La fin de la semaine dernière aura été riche en événements au Niger. En effet, alors que la junte militaire qui a déposé son paquetage au palais présidentiel de Niamey, avait opté jusque-là de faire le dos rond, l'on a assisté à une timide ouverture avec l'accueil de plusieurs délégations, notamment celle de l'Organisation des Nations unies (ONU) et celle de l'Union africaine (UA) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEOA).
Cette dernière a même réussi le pari de voir, dix minutes durant, le président déchu qui, selon les témoignages, se porte bien physiquement et maintient le moral haut. Mais cette timide ouverture du pouvoir en treillis de Niamey que l'on peut mettre, entre autres, à l'actif de la médiation souterraine menée par le président togolais, Faure Gnassingbé, n'a cependant pas empêché l'homme fort de Niamey de dérouler son agenda. En effet, le général Abdourahamane Tchiani s'est adressé, dans une allocution télévisuelle, à son peuple. Cette adresse a été riche en annonces, au nombre desquelles l'on peut retenir essentiellement la convocation sous 30 jours, d'un « dialogue national inclusif » et la mise en place « d'une transition qui ne saurait aller au-delà de trois ans ».
La CEDEAO est prise à son propre piège
C'est donc un scénario préétabli, écrit avec sous la table, les schémas malien, burkinabè et guinéen, qui se dessine sur les rives du grand fleuve de l'Afrique de l'Ouest. L'objectif de ce scénario est pour le moins clair : il s'agit, à la fois, pour les militaires nigériens de se donner une légitimité en se faisant adouber par les assises nationales à venir, mais aussi de faire un appel du pied à la CEDEAO qui réclame le retour à l'ordre constitutionnel en brandissant non seulement la menace d'intervention militaire, mais aussi en tentant de faire lâcher prise aux militaires par des sanctions économiques aux conséquences dévastatrices. La question que l'on peut se poser est de savoir si l'organisation sous-régionale qui s'active dans les préparatifs de son intervention annoncée, se laissera attendrir par ce discours qui vise très clairement à lui couper l'herbe sous le pied. Il est encore difficile de répondre à cette question avec certitude.
Pour le moins, l'on peut dire que la CEDEAO est prise à son propre piège. En effet, échaudée par les cas malien, burkinabè et guinéen et craignant la rapide propagation de l'épidémie des coups d'Etat dans l'espace communautaire, elle est tentée de réagir avec la dernière énergie pour empêcher le général de dérouler la feuille de route qu'il a annoncée. Mais le pourra-t-elle sans faire dans le « deux poids, deux mesures », après avoir adoubé et accompagné les régimes militaires au Burkina Faso, au Mali et en Guinée ?
Les balayeurs qui ont fini par s'installer définitivement dans la maison après l'avoir nettoyée, sont légion
En tout cas, une chose est certaine, l'organisation sous-régionale semble dans un pétrin et quelle que soit l'option qu'elle prendra, elle ne fera qu'augmenter son impopularité déjà grandissante au sein des populations qui n'y voient qu'un syndicat des chefs d'Etat contre leurs peuples et un instrument au service de l'impérialisme français qui est accusé d'être derrière toutes les manoeuvres souterraines visant à semer le chaos dans la bande sahélo-saharienne. C'est dire, en un mot comme en mille, que la CEDEAO elle-même comme l'Etat du Niger, ne sortira pas indemne de cette crise qui fait étalage de toutes les divisions et de tous les courants et contre-courants dans l'espace communautaire.
En attendant de savoir de quoi sera fait demain pour le Niger et pour la sous-région dans l'ensemble, l'on peut s'interroger sur la sincérité du discours du général Tchiani qui semble manier à la perfection la carotte et le bâton. En effet, tout en laissant entrevoir la possibilité d'une libération du président Bazoum qu'il conditionne à l'assouplissement des sanctions de la CEDEAO, le numéro un de la junte nigérienne annonce qu'il ripostera à toute agression contre le Niger et sait pour cela compter sur ses alliés sahéliens. Au-delà de cette rhétorique guerrière qui est en partie aussi entretenue par la position radicale de la CEDEAO, l'on peut se demander si le discours de Tchiani n'est pas du déjà entendu.
En effet, les balayeurs qui ont fini par s'installer définitivement dans la maison après l'avoir nettoyée, sont légion et le Niger n'est pas à l'abri de la répétition de l'histoire surtout que l'environnement est favorable. En tout cas, ce ne serait guère étonnant qu'aux termes de la transition annoncée de trois ans, l'on aboutisse à une Constitution taillée sur mesure, qui permettra finalement au général Tchiani de troquer sa tenue kaki et ses galons étoilés contre le costume et la cravate de démocrate. Mais tout cela ne passera vraisemblablement pas comme une lettre à la poste surtout que les va-t-en-guerre de la CEDEAO, en l'occurrence Alassane Dramane Ouattara et Macky Sall séjournent actuellement sur les bords de la Seine avec sans doute pour objectif inavoué de mobiliser le nerf de la guerre pour bouter hors du palais présidentiel nigérien, la bande à Tchiani.