Tunisie: Education | La réforme du système éducatif vue par des spécialistes

15 Août 2023

Ecole primaire Kouttab Louzir, Médina de Tunis. Transformer une salle de classe en espace dédié aux activités artistiques. © Nao Maltese. ITE, Architecture et Patrimoine.

De l'avis des spécialistes internationaux dont la conseillère d'éducation nationale en Finlande, Kristina Kaihari, interviewée par La Presse, en matière d'éducation, la politique suivie dès la petite enfance est cruciale. En Finlande, par exemple, on réserve beaucoup d'espace pour les garderies, afin de garantir aux enfants épanouissement, jeu et créativité de la manière la plus souhaitée. Chaque enfant a le temps et l'espace qu'il faut pour se livrer à différentes activités libératrices et instructives.

C'est maintenant une évidence, l'on peine à réformer un système éducatif, pourtant à bout de souffle. Notre école publique forme aujourd'hui passablement, éduque médiocrement et figure en queue de peloton, s'agissant de classements internationaux.

Afin de s'enquérir des raisons d'un blocage qui n'a que trop duré, de voir si les programmes de l'enseignement primaire en Tunisie sont adaptés aux besoins nouveaux du monde actuel, si l'enseignant, évoluant dans des conditions précaires, est en mesure de conserver l'habitude d'apprendre pour ne pas transmettre un savoir caduque, La Presse a contacté l'expert en éducation Riadh Boubaker. Le professionnel de 40 ans d'expérience et ancien haut responsable au ministère de l'Éducation cite, en premier lieu, le manque de ressources utiles pour tout projet de réformes. «Il faut des ressources pour améliorer l'infrastructure, les salaires, les dispositifs pédagogiques. Or, l'on sait tous dans quel état étaient et le sont encore les recettes de l'État», fait-il observer.

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Le coût de la réforme pour la période 2016-2020 avait été estimé, faut-il le rappeler, à 4,105 millions de dinars. Soit près de 1million de dinars annuellement. Cette enveloppe devra comprendre 9 axes, à savoir l'équité et l'égalité des chances, la révision de la carte scolaire, l'optimisation des ressources humaines, le développement des acquis des apprenants et le relèvement de la qualité des apprentissages. S'y ajoutent consécutivement l'amélioration de la vie scolaire et la restructuration de l'enseignement préparatoire et secondaire, la lutte contre la déscolarisation et la promotion des technologies modernes.

Ces réformes qui n'ont jamais abouti

L'autre obstacle sur la voie de la réforme se rapporte, selon le même expert, à un duel de longue date qui oppose les syndicats à l'autorité de tutelle. «Entre des syndicats qui cherchent en premier lieu l'intérêt de leurs adhérents et une autorité de tutelle qui cherche l'intérêt général du système éducatif, les négociations se heurtent souvent à une irrémédiable divergence de points de vue.

Avec l'ancien ministre de l'Éducation Néji Jalloul (6 février 2015-30 avril 2017, ndlr), on a échoué dans la mise en oeuvre de la réforme, après l'élaboration de la loi qui devait abroger le texte de loi de 2002. Cela pour dire que l'implication excessive des syndicats a débouché sur une situation sans issue», se désole l'analyste. Le troisième facteur freinant la mise en oeuvre de la réforme, poursuit l'expert, est relatif à la législation. «Dès lors que les lois régissant le secteur ne sont pas réformées, on ne peut point avancer.

Avoir des enseignants de haut niveau et des ressources conséquentes n'est pas suffisant pour atteindre les objectifs fixés. Il faut qu'il y ait beaucoup d'audace pour redéfinir le rôle de l'école, la place de la formation et de l'enseignant professionnels. Les réformes de 1991 et de 2002 ne sont pas exemptes de défaillances. Aujourd'hui, il faut avoir le courage de rectifier le tir et restructurer l'enseignement», analyse M. Boubaker.

«Chaque enfant a le temps et l'espace pour se livrer à des activités libératrices et instructives»

Ce diagnostic purement technique ne peut en aucun cas occulter le volet pédagogique en vue d'effectuer les correctifs nécessaires pour une école publique de qualité. Pallier les carences multiples affectant l'école publique tunisienne, en l'occurrence bourrage de crâne, méthodes désuètes, inégalité d'accès à un enseignement de qualité, surcharge des classes et marginalisation du corps enseignant, nécessite une volonté politique et sociétale, de l'avis de notre interlocuteur. «Agir sur tous les axes relatifs à la réforme du système éducatif et revoir perpétuellement les contenus et ce qu'on enseigne dans un monde mouvant sont des conditions à réunir afin d'atteindre nos objectifs», assure notre interlocuteur.

De l'avis des spécialistes internationaux dont la conseillère d'éducation nationale en Finlande, Kristina Kaihari, interviewée par La Presse, en matière d'éducation, la politique suivie dès la petite enfance est cruciale. En Finlande, par exemple, on réserve beaucoup d'espace pour les garderies, afin de garantir aux enfants épanouissement, jeu et créativité de la manière la plus souhaitée. Chaque enfant a le temps et l'espace qu'il faut pour se livrer à différentes activités libératrices et instructives.

Le jeu et le reste des activités sont planifiés de manière à renforcer la polyvalence chez les enfants. La vraie école commence à l'âge de 7 ans. Et étant donné que les enfants sont différents, on leur apprend les choses différemment. Au cours des deux premières classes, les enfants apprennent des compétences de base comme la lecture, l'écriture et les mathématiques par le jeu. Il y a ceux qui sont doués et ceux qui le sont moins et qui nécessitent plus de temps et davantage d'efforts. Le niveau d'assimilation et de développement de l'enfant doit toujours être pris en compte. L'école ne représente pas nécessairement «le monde des adultes». Mais elle doit, d'une manière ou d'une autre, dire aux élèves : «Voilà notre monde et le vôtre bien évidemment». Pourquoi ne pas s'en inspirer pour notre projet de réforme, in fine ?

Mieux comprendre le monde qui les entoure

Les systèmes éducatifs les plus performants offrent aux nouvelles générations la possibilité de mieux comprendre le monde qui les entoure. Les profondes mutations touchant les sociétés, la technologie, l'environnement, la coopération, somme toute, le monde, exigent que de nouvelles compétences soient apprises et maîtrisées.

Les élèves doivent donc avoir l'occasion de se servir de ce qu'ils ont appris dans des situations non scolaires. L'un des objectifs les plus importants de la dernière réforme des programmes d'études en Finlande, ce pays disposant du meilleur système éducatif dans le monde, consiste à promouvoir les valeurs démocratiques, la coopération et la culture scolaire participative, à travers des programmes et des pratiques adaptés. Les activités sont planifiées de façon à ce que les élèves acquièrent des compétences variées.

Reste à dire que celui qui réfléchit sur les principes d'éducation chez nous doit fermement tâcher à séparer le monde de l'éducation des autres domaines, surtout celui de la vie politique et publique. En pratique, il en résulte que, premièrement, il faudrait bien comprendre que le rôle de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde. Deuxièmement, on ne doit pas traiter les enfants comme des adultes.

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