Le ministère public demande au tribunal qu'un médecin à la retraite, son collègue en service à l'Hôpital général de Yaoundé ainsi que leurs deux complices soient déclarés coupables de faux dans un acte et faux en écritures publiques et authentiques. Le jugement est rendu en l'absence des mis en cause.
Dr Melaman Sego, médecin à la retraite, et son collègue Sylvestre Fondjo Kengni, en service à l'Hôpital général de Yaoundé, risquent d'être condamnés par défaut, c'est-à-dire en leur absence. Ils avaient été inculpés de faux dans un acte et faux en écritures publiques et authentiques et renvoyés en jugement devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi, statuant en matière criminelle. Il leur est reproché d'avoir établi de faux certificats médicaux pour le compte de Marie Josiane Kenfack Zanguim, enseignante d'éducation physique et sportive, ainsi qu'à sa mère Marie Louise Dogmo, épouse Zanguim. L'affaire, qui a déclenchée depuis 2013, revenait à l'audience du 26 juillet 2023. C'est au cours de cette audience que David Benkiel Mimbang, le plaignant et ex-époux de Marie Josiane Kenfack Zanguim, a enfin fait son témoignage en l'absence des accusés, libres, qui ne comparaissent pas.
David Benkiel Mimbang est Sergent-chef de l'armée et dit avoir été le garde du corps de Jean Baptiste Beleoken à l'époque où ce dernier était ministre des Domaines, du Cadastre et Affaires foncières, avant d'occuper le poste de chef de service transit et archives dans le corps du BIR du temps de feu colonel Israélien Abraham Sylvan. Il a expliqué au tribunal que son épouse Marie Josiane Kenfack Zanguim, qui nourrissait les appétits de s'expatrier pour le Canada dans la recherche de nouvelles opportunités, a organisé un stratagème pour se débarrasser de lui. C'est ainsi que, d'après le plaignant, sa belle-mère Marie Louise Dogmo, épouse Zanguim, avait déposé une plainte contre sa personne au Semil pour les faits de menaces à main armée, coups et blessures avec à l'appui un certificat médical qui lui accordait 40 jours d'incapacité.
Divorce et sanction disciplinaire
Il a souligné que cette plainte lui avait valu une sanction disciplinaire, en l'occurrence sa mutation du corps spécialisé du Bataillon d'intervention rapide (BIR) où il avait été formé pour l'armée de terre, puis l'affectation à Mora, à l'Extrême-Nord, où il est maintenu jusqu'à ce jour. En outre, le Sergent-chef a indiqué que son épouse avait parallèlement engagé une procédure de divorce, en joignant dans sa requête un certificat médical et un procès-verbal (PV) de constat de répudiation établi par Me Raphael Ebode, huissier de justice à Yaoundé. Au terme de cette procédure, son épouse avait, eu gain de cause, selon ses dires, le divorce ayant finalement été prononcé. Le militaire avait été condamné au paiement de la somme d'un million de francs de dommages et intérêts à son ex-conjointe.
Poursuivant, David Benkiel Mimbang, a dit qu'il conteste formellement l'authenticité du certificat médical établi par Dr Melaman Sego, le médecin, étant donné que ce dernier était déjà retraité et ne pouvait donc plus signer un document et y apposer des cachets de Centre hospitalier universitaire (CHU) de Yaoundé, son ancien employeur. Il conteste également l'autre certificat médical qui est supposé avoir été fait par Sylvestre Fondjo Kengni parce qu'il porte, d'après le sergent-chef, la signature de ce médecin. Le plaignant remet aussi en cause les informations contenues dans le PV de constat de répudiation monté par l'huissier de justice. Il a soutenu que ces informations ne reflètent pas la réalité des faits. D'abord, parce que la description de son domicile au quartier Bastos où il résidait n'est pas exacte. Ensuite, son épouse, dit-il, qui était partie pour un stage professionnel d'un an au Sénégal, n'avait plus rejoint le domicile conjugal à son retour. Pour lui, il est incongru de parler de répudiation d'une épouse qu'il aimait tant.
