Burkina Faso: Paiement de la redevance TNT - « Chacun doit faire un effort pour honorer ses engagements », David Ganou, DG SBT

interview

La Société burkinabè de télédiffusion (SBT) a, le 8 août dernier, annoncé une baisse de 52 % du montant de la redevance TNT. Dans cet entretien, son directeur général, David Ganou, explique les raisons de la baisse, les enjeux et l'intérêt pour les éditeurs de télévisions privées d'honorer leurs engagements vis-à-vis de la SBT.

Comment se porte la SBT ?

La SBT se porte bien. C'est vrai que nous traversons, comme toute entreprise, des moments souvent un peu difficiles. Et pour la SBT, cela se situe surtout au niveau des redevances que les éditeurs de services doivent payer. Donc, à ce niveau, nous rencontrons d'énormes difficultés. Parce que depuis la commercialisation de nos produits si on peut le dire parce que nous avons eu des périodes d'essais. Et, après ces périodes d'essais, nous avons commencé à contractualiser avec les éditeurs de services. De 2020 à 2023, il y a un cumul d'impayés de l'ordre de plus de 3 milliards F CFA.

Qu'est-ce qu'on entend par redevance ?

Par redevance, il faut savoir qu'au niveau du système de diffusion, la loi a consacré deux entités. Ce qu'on appelle, les éditeurs de services, donc les chaînes de télé que les gens connaissent. Ils avaient l'habitude de produire et de diffuser elles-mêmes leurs propres émissions. Présentement, ils ne font que produire et il y'a une société qui est chargée de diffuser pour tout le monde, qui est la SBT. C'est ce service que la SBT rend à ces éditeurs de services. Moyennant ce service, il est demandé une contribution de la part de ces éditeurs de service. C'est ce que nous appelons les redevances de diffusion.

Le 8 août dernier, lors de la rencontre avec les éditeurs de télévisions privées, la SBT a annoncé une réduction des 52 % du montant de cette redevance. Qu'est-ce qui a motivé cette décision ?

Après la phase de commercialisation de nos produits, les éditeurs de services ont eu un cumul de plus de 3 milliards F CFA. Ils avaient des difficultés à payer ces redevances qui étaient de l'ordre de 75 millions F CFA hors TVA pour celui qui voulait une couverture nationale. Ils ont trouvé que cela était très élevé. Donc, l'autorité, à travers le conseil d'administration, a consenti à diminuer de l'ordre de 52 % pour ramener cette redevance à 36 millions F CFA hors TVA.

Avec la TVA, quel est le montant à payer ?

Avec la TVA, nous sommes autour de 42 480 000 F CFA. S : Y a-t-il un délai pour qu'ils viennent s'acquitter des frais dus à la SBT ? D.G. : Pour ceux qui doivent aller à la SBT, vu que le cumul est très élevé, nous avons une approche par structure pour permettre à chacun de proposer un plan d'apurement. Ce n'est pas contraignant. C'est à la structure de voir dans le temps comment elle peut honorer sa dette. Donc, il n'y a pas de délai rigide. Mais, c'est dans nos entretiens avec cette structure que nous allons arriver peut-être à définir un calendrier ou un planning qui puisse permettre d'apurer sa dette.

S : Certains éditeurs avaient commencé déjà à payer, d'autres trainaient toujours des arriérés. Comment vous comptez gérer ce contentieux ?

D.G. : Ce sont des contrats qui lient cette structure à la SBT. Donc, ceux qui sont à jour, il n'y a plus d'assiettes à payer à leur niveau. Maintenant, c'est ceux qui ne sont pas à jour qui ont un cumul qu'il faudra apurer dans le temps. Et donc, nous allons nous accorder, vu le contexte difficile, pour qu'ils puissent proposer un calendrier raisonnable pour eux et la SBT.

S : Donc, on peut considérer que c'est un nouveau départ pour tous les éditeurs de télévisions privées et la SBT ?

D.G. : L'ancien montant, c'était des anciens contrats. Dans la démarche, nous comptons à partir du 1er septembre 2023 les inviter à repartir sur un nouveau contrat avec la SBT. Le nouveau contrat qui va consacrer une déduction de l'ordre de 52% sur l'ensemble des tarifs qui sont appliqués. Les 52%, il y a deux types. Il y a les chaînes commerciales et les chaînes confessionnelles. Donc, les chaînes commerciales ont 52% de réduction, mais il y a un rabattement de 25% en plus pour les chaînes confessionnelles.

