Madagascar: Le mépris des autorités locales coloniales vis-à-vis des autochtones

Au début de la colonisation, les trois souverains du Nord-Ouest de Madagascar s'isolent dans leurs résidences respectives, Tsialana II à Ambatoaranana, Tsiaraso Ier à Ankify, et la reine Binao à Ampasimena (lire les Notes du jeudi 17 août).

Leurs royaumes sont compris dans le Cercle annexe de la Grande Terre, rattaché à la province d'Analalava, sous l'autorité du commandant qui réside dans la ville d'Analalava. Ces royaumes sont envahis par les colons et deviennent les proies et les propriétés des nouveaux venus, qui sèment la terreur parmi les habitants. Et cela, « sous la protection des autorités appelées les milices, sans pitié, sans vergogne » (Cassam Aly Ndandahizara, « Ambalavelona ou l'insurrection anticoloniale dans le Nord-Ouest de Madagascar en 1898 »).

En outre, ces nouveaux venus ont la manie de rechercher des liaisons avec des princesses, femmes et filles, proches des royautés. L'un d'entre eux, nommé Frontin, commis de résidence à Ambalavelona, par exemple, ravit à son mari, Boenizary, la soeur aînée de Tsiaraso Ier Elle est déjà mère de trois enfants, un garçon et deux filles. Quand le commis s'est lassé d'elle, il la traite comme une femme de basse race et la renvoie à son frère. Dès sa prise de pouvoir, le général Joseph Gallieni demande à chaque administrateur et aux résidents des provinces, d'établir la monographie de leurs circonscriptions respectives: agriculture, élevage, ressources minières, caractère des habitants, etc.

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Voici les renseignements qu'il reçoit à propos des Sakalava et des Antankarana: « L'Antankarana est très vaniteux et d'un physique très vigoureux. Le Sakalava est plus svelte. C'est un effréné pillard. Peu sédentaires et plutôt d'humeur nomade, les Antankarana et les Sakalava ne s'occupent guère que de leurs troupeaux. Les Antankarana et les Sakalava sont légèrement frottés d'islamisme, mais sans aucun préjugé contre l'alcool. Ils ne font aucune pratique ostensible de leur culte ni aucun édifice religieux.

Leur religion n'est, en somme, qu'un amas de grossières superstitions. » Le résident Faucon de Vohémar en 1897 ne fait que confirmer ces assertions partagées par les autorités locales et les colons, c'est-à-dire leur paresse, leur indolence, leur ivrognerie, leurs croyances. Il résume ainsi leurs opinions : « Il semble que les Sakalaves, race vigoureuse et intelligente, aient été gâtés par le contact des Anjouanais, propagateurs d'un islamisme très mitigé et approprié à leur pays, et qui ont fait, dans le Nord de l'ile, de nombreux prosélytes aux dépens desquels ils vivent.

À leur contact et peu à peu, les Sakalaves ont adopté les superstitions les plus grossières et se sont détournés du travail de la terre ; pour eux, nombre d'objets ou d'animaux sont devenus 'fady'... » Le lieutenant Duruy, chargé de la reconnaissance et de l'exploration des régions allant de Tsaratanàna à Nosy Be, ajoute : « Menteur et pillard comme tout Malgache, le Sakalave a un penchant très marqué pour le 'toko' (toaka, alcool).

A l'ivrognerie il ajoute la paresse et l'indolence extraordinaire...» Il reconnaît, cependant, que partout les Sakalaves cultivent du riz, et, comme il y a peu de Makoa (anciens esclaves africains) dans la région, ils le font eux-mêmes. De plus, vigoureux, solides, ils feraient d'excellents soldats au point de vue physique, « mais ils ont, paraît-il, une grande répugnance à quitter leur pays d'origine et on ne pourrait en tirer que des miliciens pour la province ».

En somme pour les Français, cette vigoureuse race sakalava, qui aurait pu leur rendre de grands services « à cause de sa haine contre les Hova », ne leur est pas d'un grand secours. Certains officiers qui ont fait la campagne de 1885, précisent que « les Sakalava étaient même souvent gênants ». En 1895, les porteurs sakalava sur lesquels ils comptent pour les transports, sont introuvables. Ils concluent alors que l'ardeur au travail ne se manifeste guère que sur les Hautes-Terres, et « les Sakalaves ne seront que rarement de très bons auxiliaires pour nos colons. C'est, d'ailleurs, l'opinion de ceux qui les emploient sur leurs plantations ».

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