Ile Maurice: L'Utilis / Le Pandannus Hub - Une pierre deux coups pour les mamans de Vieux-Grand-Port

Le Ferney Trail, organisé par le groupe CIEL depuis maintenant 16 ans, a plusieurs objectifs. Il vise d'abord à faire les trail-runners pratiquer ce sport, tout en goûtant à la quiétude de la nature environnante. Mais il comporte cette année un volet social prononcé. En effet, les projecteurs seront notamment braqués sur des artisanes fabriquant des objets utiles à partir de feuilles de pandanus (vacoas). Découvrons l'Utilis - Le Pandannus Hub, atelier qui existe depuis 21 ans et qui permet non seulement à 16 femmes de Vieux-Grand-Port d'avoir une activité génératrice de revenus mais également de s'occuper de leurs foyers.

«Kouma to figir koumsa zordi ? Trouve tonn bien fet La Vierge !», déclare en riant Fabiola Marius, directrice de l'Association des Artisans et Planteurs de Pandanus du Sud-Est, à une des sept artisanes faisant partie des 16 autres constituant l'association qu'elle dirige.

L'interpellée rit sous cape et se met rapidement à tresser les extrémités des feuilles de pandanus, préalablement coupées aux extrémités et au centre pour en enlever les piquants et mises à sécher au soleil devant l'atelier où elles ont pris la couleur paille.

Si Fabiola Marius s'occupe de l'administration et de l'accueil des clients, il lui arrive toujours de mettre la main à la pâte. Les trois autres femmes présentes dans l'atelier tressent les feuilles tandis qu'une autre coupe celles encore vertes sous la véranda. L'atelier, qui n'a pas de plaque à son nom en devanture, a de larges ouvertures non-vitrées, sur lesquelles se referment des volets en bois épais. Deux machines à coudre trônent au milieu de la grande salle et sont utilisées lorsque les commandes doivent être bordées de tissu.

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Le tressage de feuilles de pandanus est un art transmis de génération en génération au sein de la famille de Fabiola Marius. Sa grand-mère en avait fait son métier et sa mère aussi. «Ma mère nous a appris le tissage pour en faire des tentes, des sacs et des nattes que les gens utilisaient beaucoup à l'époque. Pa tigit kriye ek baté inn gagne pou aprann sa metie là.» Les acheteurs étaient alors «bann Madam bann missié tablisman Ferney ki ti vinn pran ek al vande. Zot tou inn desede aster-là.»

À la fin de sa scolarité, Fabiola Marius épouse le pêcheur Jean-Pierre, à qui elle donne trois enfants, une fille et un garçon, aujourd'hui adultes. La vie devenant difficile, elle cherche de l'emploi dans le village et ceux avoisinants. «Mo al fer interview tout mais pa pran moi akoz transpor difisil. C'est toujours le cas aujourd'hui : les jeunes ont du mal à trouver de l'embauche dans la région.»

Elle est contrainte de chercher du travail ailleurs et en trouve à l'usine de thon à Riche-Terre. Commencent alors des journées exténuantes pour elle. Debout à 4 h 30, elle quitte Vieux-Grand-Port à 5 h 30 pour arriver à Riche-Terre à 7 heures. Sa journée de travail se termine généralement à 17 heures. En cas d'heures supplémentaires, c'est 18 h 30. Le temps de rentrer à la maison, il fait déjà nuit noire. Elle tient le coup quatre ans mais démissionne car elle ne voit pas grandir ses enfants alors qu'ils ont besoin d'encadrement. «Mo pa ti le zot tomb dan bann fléaux.»

C'est alors qu'elle repense au métier que lui a appris sa mère, à savoir le tressage des feuilles de pandanus pour les transformer en objets utilitaires. Elle met alors à contribution ses tantes et ses cousines qui savent tresser les feuilles de pandanus et elles vont chercher ces feuilles dans leurs cours.

C'est Eric Mangar, responsable du Mouvement pour l'Autosuffisance Alimentaire, venu chez les Marius pour rencontrer son mari pêcheur, qui la voyant s'exécuter, l'interroge. «Il a trouvé que j'avais un beau métier et m'a demandé si d'autres personnes dans la localité savaient le faire. Il m'a alors conseillé de les réunir et de nous constituer en association.» C'est ainsi que naît l'Association des Artisans et Planteurs de Pandanus du Sud-Est et qui comprend, à l'époque, 12 femmes, la plupart étant ses proches.

