Gabon: Elections - Ali Bongo Ondimba, le candidat du système, brigue un troisième mandat

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Ali Bongo Ondimba, agé de 64 ans, est un assoiffé de changement politique. Dès son accession à la magistrature suprême en 2009, dans des conditions contestées, il s'était donné pour ambition de changer de manière significative la configuration politique du Gabon. Tout au moins, de changer l'emballage présentant le Gabon comme une parfaite illustration d'un autoritarisme familial.

Avait-il les moyens de cette ambition, certes légitime mais extrêmement complexe ? Pouvait-il y parvenir en s'attaquant de manière solitaire à un système dont l'essentiel des leviers de déploiement et de contrôle du pouvoir ne dépendaient pas forcément de lui seul? Y parviendra-t-il un jour si les Gabonais continuent de lui accorder leur soutien ? Voilà des questionnements importants qu'il s'agit de mobiliser afin de revisiter son parcours politique, dans ce contexte précédant la prochaine présidentielle prévue le 26 août 2023, notamment dans un pays où le patronyme "Bongo" est quasiment indissociable de la vie politique.

La vie politique gabonaise a été en effet caractérisée par la figure marquante du président Albert Bernard (Omar) Bongo Ondimba et par le Parti démocratique gabonais (PDG) qui a occupé les devants de la scène politique de 1967 à 2009, transcendant ainsi la période du parti unique et celle du retour au multipartisme. C'est à sa suite qu'une alternance familiale et politique s'opère par voie démocratique, sans violence, malgré les contestations qui s'observent ici et là, naturellement courantes dans un contexte général un contexte général où les contestations ne sont jamais absentes des processus électoraux sur le continent africain.

Ali Bongo Ondimba (ABO), qui s'appelait Alain-Bernard Bongo (ABB) initialement, est ainsi le fils aîné d'Albert-Bernard Bongo (ABB), l'ancien président gabonais, devenu par la suite Omar Bongo Ondimba (OBO), suite à sa conversion à l'islam. Il est indiscutablement le fils de son père, dans le sens familial et filial de ce terme, même si certains de ses détracteurs entretiennent une polémique indiquant qu'il aurait été adopté par son père, l'ancien président Omar Bongo, et serait originaire du Biafra (Nigeria et Bénin). Mais davantage, il est le successeur de son père dans le sens de la tradition Bantoue où le rite de succession du père est patriarcale, c'est-à-dire que c'est l'aîné des garçons qui succède toujours à son père. Pris dans ce sens, Ali Bongo Ondimba était programmé pour remplacer son père dans les différentes articulations de la vie de ce dernier.

Il devait précisément porter l'héritage de ce père à plusieurs facettes, aussi bien sur le plan politique, familial, social, mystique, diplomatique (et même françafricain pour un pays comme le Gabon), etc.

Un héritage complexe

En effet, l'actuel président gabonais était supposé assumer cet héritage complexe laissé par son père, dans un environnement métamorphosé, et qui était manifestement loin d'être le même que celui où avait évolué son défunt père. Le fils Bongo était bien conscient de cela dès son investiture le 16 octobre 2009, à la tête du Gabon. Bien plus, il affirmait sa détermination à transformer le système politique laissé par son père.

Ali Bongo a préalablement étudié ce système à partir de son immersion politique dans le cabinet de son père. Un cabinet présidentiel qu'il intègre dès son retour au Gabon en 1987, à la suite de ses études en France et d'une expérience dans le domaine musical acquise aux États-Unis. Son intégration politique est au départ compliquée, car il ne maîtrise à l'époque ni le contexte politique, ni les langues locales qui faciliteraient son intégration.

Grâce à la subtilité et la dextérité d'un père expérimenté, son ascension politique au sein du gouvernement sera accélérée. De 1989 à 1991, Ali Bongo est nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Casimir Oyé Mba. Cependant, il doit démissionner au bout de deux ans à cause de son jeune âge. Selon les dispositions constitutionnelles en vigueur en 1991, il fallait avoir au moins 35 ans révolus pour exercer des fonctions ministérielles, et lui n'en avait que 32. C'est ainsi qu'il revient à la case de départ, au cabinet de son père.

