Afrique de l'Ouest: Crise nigérienne - Le temps est-il un allié pour la junte ?

analyse

Trois semaines après le coup d'Etat qui a renversé le président Mohamed Bazoum au Niger, la situation reste tendue entre les putschistes et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui maintient l'option d'une intervention militaire pour rétablir le régime déchu à Niamey si le dialogue en cours échoue.

Une option de plus en plus décriée par de nombreuses voix au nombre desquelles celle de la Conférence des évêques du Togo qui, en plus de prôner « la voie diplomatique de négociation, de dialogue et de médiation dans la recherche de solution à la crise », demande la levée des sanctions imposées par l'organisation sous-régionale. Une antienne déjà serinée par la Conférence épiscopale Burkina-Niger et sa consoeur du Bénin qui ont aussi exprimé leur solidarité avec les populations nigériennes qui sont les principales victimes de ces dures sanctions.

La question qui se pose est de savoir si ces appels à la levée des sanctions de la CEDEAO, seront entendus. Rien n'est moins sûr. D'autant que si elle le faisait, on se demande de quels autres moyens de coercition disposerait la CEDEAO face à la junte qui, en plus de n'avoir pas cédé à son ultimatum d'une semaine pour rétablir le président déchu, continue de raidir la nuque en faisant montre d'une volonté affichée d'assumer son coup de force.

Malgré la pression, le Général Tchiani et ses compagnons d'armes ne sont pas dans la logique d'un retour en arrière

On en veut pour preuve la nomination, le 7 août dernier, d'un Premier ministre en la personne de Ali Mahaman Lamine Zeine, suivie de la formation, dans la foulée, d'un gouvernement. Autant de signes qui prouvent à souhait que malgré la pression, le Général Tchiani et ses compagnons d'armes ne sont pas dans la logique d'un retour en arrière, encore moins de se plier aux injonctions de l'organisation sous-régionale.

Et ce, au moment où le dialogue peine à se nouer avec la CEDEAO qui, à côté de l'option militaire, a décidé de donner une chance à la diplomatie sans que l'on ne sache véritablement si cela répond à la clameur de toutes ces voix qui, sans pour autant cautionner le coup d'Etat, s'élèvent de plus en plus contre l'utilisation de la force, ou si ce choix répond à une stratégie de guerre pour mieux peaufiner son plan d'attaque.

Toujours est-il que plus le temps passe, plus les opinions se montrent défavorables à l'option militaire, au regard des conséquences désastreuses qu'elle pourrait engendrer, et plus la CEDEAO semble gênée aux entournures par cette option à laquelle elle est cependant loin d'avoir renoncé. C'est dire si dans cette crise, le temps et l'opinion jouent contre la CEDEAO qui est attendue au pied du mur de sa promesse de rétablir l'ordre constitutionnel par la force du canon.

D'autant plus qu'au-delà des réserves émises ici et là, par des leaders religieux, politiques et de la société civile au sein de l'opinion publique dans de nombreux pays de la CEDEAO, l'opinion internationale semble aussi divisée sur la question.

Si les positions restent figées, c'est la réalité du terrain qui déterminera l'issue de cette crise aux allures d'un mauvais film d'action

Par exemple, contrairement à la France qui ne jure que par le rétablissement de Mohamed Bazoum dans son fauteuil présidentiel, l'évolution de la position d'un pays comme les Etats-Unis pour qui « il n'y a pas de solution militaire acceptable », semble en dire long sur la complexité des intérêts géostratégiques qui se jouent au Niger.

Et si l'arrivée prochaine de l'ambassadrice du pays de l'Oncle Sam, dont la nomination a été validée le 27 juillet dernier, au lendemain du coup d'Etat, ne vaut pas reconnaissance des nouvelles autorités de Niamey par Washington, cela y ressemble fort. Pendant ce temps, la diplomatie piétine et la l'intervention militaire de la CEDEAO se fait toujours attendre;

De là à se demander si le temps n'est pas finalement un allié pour la junte à l'effet de consolider son pouvoir à Niamey, il y a un pas qu'il faut cependant se garder de vite franchir. Car, en plus de n'avoir pas renoncé à son option militaire, la CEDEAO qui joue plus que son autorité dans cette affaire, est loin d'avoir dit son dernier.

Du reste, une réunion des chefs d'Etat-major des armées est prévue les 17 et 18 août courant, pour avancer sur la question de la préparation de l'intervention militaire, après que le dernier sommet extraordinaire des chefs d'Etat de l'organisation, a réactivé sa force en attente.

Et puis, il y a ce blocus économique dont les effets commencent à se faire sentir au-delà même des frontières du Niger, pour frapper de plein fouet certains pays limitrophes comme le Bénin où les prix de certains produits dont l'oignon, ont déjà connu une flambée.

En tout état de cause, tout porte à croire que si les positions restent figées, c'est la réalité du terrain qui déterminera l'issue de cette crise aux allures d'un mauvais film d'action dont tout le monde attend impatiemment de connaître l'épilogue.

Mais entre sensibilité aux souffrances du peuple nigérien et volonté de punir les putschistes pour l'exemple, le choix semble plutôt cornélien, pour la CEDEAO plus que jamais décidée à redorer son blason face à la prolifération des coups d'Etat qui consacrent le recul de la démocratie dans son espace géographique.

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