Madagascar: Recours limités des gardés à vue victimes de violence

Le système de la garde à vue, à Madagascar, tient sa complexité de quatre facteurs majeurs, selon les participants à l'atelier sur La problématique de la garde à vue , organisé par le Comité national malgache pour la défense des droits de l'homme, le 19 septembre 2000.

Le premier facteur porte sur l'insuffisance des moyens mis à la disposition des officiers de police judiciaire (OPJ), tels les moyens matériels presque inexistants. Il est aussi évoqué leurs salaires et diverses indemnités qui ne sont pas proportionnels aux risques du métier (lire précédente Note).

En outre, les enquêtes effectuées montrent que nombreux sont les OPJ qui connaissent mal, sinon ignorent, la législation en vigueur, qui régit leur profession. C'est sans aucun doute, l'une des raisons pour lesquelles il existe « immanquablement » des conflits de compétence et des abus de pouvoir. Les participants rappellent alors l'exemple des suspects détenus jusqu'à l'expiration des quarante-huit heures, alors que leur audition est achevée dès les premières heures de la garde à vue.

Il y a également question de l'effectif des OPJ. D'après le constat des participants de l'atelier, à Madagascar, le personnel de la police judiciaire serait « certes, en surnombre, mais sûrement mal répartis». Il s'avère qu'une pénurie d'officiers et d'agents de PJ est constatée dans des circonscriptions pourtant stratégiques où les infractions affluent. En revanche, dans des zones considérées tranquilles, leur nombre est pléthorique.

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De même, le problème d'incompréhension entre le Parquet et la Police judiciaire est soulevé. Les OPJ sont « tentés d'être laxistes » dans l'application des dispositions sur la garde à vue. Il est, en effet, « rarissime que des contrôles périodiques sur place soient effectués par leurs supérieurs ». Ces derniers se contenteraient de lire les procès-verbaux ou de passer des coups de fil pour de plus amples informations.

« La question est de savoir si l'on peut donner tort aux magistrats du Parquet qui traitent en moyenne mille dossiers par mois. » Selon les organisateurs de l'atelier, la consultation des registres d'entrée du Parquet d'Antananarivo permet de savoir que plus de six mille huit cents cas ont été enregistrés du 2 janvier au 31 mai 1999.Des cas de problèmes socioculturels se présentent aussi, surtout en milieu rural où « la population priorise l'intérêt du groupe à celui de l'individu et où également la justice populaire est encore de mise ».

Quoi qu'il en soit, les justiciables n'ont, à leur disposition, que très peu de recours en matière de garde à vue. D'ailleurs, affirment les participants de l'atelier, avant que la plupart des gardés à vue, victimes de mauvais traitement, puissent porter plainte, des menaces sont proférées à leur encontre. « Certains OPJ n'hésitent pas, dans certains cas, de masquer la situation en portant plainte, à leur tour, pour outrage. »A Madagascar, signalent les participants, la chambre d'accusation n'a jamais été saisie d'une affaire relative aux fautes commises par l'OPJ. En général, lorsqu'un individu victime d'un acte arbitraire se plaint au ministère public, le procureur de la République convoque les deux parties pour un règlement à l'amiable du problème.

Il s'agit plutôt pour l'OPJ de s'excuser auprès de la victime.L'article 185 du code de procédure pénale malgache, du moins jusqu'à l'organisation de l'atelier, « punit, selon la nature et la gravité de violence, un fonctionnaire ou un officier public, un administrateur, un agent ou un préposé du gouvernement ou de la police qui aura usé ou fait user de violence envers les personnes, dans l'exercice de ces fonctions. » Mais, ajoutent les participants de l'atelier, cet article est rarement appliqué, les justiciables hésitant à dénoncer les OPJ de peur d'éventuelles représailles.

La jurisprudence en matière de garde à vue, est « pratiquement inexistante à Madagascar », malgré la grande innovation concernant les droits de la défense qu'a apporté la loi 97.036. Le seul jugement prononcé dans ce sens date du 25 février 1999, et rendu par le tribunal de première instance d'Antananarivo. Dans un commissariat en plein centre de la ville, quatre agents de police ont violé une jeune femme gardée à vue. La Cour a statué et condamné le principal coupable à cinq ans d'emprisonnement ferme et à 2 400 000 Fmg de dommages-intérêts. Les trois autres ont été condamnés chacun à trois mois d'emprisonnement ferme et à 2 200 000 Fmg de dommages-intérêts.

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