Dans le secteur de la pêche et de la production maraîchère au Sénégal, l'importance de Fass Boye n'est plus à démontrer. Mais, aujourd'hui, ce village qui compte pas moins de 23 000 âmes manque d'eau et d'infrastructures de base, au grand dam de ses jeunes.
C'est une route jonchée de nids de poule qui mène à Fass Boye. Situé à un peu plus d'une quarantaine de kilomètres de Mboro, dans le département de Tivaouane, ce village de pêcheurs et d'agriculteurs est l'un des plus grands poumons économiques de la commune de Darou Khoudoss. En cette mi-journée de samedi, il faut surtout essayer de maîtriser les virages et contournements de cette route où passent des taxis-clandos et autres camions frigorifiques qui proviennent du site de débarquement des produits halieutiques. Mais, de part et d'autre de la chaussée, l'on peut admirer les champs verdoyants où sont cultivées plusieurs variétés de légumes allant du navet à l'aubergine en passant par le chou, l'oignon et surtout la carotte.
Selon Moda Samb, premier adjoint au maire de Darou Khoudoss, Fass Boye a réalisé, l'année dernière, une production de 21 000 tonnes de carottes entre les mois de janvier et juillet. « Nous maîtrisons entièrement le circuit de production de la carotte. Aujourd'hui, nous sommes champions dans cette filière », rapporte l'élu local. Seulement, l'absence d'unités de conservation et de terres constitue de réelles menaces pour les producteurs de carottes à Fass Boye.
Toutefois, ce village de la grande côte est réputé être une zone de pêche par excellence. Sur le rivage, plusieurs embarcations sont rangées sur le sol fin, tandis que d'autres pirogues, par manque d'espace, sont maintenues en mer.
En compagnie de ses amis pêcheurs comme lui, le jeune Abdou Karim est assis en face de la mer. Ils sont une dizaine de jeunes garçons à s'entasser sur un banc de fortune se trouvant à l'ombre d'une tente. Ils regardent tous les pirogues qui oscillent sur cette mer agitée. « Nous ne sommes pas en mer aujourd'hui, car le poisson se fait de plus en plus rare et les bateaux étrangers nous mènent une concurrence déloyale », se plaint le jeune homme. Cette inertie des jeunes pêcheurs n'enlève en rien l'importance de Fass Boye en matière de pêche dans la zone. « Fass fait partie des quatre centres de pêche de la région de Thiès, à côté de Mbour, Joal et Kayar. Nous avons un parc piroguier de plus de 1000 embarcations. Chaque année, 20 à 25 000 tonnes de poissons sont pêchées ici pour une valeur de 17 à 19 milliards de FCfa », renseigne Moda Samb.
Cette activité économique dynamique de Fass Boye a fini de faire de la localité un melting-pot où les Lébous vivent en parfaite harmonie avec les Sérères, les Diolas, les Mandingues et d'autres ethnies du Sénégal. « Nous avons même un quartier qui s'appelle Thiocé. C'est le quartier des Mandingues », informe Madieb Boye, le chef de village de Fass. Ce dernier est le cinquième chef de village de la localité. Il succède à son grand-père, Mambaye Boye.
Fass de Cheikh Seydi El Hadji Malick Sy
Fondé en 1929, Fass Boye est le village que Cheikh Seydi El Hadji Malick Sy avait indiqué à ses disciples de Gandiole. Selon le chef de village, le marabout de Tivaouane avait dit à ses aïeux qu'ils devaient aller à « Teni Naar » (une localité où les Maures allaient s'abreuver) pour y habiter. « Il leur avait donné du sable pour délimiter, à leur guise, le village qui était sur le littoral. C'est ce que firent mes grands-parents », renseigne Madieb Boye. Aujourd'hui, Fass Boye compte 23 000 âmes. « Ici, la plupart des habitants sont des tidianes. C'est parce que nous devons beaucoup à Cheikh El Hadj Malick Sy grâce à qui ce village a été créé », ajoute le chef de village.
La localité, qui est devenue un grand pôle économique, n'est pas assez dotée d'infrastructures sociales de base. En effet, avec ses 23 000 habitants, elle ne dispose que d'un poste de santé, d'un Cem et d'une gare routière. « Fass Boye n'a pas d'eau depuis deux ans. Tout cela à cause d'un forage qui n'a pas les capacités d'approvisionner toute la population. Pour boire, il faut puiser l'eau des puits ou acheter des sachets », rapporte Mansour, le fils du chef de village. Il s'y ajoute que les jeunes qui veulent des terres pour cultiver se heurtent au refus catégorique du Service des Eaux de forêts qui leur interdit toute extension. « Aujourd'hui, on n'a aucune possibilité d'avoir une zone d'extension, ici, à Fass Boye sous peine de se heurter aux services de l'État », informe le premier adjoint au maire. La mainmise des sociétés minières installées dans la zone a fini d'accentuer la frustration des jeunes. Selon l'adjoint au maire, les engagements pris par certaines sociétés, comme la Grande côte opérations (Gco) qui exploite le zircon, n'ont pas été respectés. « À part l'ambulance offerte au village, en 2014, les quelques travaux effectués à la gare routière et la clôture du Cem, je ne vois pas ce que cette société a fait pour les populations. Ensuite, il est impossible de voir une dizaine de jeunes du village travailler dans ces sociétés minières », regrette l'élu local.
Outre l'encombrement de ces usines, ces populations de Fass Boye se plaignent aussi des émanations de gaz et des produits toxiques qui peuvent provenir de ces installations avec de graves conséquences sur la santé des populations.
Pour l'heure, malgré son importance dans le secteur agricole, Fass Boye rêve d'un avenir meilleur.