Madagascar: Levée de drapeau - Le renvoi d'élèves « Témoins de Jéhovah », non conforme à la Constitution

Le refus de trois élèves du lycée d'Alakamisy Itenina de chanter le « Tanindrazanay Malala » et de louer le « Zanahary » a été porté devant la Haute Cour Constitutionnelle.

Questions. Dans le litige les opposant au lycée d'Alakamisy Itenina et la direction régionale de l'Education Nationale de Haute Matsiatra, des parents d'élèves « Témoins de Jéhovah » ont soulevé une exception d'inconstitutionnalité en posant les questions suivantes :

« Est-il conforme à la liberté de conscience et de religion reconnue par l'article 10 de la Constitution, ainsi que par l'article 18 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, l'article 14 de la Convention relative aux droits de l'enfant et l'article 9 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant reconnus par Madagascar, d'imposer l'obligation de chanter l'hymne national à un élève dont la conscience religieuse ne lui permet pas de le faire ?

Est-il conforme au droit à l'instruction et à l'éducation, reconnu par l'article 23 de la Constitution ainsi que la Convention relative aux droits de l'enfant et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant en son article 4, de punir par un renvoi temporaire, voire définitif, un élève dont la conscience religieuse ne lui permet pas de chanter l'hymne national ? »

Décision. Les faits : trois enfants appartenant à la religion « Témoins de Jéhovah » ayant refusé de chanter l'hymne national, firent l'objet d'un renvoi, que malgré des démarches amiables, leur exclusion définitive fut confirmée par le Proviseur du lycée en question. Ce qui a amené les parties requérantes à porter l'affaire devant le Tribunal Administratif de Fianarantsoa qui devait surseoir à statuer et renvoyer l'affaire devant la Haute Cour Constitutionnelle.

Lors de son audience du 18 août 2023, la HCC décide :

« La saisine en exception d'inconstitutionnalité formulée par le président du Tribunal Administratif de Fianarantsoa, régulière en la forme, est recevable.

L'inscription de l'obligation de chanter l'hymne national lors de la levée de drapeau dans le règlement intérieur des écoles ne porte pas atteinte à la liberté de religion et de conscience et est conforme aux dispositions de l'article 10 de la Constitution.

Le renvoi temporaire ou définitif d'élèves dont la religion ne leur permet pas de chanter l'hymne national en dehors de la levée des couleurs est discriminatoire et n'est pas conforme aux dispositions du préambule ainsi qu'aux articles 6 et 7 de la Constitution.

Bataille juridique

En somme, le juge constitutionnel a coupé la poire en deux, entre les requérantes et le Proviseur. Et ce, à l'issue d'une âpre bataille juridique entre les « Témoins de Jéhovah » qui ont bénéficié des conseils de deux avocats malgaches et deux autres confrères des barreaux de Berne, Paris et Gabon ; et le lycée d'Alakamisy Itenina représenté par la direction de la Législation et du Contentieux (DLC) auprès de la Primature.

Dévotion. La défense de considérer notamment que « les lycéennes ont manifesté leur respect pour les symboles nationaux de leur pays par un silence solennel et digne tout en s'abstenant de chanter ; qu'elles ont agi de la même manière que les élèves « Témoins de Jéhovah » dans d'autres pays ; que les paroles de l'hymne national malagasy relèvent d'une dévotion telle qu'en conscience, les lycéennes ne peuvent entonner du fait de leur croyance ; que les enfants ont ainsi agi pour des raisons de conscience religieuse, de bonne foi et ne sont pas dictées par un acte antipatriotique ; que leur acte ne relève pas d'une indiscipline mais de l'expression d'une conscience sincère et profonde de leur croyance tout en respectant l'autorité ». Les « Témoins de Jéhovah » font visiblement référence au « Zanahary » cité et loué à travers l'hymne national.

Laïcité. La DLC de rétorquer que « ni les paroles de l'hymne national malagasy ni ses origines ne font référence à une quelconque religion, en respect du principe de la laïcité et ne traduit en aucun cas, une forme de dévotion religieuse envers le pays relevé à un statut de « Dieu » mais plutôt une forme suprême de patriotisme confiant le pays entre les mains d'un Dieu créateur, le « Zanahary » au sens du préambule de la Constitution affirmant la croyance du peuple malagasy, sans exception, en un « Andriamanitra Andriananahary » que l'on retrouve dans toutes les religions mais sous appellations différentes ».

Rappel à l'ordre

A la lecture de la Décision du 18 août 2023, composée d'une dizaine de pages, force est de constater que la HCC n'a pas donné entièrement raison aux « Témoins de Jéhovah » sans donner totalement tort au Proviseur du lycée d'Alakamisy Itenina et à la Direction régionale de l'Education nationale d'Amoron'i Mania sur qui planait sans doute le rappel à l'ordre du ministère de tutelle concernant justement le respect du lever de drapeau dans les établissements scolaires, surtout publics. Qui plus est, la ministre est originaire de la Région. Ceci expliquant peut-être aussi cela.

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