Afrique: La « Légion ouest-africaine » va-t-elle sauter sur Niamey ?

Le film de Raoul Coutard (1980) - La Légion saute sur Kolwezi - immortalise l'opération de sauvetage de Kolwezi en 1978 en République du Zaïre (aujourd'hui la RDC). MDW souhaite apporter sa petite contribution aux multiples analyses de ce qui se passe actuellement dans une partie de l'Afrique de l'Ouest sur le continent. La Communauté des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est une organisation régionale créée en 1975, composée de 15 pays, dont le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone et Togo.

La CEDEAO vise à atteindre les objectifs énoncés à l'article 3 de son traité fondateur : 1) Égalité et interdépendance entre les États membres ; 2) Solidarité et autosuffisance collective ; 3) Coopération interétatique, coordination des politiques et intégration des programmes ; 4) Non-agression entre les Etats membres ; Paix, sécurité et stabilité régionales ; 5) Résoudre pacifiquement les différends entre États membres, coopérer activement avec les pays voisins et promouvoir un environnement pacifique comme condition préalable au développement économique ; 6) Respecter, promouvoir et protéger les droits de l'homme et des peuples ; 7) transparence, justice économique et sociale et participation populaire au développement ; 8) reconnaissance et respect des règles et principes juridiques de la communauté ; 9) promotion et consolidation d'un système démocratique et gouvernement dans chaque état membre tel que prévu par la Déclaration de principes politiques adoptés le 6 Juillet 1991 à Abuja.

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La CEDEAO sanctionne toute prise de pouvoir par la force et le pays où le coups d'état est perpétré est sanctionné par les autres membres, c'est notamment le cas du Mali, de la Guinée et du Burkina-Faso où les militaires ont évincé des présidents « démocratiquement » élus. (Au Burkina Faso un coup d'état militaire a succédé à un autre coup d'état militaire).

Le coup d'Etat au Niger devrait en principe suivre la même logique de condamnation suivie des sanctions de la part de l'organisation ouest-africaine. A la grande surprise de tous, c'est l'option militaire qui était mise en avant pour remettre manu militari le pouvoir entre les mains du président Mohamed Bazoum démocratiquement élu en Avril 2021 pour un mandat de 5 ans.

La décision hâtive de Mr Bola Ahmed Tinubu, l'actuel président du Nigéria de recourir à la force si les putschistes n'obtempéraient pas et ne restituaient pas le pouvoir au président Bazoum a créé une onde de choc non seulement dans plusieurs pays de la CEDEAO, mais aussi à l'intérieur même du Nigeria où une écrasante majorité des sénateurs ont voté pour une solution diplomatique et non militaire. Cela n'a pas suffi à faire baisser les ardeurs du nouveaux président du Nigeria qui tient à se poser comme un leader incontestable du continent africain. Les principaux pays fournisseurs des troupes pour cette opération sont : Le Nigeria, Le Sénégal, le Benin et la Cote d'Ivoire. Tous les 10 autres pays de la CEDEAO se sont opposés à toute intervention militaire à Niamey.

Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée ne s'opposent pas seulement à une intervention militaire, mais surtout ils ont même promis d'aider le Niger dans le cas d'une invasion militaire extérieure. Il existe donc une division tranchée entre les pays de la CEDEAO. Il y a d'une part les adeptes d'une intervention militaire tous azimuts - Le Nigeria, le Sénégal, la Cote d'Ivoire et le Benin - et d'autre part les pays farouchement opposés à une intervention militaire - Le mali, le Burkina Faso, et la Guinée (notons que tous les trois pays ont connu des coups d'Etat militaires) Les autres membres de la CEDEAO sont opposés à la prise du pouvoir par la force, mais en même temps ils sont clairement contre une intervention militaire au Niger.

L'opposition unanime à l'invasion du Niger n'implique pas automatiquement l'accord d'envoyer des troupes de la CEDEAO. À mon avis, ce sont ces troupes qui devraient se mobiliser contreles les Boko Haram dans la région, pas contre le peuple nigérien. En effet, le principe de non-agression entre les Etats de la CEDEAO est inscrit dans le texte fondateur de cette organisation (voir ci-dessus). On ne peut pas attaquer un État membre. Des sanctions et des procédures d'exclusion provisoires ont été utilisées par la CEDEAO. Pourquoi un coup d'État au Niger serait-il différent d'un coup d'État au Mali, en Guinée ou au Burkina Faso ?

Chaque pays a sa propre histoire, et bien qu'extérieurement similaires, les quatre pays ne sont pas les mêmes. En ce qui concerne le Niger, cependant, la France semble avoir discrètement réclamé la réintégration du président Basoum. La justification officielle de la France tourne autour du soutien à un président élu « démocratiquement » par le peuple nigérien. Cependant, le fait que la multinationale française ORANO (anciennement AREVA), basée à Courbevoie, à Paris, se concentre sur l'énergie nucléaire et l'extraction d'uranium au Niger depuis près de 50 ans est devenue encore plus importante après la hausse des prix de l'électricité en France suite à la guerre d'Ukraine devrait être un élément important dans l'analyse des attitudes françaises dans le dossier du Niger.

Il n'est donc pas tout à fait faux de croire que la France poussera les Africains de la CEDEAO à se battre pour les intérêts français.

L'argument de la démocratie semble couvrir tous les autres motifs d'envahir le Niger, puisque la démocratie est devenue sacro-sainte, son imposition constituerait un argument irrésistible. Je terminerai ce MDW par une ouverture historique sur la réalité de la démocratie, quitte à y revenir lors du prochain MDW.

Nous avons maintenu une compréhension anhistorique de ce concept depuis les réformes de Solon et Cristhène en 594 av. J.-C. pour consolider la démocratie athénienne. Le mot démocratie signifie étymologiquement « cratos » (pouvoir) au « demos » (peuple). Mais, en 549 av. J.-C., c'était un peuple à la poursuite de la valeur d'échange capitaliste.

Les peuples dont il est question ici sont des peuples qui sont passés d'une communauté d'êtres (tout à tous) avant les réformes de Solon et Cristhène à une société de propriété (chacun pour soi). C'est une démocratie sujette à l'objectivation de l'être humain par le capitalisme.

Cela nous oblige à y réfléchir !

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