Mali: - Wagner n'atteint pas «son objectif affiché de lutte contre le terrorisme», selon une enquête du «Monde»

Au Mali, le groupe paramilitaire russe Wagner « ne parvient pas à atteindre son objectif affiché de lutte contre le terrorisme ». Telle est la conclusion d'une enquête vidéo publiée ce 15 août 2023 par le journal Le Monde.

Tout juste un an après le départ de la force française Barkhane, qui a achevé son retrait le 15 août 2023, et un peu plus d'un an et demi après l'arrivée des mercenaires russes de Wagner au Mali, fin 2021, l'enquête du journal Le Monde conclut à l'inefficacité de l'alliance de l'armée malienne et du groupe Wagner face à la menace jihadiste. Pire : elle démontre, selon Le Monde, « comment Wagner a aggravé la violence au Mali ».

Les journalistes du Monde ont analysé des images satellites, des documents diplomatiques américains et européens ou encore les données statistiques de l'ONG Acled, qui recensent des informations sur les dates, les acteurs, les lieux et les bilans des violences. Des rapports onusiens ou de l'organisation All eyes on Wagner ont également été utilisés.

1 600 hommes

Selon cette enquête, 1 600 mercenaires russes du groupe Wagner seraient actuellement au Mali, répartis dans au moins sept bases. Une présence que les autorités maliennes de transition continuent de nier, en dépit des confirmations de nombreux responsables russes, à commencer par le patron de Wagner, Evgueni Prigojine lui-même.

Bamako présente toujours ces hommes comme de simples « instructeurs » venus dans le cadre d'une « coopération d'État à État ». Evgueni Progojine a pourtant confirmé la présence de ses hommes dans un enregistrement audio diffusé en avril dernier. Bien avant lui, dès février 2022, le président russe Vladimir Poutine, puis Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe au mois de mai, avaient également confirmé cette présence.

Augmentation considérable des attaques jihadistes

Selon les données de l'ONG Acled, les attaques jihadistes ont considérablement augmenté au Mali depuis l'arrivée de Wagner : au moins 688 civils tués en 2022 par l'État islamique, huit fois plus que sur la moyenne des quatre années qui ont précédé l'arrivée de Wagner. Le Jnim (Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans), lié à al-Qaïda, a fait au moins 590 victimes civiles en 2022 : 3,5 fois plus que sur la moyenne 2018-2021.

A l'origine de cette « inefficacité », selon le journal Le Monde, « des moyens aériens bien inférieurs à ceux de l'armée française et un ancrage géographique limité » : entre janvier 2022 et juin 2023, 72% des opérations de Wagner ont été menées dans les régions de Ségou et Mopti, dans le centre du Mali. Mais Wagner est quasiment absent d'autres zones d'activité jihadiste, par exemple dans la région de Ménaka, dans le nord-est du Mali, où l'État islamique a commis des massacres de masse.

Recrutement

Se fondant notamment sur des documents de propagande de l'État islamique et d'al-Qaïda, Le Monde explique que la présence de Wagner est aussi « un levier de recrutement » pour les groupes jihadistes, qui mettent en avant leurs succès contre le groupe paramilitaire russe. Une stratégie qui s'explique notamment du fait des nombreuses exactions des mercenaires contre les populations civiles. Exécutions sommaires, viols... Entre janvier 2022 et juin 2023, sur les 294 opérations conjointes de Wagner et de l'armée malienne recensées, 152 - plus de la moitié - ont visé des civils. Près d'un millier de Maliens n'appartenant pas aux groupes jihadistes (957 précisément) auraient ainsi été tués sur cette période, selon l'enquête du Monde. Dans 9 cas sur 10, les opérations de Wagner sont menées conjointement avec l'armée nationale malienne. Témoignage audio à l'appui, l'enquête du Monde revient notamment sur le cas de l'opération de Moura, en mars 2023.

Citant des sources diplomatiques américaines et françaises, Le Monde rappelle que Wagner coûterait chaque mois 10 millions de dollars au Mali. Bamako n'a jamais donné aucun chiffre ni aucune explication sur le financement du soutien russe dans le pays, mais martèle régulièrement que la « montée en puissance » des forces maliennes permet de mettre « en débandade » des groupes terroristes « aux abois ».

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