Contact avec le terrain

Avant cet épisode de non-conformité constitutionnelle, il s'était essayé à l'épreuve du contact avec le terrain lors des législatives de 1990 dans la circonscription du Haut-Ogooué. En 1996, il se présente pour prendre la tête de la province du Haut-Ogooué, connu pour être le fief de son cousin, le ministre de la Défense de l'époque, et ancien chef d'état-major, Idriss Ngari. Ces deux personnalités politiques appartenant au socle présidentiel d'Omar Bongo s'affrontent sans ménagement.

A cette occasion, on reproche à Ali Bongo de traîner quelques aspérités politiques pendant la campagne, notamment en laissant entrevoir son inculture vis-à-vis des traditions et son approximation de la maîtrise de la langue locale, le fang. Toutefois, il bénéficie d'un soutien décisif de son père pour faire basculer l'élection en sa faveur.

En février 1999, Ali Bongo est nommé ministre de la Défense en remplacement du général Idriss Ngari au sein du gouvernement. A ce poste, il est accusé par ses détracteurs d'être dépensier et clientéliste dans les différentes promotions aux postes de responsabilité. C'est d'ailleurs à ce poste qu'il se constitue l'essentiel de son réseau d'influence au sein de l'Etat et réajuste ses ambitions politiques.

Dans la mandature de 2001 à 2006, il est réélu député, et vice-président du Parti démocratique gabonais (PDG). Cela lui permet de cerner et de contrôler la machine électorale de son père qui se trouve de plus en plus affaibli par la maladie et évacué en Europe. Omar Bongo décède le 08 juin 2009. C'est suite à sa mort que son fils Ali Bongo est investi comme candidat du PDG pour l'élection présidentielle du 30 août 2009.

En 2016, il se présente à l'élection présidentielle pour la conquête d'un deuxième mandat à la tête du Gabon. Il remporte le scrutin devant une opposition émiettée. Sa victoire est contestée à nouveau par l'opposition, dont le principal candidat est Jean Ping, diplomate et homme politique à la tête du Front uni de l'opposition pour l'alternance (FUOPA). Le 24 octobre 2018, alors que sont dévoilés les résultats des élections législatives d'octobre 2018, largement remportées par le parti au pouvoir, Ali Bongo est hospitalisé à Riyad, en Arabie saoudite, pour de sérieux ennuis de santé qui nécessiteront un suivi médical prolongé et un séjour de 10 mois à l'étranger.

Il s'agit d'un coup d'arrêt pour un deuxième septennat qu'il avait placé sous le sceau de la continuité, mais surtout de l'accélération du développement du Gabon. Cela n'a pas suffi pour stopper les ambitions de cet homme politique dont les détracteurs ne se risquent plus à pronostiquer sur son avenir politique. La classe politique gabonaise s'est d'ailleurs habituée à le voir tomber, puis se relever, se métamorphoser et réapparaître.

En effet, Ali Bongo a annoncé depuis quelques mois déjà sa candidature à un troisième mandat à la présidentielle qui se déroulera ce 26 août 2023.

En dehors d'un affaiblissement physique perceptible depuis la survenue de son AVC en 2018, des critiques persistantes ciblant un bilan caractérisé par de nombreuses promesses non tenues sur deux mandats successifs, et face à une opposition émiettée et écartelée entre plusieurs candidats, Ali Bongo est le favori de la prochaine présidentielle gabonaise.

Détenant une majorité écrasante dans les deux chambres parlementaires (96 sièges sur 143 à l'Assemblée nationale, et 46 sièges sur 67 au Sénat), il est le candidat sortant et du système en place. A ce titre, il contrôle l'essentiel des leviers du pouvoir, des moyens d'Etat et d'un mode de scrutin simplifié, qui indique selon l'article 9 (2) que :

L'élection est acquise au candidat qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages.

Dans tous les cas, seul le verdict des urnes nous fixera sur l'issue de cette présidentielle.

Enseignant chercheur, Université de Yaoundé II

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