Leur première commande, soit 200 mallettes, vient du National Productivity and Competitiveness Council. N'étant pas encore bien rodées comme aujourd'hui, elles s'activent au domicile des Marius et mettent trois à quatre mois pour honorer la commande. Il n'empêche que le résultat est très apprécié. Si le travail se fait à la chaîne, chacune exécutant ce qu'elle sait faire le mieux, elles réalisent qu'elles ont besoin d'un atelier showroom. Eric Mangar les aide à écrire un projet qu'elles soumettent au ministère des Terres afin d'obtenir un terrain de l'État en location-bail. Elles en obtiennent un sur la route principale. Elles le nettoient et conçoivent le plan du bâtiment.

Pour l'ériger, l'association fait une demande de fonds auprès du Programme des Nations Unies pour le Développement-Global Environment Facility, qui accepte de les aider. La construction commence en 2001. Pour la compléter, elles doivent solliciter d'autres parrains, notamment la Mauritius Commercial Bank et le groupe Eclosia. Une fois le bâtiment debout, elles le nomment L'utilis- Le Pandannus Hub et y aménagent leur atelier, qui opère de 9 h 30 à 15 h 30.

Sérénité

Si aujourd'hui, elles sont 16 femmes à tresser les feuilles de pandanus, sept travaillant à l'atelier et les autres à domicile, à un moment, elles étaient 23. Leur sérénité vient de la flexibilité et de la liberté que leur procure ce métier. Ainsi, elles peuvent travailler de chez elles si elles le désirent. Et celles qui viennent à l'atelier ont tout le loisir d'aller au préalable déposer leurs enfants à l'école, de faire le ménage, voire de cuisiner, d'aller faire leur marché et d'autres courses. Sans compter que cette activité leur rapporte des revenus mensuels, même si ceux-ci ne sont pas fixes. Elles sont payées à la journée mais aussi à la pièce. Les mois où les objets qu'elles tressent - tentes, plateaux, nattes, sacs à main, Folder files - se vendent moins bien, elles peuvent ramener Rs 3 000 à la maison. Le jackpot lors des bons mois varie entre Rs 8 000 et Rs 12 000.

Elles s'approvisionnent en feuilles de pandanus le long de la route à Ferney, arbustes plantées pour elles par Alteo. Parfois, elles doivent en acheter auprès de particuliers et les faire acheminer par camion. Si elles ont obtenu un lopin de terre à côté du dispensaire qu'elles ont transformé en pépinière de pandanus, elles feront bientôt une autre demande de terre de l'État pour planter d'autres arbres de pandanus car depuis le Covid-19, les commandes ont augmenté. «Les tentes bazar sont notre best-seller. Dimounn commande paniers ek zot décore li ek ça donn enn valer azoute ek zot al vendé. La vie inn vinn trop cher.»

Electro Bike Mauritius et My Moris leur amènent souvent des étrangers intéressés à s'essayer au tressage des feuilles de vacoas le temps d'une demi-journée, tout comme elles ont déjà reçu la visite d'élèves d'écoles du Nord.

Le souhait de Fabiola Marius aujourd'hui est que les jeunes et les femmes s'intéressent à apprendre ce métier car selon elle, il y a de l'avenir dans le pandanus. «Il vaut mieux acheter une tente en feuille de pandanus, qui est une matière première naturelle et qui va durer entre huit à dix ans plutôt que des sacs en plastique, même biodégradables...»

Des nouveautés pour le Ciel Ferney Trail 2023

La réduction de l'empreinte carbone et une plus grande visibilité pour les habitants de la région, ce sont les nouveautés du CIEL Ferney Trail de 2023, qui aura lieu le 9 septembre. C'est ainsi que cet événement comprenant quatre courses, qui attire généralement plus de 3 000 trail-runners, verra l'élimination des race-packs. Ce qui réduira l'empreinte carbone. De plus, les habitants de Ferney et des villages avoisinants (Vieux-Grand-Port, Rivière-des-Créoles etc.) ont été invités à participer sur le terrain à l'organisation et l'expertise des artisans de la région sera aussi valorisée, notamment celle des femmes de l'Association des Artisans et Planteurs de Pandanus du Sud-Est.

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