S : Pour les nouveaux contrats qu'en sera-t-il pour ceux qui n'arrivent pas à payer leurs redevances ?

D.G. : Dans le contrat, il y a des procédures qui sont prévues et nous allons nous conformer à la réglementation en vigueur qui est précisée dans le contrat.

S : Certains éditeurs télévisions estiment que le rabattement de 52% est toujours peu. Partagez-vous leurs avis?

D.G. : Les télévisions ont plusieurs déclinaisons possibles. Lorsqu'on parle de 3 millions F CFA, c'est pour un éditeur qui veut couvrir l'ensemble du territoire. Donc, si vous faites un ratio par centre, ce qu'il paie c'est moins de 8000 F CFA. Avant l'avènement de la TNT, c'est la RTB qui couvrait vraiment l'ensemble du territoire. A part la RTB, il n'y a que Bobo-Dioulasso et Ouagadougou que certaines chaînes arrivaient à couvrir.

Mais les 3 millions F CFA, c'est pour couvrir l'ensemble du territoire national. Donc, une télévision qui est d'une envergure nationale, on ramène le montant à 3 millions F CFA. Et, si vous répartissez, ces 3 millions F CFA par l'ensemble des centres qui doivent distribuer, c'est moins d'un apport de 8000 F CFA qu'ils font par ces centres. Il y a des déclinaisons régionales.

C'est-à-dire qu'une télévision qui ne peut pas couvrir le Burkina, si elle veut couvrir la région du Centre, comme c'était le cas pour la majorité des télévisions, cela coute 1 600 000 francs F CFA par mois. Pour une télévision qui veut couvrir la région des Hauts-Bassins, cela coute 800 000 francs F CFA. Pour les régions du Nord, Ouahigouya, Kaya, Tenkodogo et Banfora, c'est l'ordre de 480 000 F CFA.

Il y a même des déclinaisons qui sont à 240 000 francs par mois. Donc pour une chaîne qui à Tenkodogo, Dori, Kaya, Dédougou, Manga, c'est 240 000 francs FCFA. Je pense que ce sont des coûts qui sont vraiment abordables pour l'ensemble de nos chaînes. Mais vouloir une couverture nationale et payer un prix moindre, c'est souvent ce carcan dans lequel beaucoup de chaînes veulent se mettre alors qu'ils étaient uniquement sur Ouagadougou.

Avec cette baisse de 52%, comment la SBT compte recouvrer ce manque à gagner dans son chiffre d'affaires ?

Nous sommes en train de réaménager à l'intérieur l'ensemble de nos activités. Mais également, nous déployer sur d'autres nouveaux créneaux. Nous sommes en train de revoir notre modèle économique pour nous permettre de pouvoir continuer nos activités.

Cette décision concerne-t-elle les bouquets qui émettent au Burkina ?

Non. La TNT, l'ensemble des 17 chaînes nationales. Donc, ce sont ces chaînes qui sont concernées.

La SBT est une société d'Etat qui compte sur ses ressources pour vivre. Avec cette baisse des prix, pourra-t-elle tenir dans le temps?

Au-delà de cette baisse, c'est de penser à notre modèle économique, nous orienter vers d'autres segments d'activités pour pouvoir continuer à rentabiliser la société. Nous sommes déjà sur le chantier et sous peu nous allons pouvoir déployer ce nouveau modèle économique.

A ce jour, certaines chaînes qui ont commencé à signer de nouveaux contrats avec la SBT ?

Oui. Il y a des chaînes qui ont commencé à choisir les déclinaisons qu'elles veulent notamment nationales et régionales. Elles vont passer juste pendre les contrats qu'on va refaire suivant ces nouveaux tarifs. Et à partir du 1er septembre, ce sera appliqué pour eux. Ils vont constater une baisse par rapport à ce qu'elles doivent payer par mois.

Certaines opinions et mêmes des éditeurs de services estiment que la population paie la redevance télévisuelle. Donc, une partie de cette somme pourrait être reversée à la SBT pour réduire encore le coût de la redevance de la SBT. Partagez-vous cette solution ?

