Madagascar: Une garde à vue quasi systématique au début du XXIe siècle

La situation générale de la garde à vue à Madagascar apparait à travers aussi bien de l'opportunité de la prise de décision que des conditions de cette mesure policière.

C'est ce qui ressort de l'atelier organisé, le 19 septembre 2000, par le Comité national malgache pour la défense des droits de l'homme. Comme dans tout pays dit démocratique, la loi n'autorise la garde à vue que pour « les nécessités de l'enquête ». Cependant, aucune disposition ne définit, de manière précise, cette notion de « nécessités de l'enquête ».

En général, l'officier de police judiciaire (OPJ) retiendrait une personne dans la chambre de sûreté (cellule ou violon) pour qu'elle ne s'enfuie, ni procède à des subornations de témoins, ni détruise les indices et les preuves de l'infraction qu'il aurait commise. Toutefois, reconnaissent les participants de l'atelier, l'ambigüité de la notion offre à l'OPJ une grande latitude quant à la décision de garder une personne à vue.

« La consultation des bons de violon et des mains courantes des commissariats et de la gendarmerie, a permis, à l'époque, de déduire qu'à Madagascar, la garde à vue est quasi systématique et se prête facilement à la pratique de la corruption ». Un exemple est cité. Entre le 16 et le 23 juin 1999, tandis que la main courante d'un commissariat de la capitale affiche l'entrée de vingt-neuf affaires- dont une dizaine de désistements ou retraits avant même qu'une mesure de garde à vue soit prononcée- , le bon de violon est arrêté à douze cas de garde à vue.

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En fait, le phénomène de la corruption peut se manifester de deux façons. Dans le premier cas, le plaignant corrompt l'OPJ afin que celui-ci fasse en sorte que le suspect, gardé à vue, soit réellement accusé d'une infraction. Dans le deuxième cas, le gardé à vue lui-même soudoie l'OPJ pour obtenir la liberté. « D'où l'existence de certains procès-verbaux déguisés qui parvenaient au niveau du Parquet. » Il faut aussi préciser que « les conditions de traitement du gardé à vue sont souvent inhumaines ».

Cela se voit, affirment les participants de l'atelier, dans les méthodes utilisées par l'enquêteur durant l'interrogatoire. La visite des chambres de sûreté confirme également cette affirmation. En plus détaillés, les problèmes liés aux procédés de la garde à vue sont les durées excessives et les abus de pouvoir. La durée de quarante-huit heures n'est pas respectée, surtout dans le cas où le nombre de gardés à vue est élevé. Souvent les quarante-huit heures ne suffisent pas pour clore une enquête. L'OPJ continue à retenir la personne pendant plusieurs jours. L'excès se manifeste aussi lorsque l'OPJ convoque plusieurs personnes à la fois, à une même heure.

Or, devant le faible nombre d'enquêteurs, chaque personne convoquée devra attendre son tour pour l'audition, même si celle-ci dure plusieurs heures. Le problème se pose ainsi de savoir, comment définir cette période d'attente qui n'est pas incluse dans les quarante-huit heures. « Est-ce déjà une garde à vue ? ». Par contre, la durée de la garde à vue est excessive quand l'enquête est close quelques heures après la décision de la garde à vue, alors que l'OPJ retient l'individu « jusqu'à l'écoulement total des quarante-huit heures ».

En outre, lors de l'enquête préliminaire, des OPJ recourent, plus ou moins souvent, à la violence comme moyen de pression pour extorquer des aveux au suspect. Cette violence peut être physique (passage à tabac ou « encaissement»). Elle peut être morale durant les interrogatoires intensifs et prolongés. Normalement, une trentaine de minutes doivent suffire pour une audition et le gardé à vue doit bénéficier de repos.

Il arrive aussi que l'OPJ procède aux interrogatoires la nuit. De nombreux procès-verbaux d'auditions effectuées « à 23 heures, à minuit ou à 1 heure du matin » existent. Fatigué, le gardé à vue relate facilement des faits dont il n'est même pas l'auteur. De plus, commencer l'enquête la nuit suppose un recours à un conseil à cette même heure, mais le gardé à vue en trouve difficilement.

Or, la loi dispose que la recherche d'un conseil ne peut retarder l'enquête. L'absence du conseil favorise ainsi le recours de l'enquêteur à la violence. L'abus de pouvoir peut, enfin, résider dans une « entorse aux règles de compétence ». Contrairement aux dispositions légales, des OPJ n'hésitent pas à mettre un individu en garde à vue. Et il n'est pas rare que, par intérêt, l'enquêteur s'érige en médiateur ou en arbitre.

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