Cuisinier et gérant d'un restaurant familial, sis au marché central de Dahra Djoloff, Assane Lô, 61 ans, est un passionné du fourneau, qui a bouclé 30 longues années à préparer et vendre du riz.
Écumoire à la main, Assane Lô sert des plats de Cebbu djeun (riz au poisson) blanc à quelques habitués confortablement assis sur deux bancs au fond de sa gargote. 14h 15mns, c'est l'heure de pic. « Svp, donnez-moi une minute pour que je puisse terminer l'interview », répète-t-il aux nombreux clients qui défilent.
De petite taille, les cheveux poivre-sel, le menuisier métallique de formation a passé une bonne partie de sa vie autour du fourneau. Né et grandi à Dahra, il est parti à Abidjan en compagnie de sa femme. Nous sommes au début de l'an 1993. Mais, une fois en terre ivoirienne, la famille Lô n'a pas perdu trop de temps pour s'activer dans la restauration. « À cette époque-là, on n'avait pas trop de choix, les temps étaient trop durs là-bas, la menuiserie ne marchait pas beaucoup en Côte d'Ivoire. Alors, comme la restauration a toujours été une passion pour moi, j'ai décidé de m'y consacrer », dit-il, le sourire aux lèvres, s'empressant de rappeler être issu d'une famille de griots. « Ma mère était une passionnée de la cuisine, peut-être que j'ai hérité ça d'elle », ajoute le restaurateur.
Mais, après 19 ans passés au pays d'Henri Konan Bédié, ils ont finalement décidé de retourner à leur Djoloff natal en 2012 pour y ouvrir une cantine. Toutefois, contrairement à Abidjan où, selon lui, les gens se soucient peu de l'activité des autres, il a dû galérer avant de pouvoir s'imposer. « Au début, c'était très difficile avec le regard des passants qui se moquaient de moi, mais au fil du temps, ils se sont habitués. Les gens ne se rendent même plus compte ». Lô reconnaît que certains ne veulent être servis par un homme, même si, « d'autres, notamment les Peulhs, préfèrent acheter mes plats, pour, disent-ils, m'encourager ».
L'air très décontracté, ce père de famille est très actif, malgré son âge avancé. D'ailleurs, c'est lui-même qui part au marché pour l'achat des légumes et autres condiments avant d'écailler les poissons. À la cuisine, il se fait souvent assister par deux de ses 5 enfants, Lamine et Sokhna Maï, également passionnés par la cuisine.
L'essentiel pour ce natif du quartier de Médina Ndiaye, c'est de gagner dignement sa vie. C'est pourquoi, aujourd'hui, il ne regrette pas d'avoir épousé ce métier dit féminin dans notre société. « Alhamdoulilah, je parviens à gérer mon foyer avec ce travail », sourit Lô, qui prépare toutes sortes de plats à base de riz. Pour le dimanche, jour du marché hebdomadaire de Dahra, pas moins de 10 kilogrammes de riz sont vendus, mais pour les jours ordinaires, il en écoule 4 kilogrammes. Ce, en sus d'un fastfood de fortune géré, non loin, par ses deux enfants.
Pour son épouse, Marème, Assane a transmis le virus à tous leurs enfants. « Ils cuisinent mieux que nous-mêmes », se réjouit-elle, révélant que grâce à la restauration, sa famille ne dépend de personne. « Avec le riz, nous avons construit notre maison et nous préparons les grands évènements. On n'a pas d'autres préoccupations », dit la mère de famille.
Elle admet, malgré cela, que la restauration marche mieux à Abidjan. « Là-bas, on se frottait bien les mains, nous gagnions beaucoup de marchés lors des baptêmes, funérailles et autres cérémonies où nous préparions de grandes marmites », se rappelle-t-elle.
Aux hommes, Marème Lô lance un appel : « La restauration n'est pas spécifiquement une affaire de femme. Ne vous souciez pas du regard des autres, l'essentiel c'est de s'en sortir dignement ».