Soudan: Cri d'alarme sur une situation humanitaire désastreuse, au 5e mois de conflit

Le Soudan est entré, ce mardi 15 août, dans son cinquième mois de guerre, et le conflit qui oppose l'armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhan aux Forces de soutien rapide (FSR) - les paramilitaires dirigés par le général « Hemedti » - ne semble pas près de se régler. La situation humanitaire est désastreuse, au point où plusieurs grandes organisations humanitaires internationales ont poussé un cri d'alarme dans un communiqué conjoint publié mardi.

La communauté internationale « n'a aucune excuse » pour attendre, disent ces organisations. Dans leur communiqué conjoint, les responsables de l'Unicef, du Programme alimentaire mondial (PAM) ou encore de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dressent un tableau sombre de la situation au Soudan.

Les premières victimes de cette guerre, disent-ils, ce sont les femmes touchées par des violences et des viols de la part des belligérants : elles ont donc besoin d'assistance psychologique.

Autre conséquence du conflit : les médicaments, la nourriture, l'électricité manquent aussi. En tout, 19 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire d'une manière ou d'une autre, que ce soit au Soudan ou dans les pays voisins qui accueillent de nombreux réfugiés.

L'ONU a donc lancé deux appels aux dons, mais ils n'ont été financés qu'à hauteur de 27% pour l'instant. « Il faut changer cela », lancent à la communauté internationale à ces organisations humanitaires.

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Les signataires de l'appel demandent aux combattants d'en finir « immédiatement » avec cette guerre. Quand le conflit a éclaté à Khartoum, chaque camp se disait convaincu qu'il allait l'emporter en quelques semaines. Mais plus de quatre mois plus tard, la guerre a même gagné du terrain : neuf des 18 États que comprend le Soudan sont aujourd'hui concernés par la destruction de villes et de villages.

La guerre entre les généraux al-Burhan et « Hemedti » était « inéluctable »

Le chercheur spécialiste du Soudan Jérôme Tubiana revient sur l'effondrement du pays et le point de bascule d'un conflit qui était, selon lui, « inéluctable » depuis des années.

RFI : Comment d'un conflit entre deux généraux, le pays s'est-il effondré ?

Jérôme Tubiana : Ces deux camps sont les deux héritiers de l'ancien régime du régime d'Omar el-Béchir. Omar el-Béchir parvenait à faire cohabiter au sein de son régime cette armée, dont il était lui-même issu, mais aussi d'autres acteurs de pouvoir comme les services de renseignement et ces paramilitaires, les forces de soutien rapide. Une fois qu'une partie de cette armée et de ces forces de soutien rapide, en 2019, ont décidé de se séparer d'Omar el-Béchir pour se maintenir eux-mêmes au pouvoir, leur affrontement était, si on peut dire, inéluctable.

Concrètement, comment est-ce qu'on est arrivé à un conflit aussi généralisé entre ces deux camps ?

Dès 2019, on voit ces rivalités monter, entre Burhan et « Hemedti ». Donc un président et un vice-président qui s'affrontent, mais aussi, derrière eux, ces intérêts très divergents et puissants. Ce sont aussi deux acteurs politiques qui se battent pour le contrôle de ce pouvoir au centre. Et puis les deux sont des acteurs économiques : l'armée, parce qu'elle est un acteur économique institutionnel extrêmement puissant au Soudan, et les FSR, plus indirectement, parce que leurs principaux leaders (« Hemedti » et sa famille) sont aussi, avant d'être des acteurs militaires, des acteurs économiques qui se sont beaucoup développés en particulier dans les mines d'or.

Quel a été le point de bascule exactement ?

À partir du moment où les combats extrêmement violents ont eu lieu dans la capitale, et où donc les paramilitaires des forces de soutien rapide se sont mis à contrôler, si on peut dire, l'hypercentre du pays, qui était le quartier général de toutes les forces armées, le pays est devenu très difficile à gérer et s'est en partie effondré. Cette force paramilitaire (les forces de soutien rapide) est devenue importante, puissante au point de pouvoir rivaliser avec l'armée. Donc il y a peut-être plus vraiment de place pour ces deux acteurs à l'intérieur du Soudan.

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