Ile Maurice: La SST - Une brigade aux motivations obscures

Si certains pensent que la Special Striking Team (SST) est une unité politique - Arvin Boolell la qualifiant même de «milice» -, d'autres commencent à se demander si elle n'agit pas aussi pour le compte d'individus riches ou bien placés. Le commissaire de police et le Premier ministre en sont-ils au courant ? Les mutations effectuées à la SST, le 15 août, paraissent en tout cas comme une opération de nettoyage.

Des descentes qui interpellent. Il y a eu les arrestations d'Akil Bissessur et de sa compagne, le 19 août 2022, soit deux semaines après la création de la SST, et avec son frère, le 20 juin 2023 ; de Bruneau Laurette ; de Rama Valayden ; de Sherry Singh et de son épouse ; de Vidarmen Payen à Cluny et de Deenarain Lokee, le 3 avril 2023. Il y a eu aussi une descente chez la belle-famille de Sanjeev Teeluckdharry. Sur un autre volet, il y a eu aussi les arrestations de Vimen Sabapati pour lesquelles on n'est pas sûr si c'était pour de la drogue ou parce qu'il était garde du corps de Navin Ramgoolam. Il y a eu enfin l'affaire Murvind Beetun, menacé et bousculé sur son lieu de travail par des éléments de la SST et des agents politiques agissant ensemble (avec vidéo à l'appui).

Mais il y a eu aussi des descentes chez des Mauriciens qui n'ont rien à voir avec la politique. Justement, Murvind Beetun parlait de la descente chez la famille Ramdin à Flic-en-Flac lors de la fameuse émission du 14 juin quand l'assistant surintendant de police (ASP) Ashik Jagai a commencé à s'énerver et nié connaître ce Ramdin. Des vidéos ont circulé montrant des membres de la SST allant fouiller la demeure des Ramdin.

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Des membres de la SST ont «visité» le domicile de l'entrepreneur indien Nilesh Patel, jugé proche de Sherry Singh en mai, cela en relation avec l'affaire de cuivre. Lors de cette descente, l'Indien n'était pas au pays et le gardien aurait été malmené par la SST pour le forcer à ouvrir la porte de la maison. Et Rs 1 million auraient disparu de la maison et l'Indien, pris de frayeur, ne veut plus revenir à Maurice.

Il y a eu aussi l'affaire Ashik Fulena, arrêté le 28 avril 2023 à Flic-en-Flac sous une accusation provisoire de trafic de drogue. L'affaire a débuté lorsque Fulena, qui organise des fêtes privées, a refusé l'entrée à une de ses soirées à un nervis du pouvoir. Qui a alors menacé l'organisateur en lui disant qu'il recevrait bientôt la visite de la SST. Cette dernière a effectivement débarqué chez Fulena et l'a arrêté pour trafic de drogue. L'affaire n'est pas allée bien loin, cela après des allégations de «planting». L'offre opportune d'aide d'un certain Nevill «pour régler le problème» est à souligner. Ce personnage, chauffeur de taxi, est intervenu dans d'autres opérations.

La styliste Sweta Ramlugun, elle, a reçu la visite de la Criminal Investigation Division de Pamplemousses en mai dernier. Bien que ce ne soit pas la SST, le modus operandi était le même. Les policiers recherchaient de la drogue, des médicaments et des documents. Là encore, il y avait un soupçon de règlement de comptes personnel. Ou une démarche politique, le mari décédé de la styliste ayant été le trésorier du Parti travailliste.

Le 3 juin, à la suite d'un accident de la route à Port-Louis impliquant une voiture de la SST, un proche handicapé du propriétaire de la fourgonnette percutée a été passé à tabac par des éléments présumés de la SST parce qu'il prenait des photos de son véhicule endommagé. L'enquête de l'IPCC serait en cours...

Le 3 avril 2023, c'est la femme d'affaires S. R. qui a reçu la visite de neuf membres de la SST qui ont perquisitionné sa demeure sans rien trouver d'incriminant. La dame est convaincue que c'est son ex-époux qui aurait «loué» les services de la SST pour essayer de la coincer.

Il y a eu d'autres descentes de la SST que nous n'avons pas citées. Ces mystérieuses opérations de la SST soulèvent des interrogations : cette unité agit-elle sur de fausses informations ? Question plus importante : la SST mettrait-elle ses services à la disposition du privé ? Si oui, contre quoi ?

La «performance» de la Special Striking Team selon Pravind Jugnauth

En réponse à la Private Notice Question du 12 juin 2023, le Premien ministre déclarait que depuis sa création, le 3 août 2022, la SST a arrêté 58 personnes concernant 81 affaires et saisies de drogue pour Rs 355 millions. Et 22 jours après, soit le 4 juillet, répondant à une interpellation du Dr Farhad Aumeer, le même Pravind Jugnauth annonçait 47 affaires, 60 arrestations, la saisie de Rs 606 millions de drogue par la SST. Le nombre d'arrestations a augmenté par deux personnes, celui d'affaires a, lui, diminué drastiquement par 34 et la valeur de drogue saisie est passée de Rs 355 millions à Rs 606 millions. Ce qui fait dire à un homme de loi : «Soit il s'est trompé soit on essaie de nous 'tromper'.»

Ce qui est sûr, c'est qu'aucune condamnation n'a été obtenue par la SST jusqu'ici. Pour rappel, presque toutes ces accusations provisoires ont été classées sans suite par la justice. Ou alors «les enquêtes sont en cours». Pour justifier le retard ou les hésitations de la police à soumettre des documents en cour dans le cas du couple Sherry Singh, le surintendant de police Dunraz Gangadin déclarait, le mardi 8 août, que cette affaire était complexe et pourrait avoir des ramifications internationales. Alors que le couple a déjà passé deux jours en détention ! Comme se le demandait Bruneau Laurette : la SST tiret-elle plus vite que son ombre, comme Lucky Luke ?

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