. Le rendez-vous est majeur. L'artiste visuel, Abdoulaye Diallo, le Berger de l'île de Ngor de son nom d'artiste, voit sa toile « Hommage à Leo Frobenius 2 » être sélectionnée pour l'exposition « Préhistomania ». Cette dernière sera reçue au Musée de l'Homme de Paris, du 17 novembre 2023 au 20 mai 2024. Le Berger de l'île de Ngor (70 ans) est un « jeune » artiste qui a démarré sa carrière plastique en 2011, en autodidacte. La symbolique est d'autant plus marquée qu'il a réalisé l'oeuvre « Hommage à Leo Frobenius 2 » en 2017, 6 années après ses débuts. Cependant, c'est en 2015 que se révèle à lui un fort attrait pour l'art rupestre. Art pariétal au travers duquel, entre autres profondes inspirations, l'artiste se construira une signature et un propos artistique.

Ingénieur en télécommunications de métier, Abdoulaye Diallo s'interrogeait sur les accélérations simultanées et une question commençait à le tarauder : « Quelle humanité pour demain ? ». Ce questionnement constitue, aujourd'hui, le coeur de son identité artistique. « J'ai d'abord cherché quels artistes qui, avant nous, avaient cette préoccupation. J'ai découvert que dans la Haute Antiquité, sur des parois de grottes, des artistes avaient traité d'humanités dans leur volonté de survivre ou de chercher à conjurer les hostilités. Aujourd'hui, nous avons toujours besoin de traiter de cette humanité dans sa volonté de survie. Les termes utilisés diffèrent de ceux d'hier, mais les contenus philosophiques restent identiques. J'ai ensuite essayé d'aller plus loin, pour voir la différence entre eux et nous (contemporains) », confie le Berger de l'île de Ngor.

C'est ainsi qu'il constatera à cette époque, particulièrement dans la zone du Sahara, que les fresques sur les parois des grottes traitaient beaucoup de musique et d'abondance. « ... pour expliquer aux peuplades dépassées que si vous vous sentez mal chez vous, venez trouver ici paix, prospérité et musicalité. Ça me paraissait extrêmement puissant », déchiffre l'artiste. Ensuite, dans sa progression, Abdoulaye Diallo remarquera que, partout ailleurs dans le monde, quels que soient l'endroit et la civilisation, chaque toile rupestre concentrait différents êtres vivant en harmonie et avait un caractère documentaire sur les modes de vie du moment. « C'est clairement une invite à l'humain à vivre en cohésion avec toute l'humanité et à ne pas se considérer comme le centre de tout. Ils comprenaient que l'homme doit vivre en interdépendance avec la nature. Si on les avait entendus, peut-être qu'on ne connaitrait pas le dérèglement climatique, par exemple », observe le Berger de l'île de Ngor.

Ce dernier avait ainsi consacré les années 2015 et 2016 à une collection sur les arts rupestres, pour l'essentiel inspirée de Leo Frobenius. Homme de foi, féru de philosophie et de science, Abdoulaye Diallo s'intéressera ensuite à une cinquième conscience historique en traitant de manière plus marquée son thème fétiche « Quelle humanité pour demain ? ». Ce thème puise justement avec pertinence dans l'art pariétal en ce qu'il renseigne sur la grandeur de notre histoire. Ce, avec pour but, de nous mettre humblement en face de nos défaillances actuelles et nous projeter vers une humanité plus juste, plus sage et mieux ancrée en sa noble mémoire. C'est ce propos qui illuminera son discours humaniste depuis les cimaises du Musée de l'Homme de Paris.

PR JEAN-LOUIS GEORGET, CO-COMMISSAIRE SCIENTIFIQUE DE L'EXPO

« Il est l'un des artistes les plus remarquables du 21e siècle »

Les arts rupestre et pariétal seront à l'honneur au Musée de l'Homme de Paris, à travers l'exposition « Prehistomania » (17 novembre 2023 au 20 mai 2024). Un point de presse a été organisé sur l'île de Ngor, en présence de Pr Jean-Louis Georget, un des commissaires scientifiques de l'expo, qui nous explique le sens de la sélection historique du plasticien sénégalais, Abdoulaye Diallo.

L'agenda culturel mondial sera fleuri par l'exposition « Prehistomania », visible du 17 novembre au 20 mai 2024 au Musée de l'Homme de Paris. L'évènement, qui s'intéresse essentiellement à l'art préhistorique, promet d'être une aventure humaine à la découverte des relevés d'art préhistorique par la sélection « de chefs-d'oeuvre hors-normes ». L'art rupestre et l'art pariétal désignent les oeuvres d'art réalisées par l'Homme sur les roches et sur les parois des grottes. Ils occupent en majorité, l'art préhistorique. Le Sénégal sera représenté, entre un aréopage de grosses pointures mondiales, par l'artiste-peintre Abdoulaye Diallo, surnommé Le berger de l'île de Ngor. Il va exposer son oeuvre « Hommage à Leo Frobenius 2 » à côté de celles de Paul Klee, Jackson Pollock, Jean Arp, Wifredo Lam, Graca Morais, etc.