Le militaire a noté que les trois documents contestés ont été montés de toutes pièces pour les besoins de la cause par son épouse et sa mère, Mme Marie Louise Dogmo, dans le but de lui nuire. Il a précisé que Marie Josiane Kenfack Zanguim avait obtenu le divorce et lui avait créé des déboires professionnels sur la base de ces faux documents. Ayant découvert le pot aux roses, David Benkiel Mimbang avait saisi le TGI du Mfoundi pour que justice lui soit rendue. Parmi les torts qu'il dit avoir subis, le militaire cite sa carrière professionnelle qui a été totalement compromise, pour avoir accusé un important retard dans l'avancement en grade. Il a déploré le fait que son foyer conjugal a volé en éclats et a désormais sevré sa fille de l'amour et de la chaleur paternels. David Benkiel Mimbang signale enfin qu'au-delà de la plainte déposée devant le TGI du Mfoundi, il avait également adressé des correspondances au Délégué général à la sureté nationale (Dgsn) et au directeur de la Police des frontières pour empêcher à son épouse de sortir du pays avec sa fille.
En l'absence des accusés, qui ne comparaissent pas pour assurer leur défense, le ministère public a pris la parole pour présenter ses réquisitions en observant que cette affaire a été déclenchée depuis 2013. Elle a donc trop duré sur les tables de nombreux juges. Le magistrat du parquet a expliqué que le plaignant avait été victime de faux documents utilisés par son épouse Marie Josiane Kenfack Zanguim et sa belle-mère Marie Louise Dogmo. Il s'agit d'un certificat médical dans lequel la belle-mère avait prétendu que, le 9 février 2013, son gendre David Benkiel Mimbang l'avait violentée. Un certificat médical que cette dernière dit avoir obtenu au Centre hospitalier universitaire (CHU), elle était supposée avoir été consultée par le médecin Melaman Sego.
Faux documents
Des vérifications faites auprès de cette institution avaient révélé que ce médecin était déjà à la retraite à l'époque des faits. Un autre certificat médical établi en décembre 2013 s'était aussi avéré faux, parce que Sylvestre Fondjo Kengni, le prétendu signataire de ce document, avait indiqué à l'étape de l'enquête préliminaire que celui-ci ne porte pas le cachet de sa formation sanitaire et avait contesté en être l'auteur. D'autres vérifications effectuées à l'Hôpital général à Yaoundé ont démontré que Marie Louise Dogmo n'avait jamais été consultée dans cette formation hospitalière, a souligné le ministère public.
S'agissant du cas de Marie Josiane Kenfack Zanguim, le parquet a expliqué que cette accusée avait allégué avoir requis les services d'un huissier de justice qui avait établi le PV de constat de répudiation. Pour le parquet, ce PV est faux parce que les indications contenues dans ce document démontrent que Me Ebode Raphaël ne s'était jamais rendu au domicile du plaignant. De plus, le militaire soutient mordicus que son épouse de retour du Sénégal n'avait pas rejoint le domicile conjugal. «Le PV de constat de répudiation dont il est question ne remplit pas les conditions requises par la loi. Il avait été fabriqué dans le but de nuire son mari. En le faisant, elle avait commis l'infraction de faux dans un acte», a martelé le magistrat du parquet.
Parlant du cas de la belle-mère du plaignant, le représentant du parquet a dit que cette dernière s'était rendue complice de faux et usage de faux en écriture publique et authentique en se servant d'un certificat médical fabriqué de toutes pièces pour accuser son gendre devant la hiérarchie du militaire. Il a, en outre, indiqué que le médecin Melaman Sego était à la retraite et ne pouvait pas délivrer un certificat médical en mentionnant qu'il était en service au CHU. Le ministère public a poursuivi en soulignant que le certificat médical établi par Sylvestre Fondjo Kegni ne porte pas le cachet rond de l'Hôpital général de Yaoundé en plus du fait que Marie Louise Dogmo n'a jamais été consultée dans cet hôpital.
En concluant son propos, le ministère public a relevé que Marie Josiane Kenfack Zanguim et sa mère, ayant fait usage de faux documents, se sont rendues complices de faux certificats médicaux reprochés aux deux médecins qui en sont les auteurs. Par ailleurs, Marie Josiane Kenfack Zanguim doit être déclarée coupable de faux procès-verbal de constat de répudiation. Le tribunal qui a clos les débats. Il compte se prononcer sur la culpabilité ou non des accusés le 23 août 2023. A moins d'un nouveau rebondissement dans cette procédure qui est déjà vieille de 10 ans...