Congo-Kinshasa: Malnutrition - Les limites des solutions externes

Je viens de passer deux semaines dans la ville de Kenge, dans la province de Kwango, où la malnutrition sévit depuis plus d'une décennie. Le constat est douloureux : des projets financés par des ONG ont vu le jour, mais sans résultats probants. Qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi ne pouvons-nous pas éradiquer ce mal avec des centaines de milliers de dollars des ONG ? C'est la principale question à laquelle MDW veut répondre aujourd'hui.

Une observation flagrante dans la ville de Kenge, la capitale de la province de Kwango, est que vous ne trouverez jamais sur le marché des étals bien approvisionnés en aliments tels que des tomates, des oignons, des concombres ou de petites quantités de haricots ou d'arachides. Quiconque a été dans la ville de Masereka, non loin de Butembo au Nord-Kivu, sera très surpris par le contraste observé au marché de Masereka qui produit tous ces légumes comparativement à la ville de Kenge. La rareté des aliments nutritifs sur les marchés urbains de Kenge est la preuve que les pénuries alimentaires sont pires à l'intérieur de la province.

En effet, il existe des cas de kwashiorkor, c'est-à-dire, des personnes souffrant de malnutrition sévère, dans la province de Kwango. Évidemment, personne ne serait indifférent à voir ces enfants et adultes dépourvus de nourriture de base. Non seulement des conférences ont été organisées sur le thème de la malnutrition, mais surtout, des financements étrangers ont permis de traiter la malnutrition.

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Par conséquent, le Kwango a des programmes pour lutter contre la malnutrition. On constate que ces programmes de lutte contre la malnutrition sont généralement financés par des ONG étrangères. Les fonds sont donc acheminés vers des projets de lutte contre la malnutrition au Kwango. Dans l'ensemble, ces programmes sont efficaces pour traiter les enfants et les adultes malnutris ; Les patients souffrant de malnutrition sévère reçoivent un traitement des ONG. Cependant, malgré le programme de lutte contre la malnutrition, celle-ci reste élevée dans la province de Kwango. MDW demande pourquoi des ONG sont financées pour lutter contre la malnutrition à Kwango mais la malnutrition continue de faire des ravages dans la vie physique et mentale des enfants.

La réponse la plus immédiate est que les enfants souffrant de malnutrition ont été traités et, dans certains cas, ils se sont en fait rétablis. Cependant, toutes les populations souffrant d'insécurité alimentaire qui n'ont pas encore atteint les phases de la malnutrition aiguë n'ont pas encore été incluses dans les centres de malnutrition.

Mettre fin à la malnutrition nécessite un projet extrêmement long qui doit dépasser les trois ans de financement étranger. L'éradication prendra plus de temps car l'ensemble du système de production alimentaire de la province doit être réorganisé ; il est maintenant temps d'introduire des aliments nutritifs dans la culture alimentaire des habitants de Kwango et, à terme, de rendre ces aliments de base disponibles sur les marchés dans la province tout en offrant aux gens un accès à ces instruments essentiels. Le projet que je viens de décrire prend beaucoup de temps et plus d'argent qu'un projet de trois ans financé de l'extérieur.

La question qui se pose au MDW est de comprendre pourquoi un pays (en l'occurrence la République Démocratique du Congo) devrait confier la santé de sa population à des financements extérieurs. Le Congo est capable de dépenser de l'argent pour les voyages de son premier citoyen, pour les payements de gros salaires à ses politiciens qui ne délivrent que de la misère populaire. Nous venons d'avoir ce qu'on peut considérer comme des IXème jeux de la francophonie réussis, cependant le même Etat est incapable de financer l'éradication de la malnutrition qui sévit dans son pays.

Ce sont là des paradoxes que le MDW adresse assez souvent.

Je voudrai finir avec une question, celle de savoir pourquoi les ONG extérieures acceptent-elles de financer la lutte contre la malnutrition dans un pays qui génèrent beaucoup d'argent, spécialement récemment avec des records du prix du cobalt.

Pourquoi les étrangers veulent-ils apporter une solution extérieure a un problème de nutrition basique en RDC ?

Ma réponse est la suivante : Au cours des dernières décennies, l'intérêt pour le Congo a émergé parmi les jeunes universitaires occidentaux dont les caractéristiques sont qu'ils sont entrés au Congo en tant que travailleurs ou consultants d'ONG et ont continué à faire un doctorat en sciences politiques sur le Congo. Comme le dit James Ferguson (1990) dans Anti-Politics Machine, les ONG se concentrent sur la recherche de solutions plutôt que sur la formulation de problèmes originaux.

Ce modèle construit généralement le problème comme étant interne et la solution externe. On ne peut pas importer de solutions. Pour qu'une solution soit durable, elle doit être développée localement. Les africanistes (les étrangers qui étudient l'Afrique comme Object de recherche) limitent leurs recherches à des descriptions et observations précises. La tâche de l'élite africaine est d'intégrer ces observations dans une perspective de transformation à long terme. L'éradication de la malnutrition l'exige de toute les façons.

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