Sénégal: Fass Boye attend les corps de ses fils dans la tristesse

Fass Boye — En cette matinée du dimanche, l'atmosphère est lourde à Fass Boye. La tristesse qui se lit sur tous les visages, surtout chez les membres des familles de migrants disparus, quelques jours après l'annonce de la découverte au Cap-Vert de la pirogue qui les transportait et à la veille du rapatriement annoncé de leurs corps.

Juste une chose pour consoler les parents, épouses, frères ou soeurs des plus 70 personnes, qui ont péri dans l'Atlantique : la foi en Dieu, qui implique l'acceptation de sa volonté en toute circonstance. Thioro Boye ne peut plus pleurer. L'arrestation de ses deux fils par la gendarmerie, ajoute à la peine de la perte de l'unique garçon de l'épouse de son frère. A la veille du rapatriement attendu ce lundi des corps des victimes, une journée de prière est organisée en leur mémoire.

Qui dit prière, pense au pardon. Thioro Boye, une des nombreuses mères à avoir perdu un fils dans cette pirogue, décide de »pardonner » la »chaude nuit » vécue suite à l'annonce de la découverte de la pirogue restée introuvable pendant plus d'un mois.

»Personne ne pouvait respirer ici à cause des grenades lacrymogènes lancées par les gendarmes. Personne ne pouvait sortir », se souvient-elle, incapable de finir l'entretien, à cause de l'émotion. Pris de colère, les jeunes du village s'en étaient pris à plusieurs édifices, amenant la gendarmerie à intervenir.

Arame Diéye, elle, ne dort plus depuis un mois cinq jours. Depuis qu'elle a été informée que la pirogue a été retrouvée, elle se sent plus apaisée. »Je vis ces moments comme une délivrance. Savoir que mon fils est parti à jamais, vaut mieux que l'éternité d'une attente angoissante », confie-t-elle.

»Avoir toujours la gorge nouée par la peur des recherches interminables, me tuait à petit feu. Aujourd'hui, je sais que j'ai perdu Pape Boye, mon fils unique qui soutenait toute la famille, soupire-t-elle. Il va bien nous manquer et toute famille est déjà secouée par sa disparition. »

Contrairement à la famille du notable Iba Sow qui n'a pas voulu parler à la presse, le vieux Modou Diop Mbaye qui déplore aussi des disparus, accepte de recevoir les journalistes pour transmettre un message aux autorités.

»Je conseille aux autorités de bien revoir les personnes qui doivent gérer les ressources halieutiques du Sénégal. À mon avis, les personnes censées gérer la pêche, ne connaissent absolument rien de la vie ces braves travailleurs. Ceux qui pillent nos mers n'habitent pas au Sénégal », souligne-t-il. Il pointe du doigt les conséquences désastreuses de l'action des bateaux étrangers. Il a perdu un fils avec qui il était en complicité. »Il me parlait de tous ses projets », relève-t-il, parlant de ce fils qui a laissé des enfants, dont la petite Awa.

Selon lui, une bonne partie des victimes avaient été ensemble à l'école coranique, et étaient des amis. »Personne ne voulait laisser l'autre mourir. Ils sont restés solidaires jusqu'à leur dernier souffle », note-t-il. Il préconise un suivi psychologique pour les rescapés internés au Cap-Vert, afin de les aider à surmonter les moments affreux qu'ils ont traversés.

Après avoir lancé un appel similaire au président de la République, pour une aide aux plans social et psychologique, Oustaz Cheybatou Boye ajoute : »Vos enfants ont fauté, mais ils restent vos fils et vos neveux ».

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