Ile Maurice: Mirado Rakotoharimalala - «J'ai bien peur que la politique ne mette de l'ombre sur l'esprit sportif»

La 11e édition des Jeux des îles (JIOI 2023) débutera dans quelques jours à Madagascar. La Grande île se pare de ses plus beaux atours à mesure que s'approche l'événement.

Mirado Rakotoharimalala, Media Officer de la Confédération africaine de football (CAF) et de la COSAFA et qui agit également comme consultant sportif malgache, sera au premier rang pour suivre la compétition. Il évoque les difficultés liées à l'organisation et affiche son optimisme quant au déroulement de cette édition.

Plus que quelques jours avant le coup d'envoi des JIOI 2023. Quel est l'état d'esprit de la population malgache en général ? A ce jour, c'est assez partagé. D'un côté, on remarque l'enthousiasme et l'engouement de l'administration et des amateurs de sports en général. De l'autre côté, on sent un certain scepticisme de la part de certains observateurs et une partie de la population qui n'arrivent pas encore à entrer intégralement dans l'environnement des Jeux. Quoi qu'il en soit, je pense que la ferveur montera d'un cran d'ici une semaine.

Vous qui vivez à Madagascar, que ressentez-vous à mesure que s'approche l'événement ?

A l'approche des élections présidentielles à Madagascar (premier tour prévu le 9 novembre 2023), j'ai bien peur que la politique ne mette de l'ombre sur l'esprit sportif des Jeux. Je redoute que le cadre sportif des Jeux soit mis au second plan. J'espère me tromper. Je veux juste croire qu'on puisse organiser un événement correct, voire extraordinaire comme l'a annoncé le chef de l'Etat.

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Beaucoup a été dit sur l'organisation, le manque de planification et le retard dans l'aménagement des sites sportifs. Ces inquiétudes sont-elles fondées ?

Fort probable. Je me réfère aux discours opposés des autorités sportives à Madagascar vers fin avril-début mai 2023. Si dans un premier temps, le président du Comité olympique malgache (COM), Siteny Randrianasoloniaiko, candidat pressenti aux élections présidentielles de novembre 2023, a estimé à 2% les chances de tenue des Jeux à Madagascar, le fraîchement nommé ministre de la Jeunesse et des Sports, André Haja Resampa, a vite répondu en haussant à 98% la probabilité que la grande île accueille l'événement. Cette différence conséquente d'évaluation sur le point organisationnel pourrait démontrer une incohérence évidente et une incompréhension générale. Après, je pense que ces inquiétudes ont été balayées à l'issue de la visite du CIJ en mai qui a validé et confirmé la tenue des Jeux à Madagascar.

A quoi devront s'attendre les délégations étrangères une fois à Madagascar ? Je pense que la ville d'Antananarivo n'en est pas à sa première. Elle a déjà accueilli deux fois les Jeux des îles de l'océan Indien, en 1990 et 2007. De surcroît, les Jeux de la Francophonie ont été également organisés dans la capitale malgache en 1997. Je dirais que la «Ville des Milles» a l'habitude d'accueillir des délégations étrangères. De toute façon, les Malgaches sont, de nature, hospitaliers et accueillants. Je ne promets pas que tout sera nickel, par contre, je veux croire qu'un grand effort et de grands investissements ont été mis en place pour assurer le bon déroulement d'un événement de ce calibre.

Pensez-vous que Madagascar a le potentiel de faire que ces Jeux soient inoubliables à quelques jours du début des hostilités ?

C'est le défi du président de la République de Madagascar et son équipe. Et l'enjeu est de taille. Réaliser de bons Jeux des îles permettra sans doute d'accroître la côte de popularité du chef de l'Etat Andry Nirina Rajoelina, à quelques mois de la présidentielle. Par conséquent, je pense que l'Administration et le président lui-même sont mis sous pression. Mais il s'agit d'une pression positive.

S'ils ont la population locale avec eux pour soutenir les Jeux fin août-début septembre, et si les athlètes réalisent des performances de hautes volées, dans ce cas-là, l'événement pourrait être monumental pour les Malgaches. Sinon, en ce qui concerne les délégations étrangères, le Comité d'organisation des Jeux des îles (COJI) doit assurer tous les secteurs, puisque nos frères et soeurs des autres îles évalueront également les Jeux sur le côté sportif bien sûr, mais surtout sur le plan organisationnel.

Pourquoi y a-t-il eu autant de retard dans les travaux et le dévoilement des contours de la compétition, comme le tirage au sort pour désigner les poules etc. ?

J'aurais aimé que tout soit prêt six mois ou un an à l'avance, comme ce qui se fait un peu partout pour les événements sportifs de cette envergure. Mais bon, comme je l'ai mentionné plutôt, le fond politique, le contexte post-Covid, et peut-être le manque de proactivité au début n'ont pas permis de tout boucler des mois à l'avance, avec une marge considérable d'amélioration. Maintenant, à charge au COJI de rectifier le tir et achever tout ce qui n'a pas été accompli.

Parlons des Barea, la sélection de football de Madagascar. Selon vous, sont-ils des candidats crédibles pour ramener l'or en football ?

En se basant sur le classement FIFA, les Barea font certainement partie des favoris puisqu'ils sont les mieux positionnés parmi les autres îles (faisant abstraction des sélections de la Réunion et de Mayotte). De plus, le coach Romuald Rakotondrabe «Roro» a annoncé que la médaille d'or sera un objectif personnel pour lui. Il était déjà à la tête de la sélection en 2019 et avait dû rentrer bredouille de Maurice en faisant deux matches nuls avant d'être éliminé sur tirage au sort. Pour cette édition, Roro a dans son effectif des joueurs médaillés de bronze du dernier CHAN organisé en Algérie en janvier dernier.

Il a eu la chance de compter sur des joueurs locaux évoluant dans un championnat local qui s'efforce de mieux se structurer et hausser ainsi le niveau des acteurs du football Malgache. Il ajoutera à ces derniers des joueurs de haut niveau issus des championnats des autres îles. Cependant, il faut reconnaître que les Jeux ne réussissent pas trop aux Malgaches. Le dernier podium remonte à... 2007. Donc, on a hâte de voir comment les Barea vont se comporter cette fois.

Qui sont les autres favoris en football ?

Je pense que tout le monde a ses chances de remporter l'or. A commencer par la Réunion qui en détient le record avec cinq médailles d'or en football. Et c'est assez difficile d'évaluer le niveau des joueurs de la sélection réunionnaise et dans une moindre mesure celui de Mayotte, dans la mesure où ces derniers ne participent pas aux compétitions de la CAF.

Puis viennent les Comores qui ont disputé la CAN 2021, avec, certes, une majorité de joueurs expatriés, mais cela démontre toute l'envie du football comorien de s'envoler. Récemment, les Coelacanthes ont dominé les Seychelles au Cosafa 2023 sur le score de 3 buts à 0. Ils ont annoncé les couleurs. Enfin, je citerais également l'île Maurice qui a participé à des tournois de préparation très cohérents. Dernièrement, les protégés de Fidy Rasoanaivo ont réalisé le joli exploit de battre les Angolais (1-0), avant de s'incliner de justesse face au Mozambique (0-1). J'ai pu voir le travail et l'impact de la direction technique dirigée par mon ami Zunaid Mall. En somme, la discipline football pour ces Jeux de 2023 devrait être très intéressante à suivre. Aucune sélection ne sort du lot. Tout peut arriver. C'est tant mieux pour le spectacle et le suspens.

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