La sélection de l'artiste Abdoulaye Diallo dans « Préhistomania » à travers son tableau « Hommage à Leo Frobenius 2 » tient du symbole. L'Europe témoigne aujourd'hui d'une fascination pour la préhistoire. Le mythique Musée de l'Homme de Paris entend s'en faire l'écho, tout en marquant les différentes facettes de l'humanité. L'art rupestre est ainsi paru comme indiqué. « Il y a une évidente parenté entre l'art rupestre et la création africaine dans son ensemble ; création africaine qui, souvent, n'a pas accès aux importants musées américains et européens. L'art rupestre est un thème transversal et universel dans un monde qui a maintenant un discours de séparation des humains. La peinture préhistorique réunit tous les continents. C'est un trait d'union qui nous signifie qu'on partage cette planète », soumet l'un des commissaires scientifiques de l'exposition, Pr Jean-Louis Georget.

Quand les Européens sont venus en Afrique, rappelle le Pr Georget, ils se sont intéressés à l'art rupestre. « C'est le cas de Leo Frobenius qui va consigner, dans une collection à Francfort, les 6.000 peintures rupestres qui existent dans le monde à son époque », affirme le professeur en histoire de l'anthropologie et de la civilisation germanique, expliquant par-là, la pertinence, à double titre, de « Hommage à Leo Frobenius 2 ». L'une des parties de « Prehistomania » est justement consacrée aux continuateurs des oeuvres des artistes préhistoriques et du travail de Frobenius et de ses pairs. Les relevés préhistoriques sont effectués de manière scientifique, mais avec un fort côté sensible réalisé par des artistes comme Le berger de l'île de Ngor.

« Nous avons voulu montrer comment l'oeuvre de Abdoulaye s'inscrit dans les oeuvres les plus éminentes des artistes africains du 21e siècle et comment « Hommage à Leo Frobenius 2 » méritait de franchir les océans pour se loger et figurer dans le paysage artistique des grandes capitales occidentales. On espère, dans 2 ou 3 ans, reconstituer l'esprit de l'exposition MoMA. Mais déjà, à Paris, on va célébrer Abdoulaye Diallo en ce qu'il est l'un des artistes les plus remarquables du 21e siècle. C'est aussi notre rôle de médiateur européen de faire passer ces figures géniales de l'art africain au-delà des océans. Et, surtout, envoyer le message que les arts européens et africains sont finalement indissociables », prêche Jean-Louis Georget. « Prehistomania » consistera aussi à présenter le choc esthétique des arts préhistoriques chez le public, et ensuite le choc visuel que les toiles dédiées ont provoqué à leur entrée dans les musées. L'autre partie concernera l'épopée des expéditions, c'est-à-dire la manière dont les reproducteurs y ont mis de leurs pattes d'artistes et dans des conditions fort honorables. M. Oumar KAMARA

PR MAGUEYE KASSÉ, COMMISSAIRE PERMANENT DU PLASTICIEN ...

« Le Berger de l'île fait oeuvre mémorielle et prospective »

Pour Pr Maguèye Kassé, Le berger de l'île de Ngor fait « oeuvre mémorielle et prospective » en mettant en exergue le lien entre l'Afrique et le reste du monde par l'art rupestre grâce aux découvertes de Frobenius. « Il s'agit de l'universalité de l'homme qui nous renseigne sur les tâches qui attendent l'Humain s'il veut remplir sa condition humaine faite d'empathie, de concorde et d'harmonie avec mère Nature. Ce, dans des sphères de spiritualité non aliénante mais libératrice », décrypte le critique d'arts et commissaire permanent de l'artiste-peintre Abdoulaye Diallo. De l'avis de Pr Kassé, si le Musée de l'Homme offre une place enviable à Abdoulaye Diallo, il est juste de se réjouir « d'une parenté d'idées d'abord, et d'une fierté ensuite » si on remonte aux fondamentaux de ce musée si signifiants.

Le professeur des Universités cite en cela les propos de Paul Rivet, fondateur du Musée de l'Homme en 1937 : « En créant ce titre, j'ai voulu indiquer que tout ce qui concernait l'être humain, sous ses multiples aspects, devait et pouvait trouver place dans les collections. (...) il fallait rassembler en une vaste synthèse tous les résultats acquis par les spécialistes, les obliger ainsi à confronter leurs conclusions, à les contrôler et à les épauler l'une par l'autre. L'humanité est un tout indivisible, non seulement dans l'espace, mais aussi dans le temps ». Pr Maguèye Kassé en déduit que la présence de peintre Abdoulaye Diallo à l'exposition Prehistomania signe une « reconnaissance de l'importance et de la portée de l'art, y compris, voire avant tout, de l'Afrique, berceau de l'humanité ». Il insiste qu'il s'agit là d'une Afrique qui donne des réponses à une humanité perturbée, prise dans différents conflits de pouvoir, d'hégémonie et d'exclusion, dans les rets de différents chocs civilisationnels, d'essence économique, sociale, morale et culturelle. M. O. KAMARA

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