La périphérie de la ville de Koudougou baigne dans des boues fécales ou de vidanges déversées illégalement. Des données de la direction de la maitrise d'ouvrage de l'Office national de l'eau et de l'assainissement (ONEA) font état de 7 500 m3 de boue de vidange déversées par an en banlieue de Koudougou. L'environnement en pâtie et les riverains aussi. La cité du cavalier rouge s'embourbe, il y a urgence de construire une station de traitement.
A Koudougou, les vidan-geurs ne respectent pas le code de l'hygiène publique qui interdit à toute personne physique ou morale qui produit ou détient des déchets, dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore ou la faune, à dégrader les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits ou des odeurs et d'une façon générale à porter atteinte à la santé de l'homme, de l'animal et à l'environnement, de les déverser dans la nature. Karim Ouattara est un chauffeur-vidangeur mécanique dans la cité du Cavalier rouge. En cette matinée du 6 mai 2023, après avoir vidangé les fosses septiques dans trois ménages, le voilà avec son camion brinquebalant roulant difficilement à travers les artères de la cité. A sa joie du travail bien accompli se mêle une angoisse lancinante. Où dépoter le contenu encombrant de son camion ? Après moult réflexions, sa décision est prise. Aujourd'hui, il ira le décharger à la périphérie de la ville sur l'axe Koudougou-Sabou. Le dilemme de M. Ouattara est partagé par l'ensemble de ses collègues qui opèrent dans la cité du cavalier rouge. Que ce soit la centaine de vidangeurs manuels ou les trois entreprises officiellement reconnues dans le secteur, tous dépotent les boues de vidange dans les périphéries de la ville soit sur l'axe Koudougou-Ténado ou Koudougou-Sabou.
« On parcourt au moins 6 à 7 km pour le faire. Actuellement, nous ne pouvons plus dépoter sur l'axe Koudougou-Réo parce que les deux villes se rejoignent et les habitants de Réo nous interdisent cela », explique le vidangeur, l'air honteux. En effet, en dehors de ces sites illégalement créés, la ville de Koudougou ne dispose pas de station de traitement de boues de vidange. « Nous déversons dans la clandestinité afin d'éviter d'être interpellés par les agents des eaux et forêts ou par la police municipale. Ceux-ci confisquent les camions. Pour les récupérer, il faut payer une amende de 10 000 F CFA. Nous souffrons beaucoup dans l'exercice de notre métier », se plaint Karim Ouattara. Par moment, les vidangeurs sont « sauvés » par les agriculteurs. Il n'est pas rare de voir que certains propriétaires de champs sollicitent leurs « colis encombrants » pour en faire du compost pour enrichir le sol. « Quand nous recevons ce genre d'appels, c'est avec une grande joie que nous accourons dans les champs indiqués pour nous débarrasser de ces déchets. Nous le faisons moyennant 5 000 FCFA ou même gratuitement », confie le chef de l'entreprise Association des vidangeurs du Centre-Ouest (AVICO), Albert Kaboré. Pour lui, cette situation est vraiment embarrassante, mais que faire quand il n'y a pas de site aménagé pour dépoter ? « Aujourd'hui, les sites sauvages que nous avions nous-mêmes identifiés sont devenus des lieux d'habitation. Cette situation fait que nous sommes confrontés à des plaintes des populations riveraines. Pourtant, c'est la population des zones loties qui sollicitent nos services et c'est encore elles qui nous chassent.
Source de maladies
Que faire ?», se lamente le chef d'entreprise. Boukary Zongo, un résident du village de Tè, devenu une zone non lotie de la ville, se plaint des odeurs de plus en plus nauséabondes. « Qu'ils aillent plus loin pour déverser leurs ordures. Le hic est qu'ils le font tard dans la nuit. Nous découvrons les dégâts le matin au réveil », lance-t-il avec amertume. Selon les données du Recensement général de la population et de l'habitation (RGPH) de 2019, 4,5% de la population du Centre-Ouest boit toujours l'eau de puits. Ses excrétas qui sont déversés dans la nature et cela pourrait avoir des conséquences sur la santé des populations qui boivent toujours cette eau. « Une fois qu'il y a une pluie, l'eau de ruissellement va emporter ces déchets dans des puits utilisés par certaines personnes pour leur subsistance. Cela peut être source de maladies telles que la fièvre typhoïde, la diarrhée, etc. », explique le chef de service hygiène et assainissement de la mairie de Koudougou, Djibril Tondé. Le médecin généraliste Issa Roger Traoré précise que l'eau de ruissellement peut entrainer des agents pathogènes des maladies diarrhéiques dans les puits. « Si toutefois, des personnes boivent cette eau, elles peuvent contracter le choléra, la dysenterie, la fièvre typhoïde ou la diarrhée virale. Aussi, l'utilisation de l'eau contaminée pour laver les aliments ou pour leur cuisson peut être source de contamination », révèle le médecin. En sus, les risques environnementaux pourraient être la pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, les sols, l'air et la destruction de l'équilibre des écosystèmes. Tous ces problèmes pourraient être évités si la ville de Koudougou disposait d'un système de collecte et de traitement des boues.
2, 1 milliards F CFA pour construire une station de traitement
A cet effet, le chef de service hygiène et assainissement de la mairie de Koudougou, dit être conscient que les boues de vidange sont dépotées dans la nature parce qu'il n'existe pas pour l'instant de site officiel pour recevoir les déchets. Mais ce n'est pas pour autant, soutient-il, qu'il faut polluer l'environnement. En attendant, ceux qui refusent d'entendre raison voient leurs camions immobilisés contre paiement d'amende. « Nous avons à plusieurs reprises immobilisé des camions à la police municipale. Le contrevenant paie non seulement une amende, mais il est verbalisé sur l'infraction commise », indique M. Tondé. C'est pourquoi, M. Kaboré demande à la mairie, en attendant d'avoir la station, qu'un site provisoire leur soit octroyé pour mener à bien leur activité.
D'une superficie de 4,5 hectares, le site devant abriter la station de traitement des boues de vidange a déjà été identifié au secteur 7 de Koudougou. Les études ont certes déjà été menées mais l'infrastructure peine à voir le jour. « Les personnes affectées par la construction du site ont même été dédommagées », fait savoir le chef de service hygiène et assainissement de la mairie de Koudougou. Le seul bémol est le financement de sa réalisation estimée à 2, 1 milliards FCFA. « Nous attendons le financement des bailleurs de fonds pour sa construction. C'est pour très bientôt », rassure le directeur régional de l'assainissement de l'Office national de l'eau et de l'assainissement (ONEA), Tontama Sanou. De l'avis de M. Tondé, disposer d'un centre de traitement et de valorisation des boues de vidange va certainement contribuer à rehausser le taux d'accès à l'assainissement de la ville. « Aussi, allons-nous travailler à réorganiser le secteur en mettant en place des regroupements des vidangeurs, renforcer leurs capacités et impliquer les populations bénéficiaires. C'est ensemble qu'on va pouvoir relever le défi de l'assainissement et construire d'autres sites en plus », foi de Djibril Tondé. Le taux d'accès à l'assainissement de la ville de Koudougou est évalué à 26% avec plus de 5 200 latrines répertoriées.