Afrique: Temps présent - Le profil bas ou la bravade?

En un temps plus court que l'on ne l'imaginait, les relations internationales sont entrées dans une période d'incertitude que n'explique pas seulement le conflit éclaté le 24 février 2022 entre la Russie et l'Ukraine. Certes, la guerre à l'est de l'Europe en est un motif d'aggravation mais avant la mise à exécution par Moscou de son objectif controversé de « démilitariser et dénazifier Kiev », le souffle de l'instabilité n'avait cessé d'agiter plusieurs régions du monde.

Pour ce qui concerne l'Afrique, les prises de pouvoir par les militaires successivement au Mali, en Guinée, au Burkina Faso en 2021 et 2022 en est une parfaite illustration. Sachant que le continent n'est pas isolé du reste de la planète, la politique internationale globale a pris un coup supplémentaire avec la nouvelle incursion des hommes en uniforme sur la scène nigérienne le 26 juillet dernier. Un putsch « de trop » pour certains ; un acte « logique » écrit à l'avance pour d'autres.

Si l'on ne peut pas parler de l'histoire qui se répète, on est tenté de se rappeler la violence de la brise ayant transpercé l'Afrique à la fin des années 1980. Dans le sillage de la chute du mur de Berlin, la convocation des Conférences nationales souveraines dans de nombreux pays du continent était alors une démarche salvatrice pour le renouvellement des élites politiques moyennant la mise hors-jeu des régimes établis pour certains depuis de longues années.

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La comparaison avec ce à quoi l'on assiste aujourd'hui vient de ce que dans les deux cas l'enchaînement paraît le même : les Conférences nationales d'hier s'en prenaient à des pouvoirs accusés de faire du surplace, mais on n'oublie pas le rôle joué par le discours accompagnateur venu de l'extérieur ; les juntes militaires d'Afrique de l'Ouest déposent les régimes auxquels elles attachent les malheurs des pays qu'elles gouvernaient. Le discours extérieur lui est foncièrement opposé à ces subrogations du fait qu'elles mettent à mal les édifices démocratiques en cours d'élévation.

La vérité est que nul ne sait exactement où conduiront les jeux de prise de pouvoir par les militaires qui se déroulent sous nos yeux en Afrique de l'Ouest. La crainte légitime d'un effet domino mobilise cette partie du continent à travers ses organisations communautaires, mais les décisions que préconisent ces dernières n'emportent pas l'assentiment des populations des pays concernés. En cherchant à s'y mêler d'une manière ou d'une autre, les puissances extérieures se rendent compte de la complexité de la situation sur le terrain.

D'où cette question fondamentale : que doivent faire ces puissances ? Adopter un profil bas en prenant le temps de l'observation nécessaire ou tenter le tout pour le tout pour chasser les usurpateurs quoi qu'il en coûte ? Dans l'un ou l'autre cas, elles imiteront nécessairement les dirigeants des pays africains pris au début des années 1990 dans la tourmente des conférences nationales souveraines nourries au biberon de la démocratie : certains choisirent le profil bas laissant passer la bourrasque, d'autres résistèrent au vent du changement mettant à mal la cohésion nationale.

Tout compte fait, le dernier mot était revenu au peuple, il avait salué l'avènement de la démocratie et l'avait accompagné. Mais affamé, il peut changer d'avis, applaudir l'usurpation et défiler même le ventre creux en faveur de ses représentants. Le peuple ? Tant qu'il n'est pas nourri, on ne peut le faire changer de raisonnement.

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