C'est deux domaines différents. L'Etat a consacré la gratuité de réception au niveau des ménages. Si vous voyez la TNT, d'habitude si vous avez un bouquet quand même à partir de 17 chaînes, vous savez que vous payez quelque chose pour recevoir les chaînes. Mais présentement avec la TNT, l'Etat a consacré la gratuité de réception.

Donc aucun ménage ne paye pour recevoir l'ensemble des 17 chaînes que nous avons sur notre bouquet. Du coup, c'est ce que l'Etat prend, qu'on appelle les taxes télé. C'est bien écrit une taxe de soutien au développement des activités audiovisuelles. Donc c'est pour appuyer la production nationale. Le Burkina Faso est un pays où, nous avons besoin de faire connaître notre culture, l'ensemble de nos valeurs.

Cette taxe sert à soutenir l'ensemble. Ce n'est pas forcément que la télé, mais tout ce qui va produire et venir enrichir l'ensemble des programmes que nous voyons dans nos chaînes de télé. L'Etat également, c'est à travers cette taxe qu'il apporte des soutiens à plusieurs structures. Mais nous, nous concentrons la gratuité de la réception au niveau des chaînes télé. Nous avons un bouquet gratuit, où que vous êtes, vous pouvez avoir 17 chaines gratuitement sans débourser le moindre centime.

Certains patrons de presse estiment que la situation sécuritaire ne leur permet pas de faire des recettes pour honorer leurs engagements à la SBT. Peut-on s'attendre encore à une baisse des prix ?

a conjoncture touche presque toutes les structures, que ce soit la SBT ou n'importe quelle chaîne de télévision. Cela nous touche plus parce qu'à ce jour, le nombre de chaînes de télé qui sont à jour de leur redevance, on ne peut pas les compter. Les télévisions ne payent pas. Pour qu'on puisse nous entendre, nous avons consenti, un effort de l'ordre de 52%. Je pense que la réduction est substantielle.

A ce niveau, chacun doit faire un effort maintenant pour pouvoir honorer ses engagements. Parce que jusqu'à présent, nous n'avons pas coupé une chaîne de télévision parce qu'elle n'a pas payé. Mais, nous tenons notre engagement. C'est également aux autres télévisions de tenir leurs engagements.

A titre illustratif, je pense que si nous ne payons pas la SONABEL, ce n'est pas évident. Mais, quel que soit la conjoncture, nous recevons nos factures d'électricité que nous sommes tenus d'honorer. Nous payons à la SONABEL plus de 400 millions F CFA par an. Ce sont des charges qui sont élevées.

Ces charges, c'est pour pouvoir tenir l'ensemble de ces chaînes. Il faut qu'on se donne la main pour pouvoir honorer ces charges pour les permettre également d'être vus par l'ensemble de la population. Il y a un effort qui a été fait à notre niveau et les éditeurs également doivent faire un effort à leur niveau pour que nous puissions continuer à faire rayonner la culture du Burkina.

Avec le nouveau contrat, on peut s'attendre à des coupures de signal pour ceux qui ne vont pas respecter leurs engagements ?

Nous allons nous en tenir aux dispositions réglementaires qui sont dans le contrat. Nous n'irons pas au-delà des dispositions réglementaires.

Même avec ce nouveau contrat, ne craignez-vous pas les mauvais payeurs ?Ce sont des structures privées, elles ne peuvent pas s'attendre à ce qu'on fasse la diffusion pour elles gratuitement. Chacun doit faire un effort à ce niveau pour pouvoir honorer ses engagements.

Un message aux éditeurs ?

Je  leur demande de passer à la SBT. Il y a une réduction qui est consentie. Plus, ils sont à jour, ils réduisent directement leur ardoise. C'est de les inviter avant la date du 1er septembre prochain à pouvoir passer, signer les nouveaux contrats. Egalement, que chacun puisse prendre les couvertures suivant ses moyens.

Le développement se fait pas à pas. Une fois que nous avons une couverture, on peut continuer également à l'étendre à d'autres régions. Pas forcément qu'on ait l'option nationale. Mais on peut aller d'une zone A pour ajouter une zone B, jusqu'à ce qu'on puisse avoir la capacité de faire une couverture nationale. Nous invitons chacun à renouveler ses contrats, mais également à honorer ses engagements, comme la SBT honore également ces engagements.

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