Il aura marqué son époque, de son vivant. Lui, c'est le Docteur Makombo Mutamba, médecin congolais dont les souvenirs sont encore vifs, même quatre décennies après sa mort. Sa vie de combattant, depuis son jeune âge jusqu'à sa vie professionnelle, continue de marquer et d'impacter la vie de plus d'un. Comme le démontre ce fragment de prospectus du professeur Jean-Marie Mutamba, l'illustre disparu, autre fois médecin des léopards de la République démocratique du Congo, se définit, entre autres, par son courage, son engagement, sa ténacité, son excellence managériale et bien plus d'autres qualités intrinsèques. Cet extrait de sa vie professionnelle, à découvrir dans les suivantes lignes, a été lu lors de la célébration du quarantième anniversaire de sa mort.
Témoignage
30 Juin 1962. Le Congo-Léopoldville accédait à l'indépendance avec aucun médecin congolais en titre. Dans les jours qui suivirent, les fonctionnaires belges désertent le pays à la suite de la mutinerie de la Force publique et de la chienlit qui advenait. Le gouvernement congolais aidé par l'Organisation des Nations Unis lança le programme de formation des médecins congolais par l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S).
Des dizaines d'assistants médicaux formés depuis les années quarante à l'Ecole des Assistants Médicaux Indigènes de Léopoldville et de Kisantu pouvaient postuler pour continuer leurs études, cette fois-ci, des études universitaires en Europe francophone, c'est-à-dire, dans les facultés de médecine en France, en Belgique et en Suisse. L'équivalence de trois années universitaires leur fut reconnue. Toutefois en France les aspirants médecins étaient soumis à un examen du niveau baccalauréat comportant une dissertation philosophique, une dissertation française et des questions en questions en histoire-géographie.
Papa Makombo fait partie de la deuxième promotion de ces volontaires qui retournaient aux études à la trentaine. Voire la quarantaine de leur vie. Ils emmenaient avec eux la charge de leurs familles nombreuses. Papa Makombo fut orienté à Lyon.
En 1960, la faculté de Médecine et Pharmacie de Lyon en France avait accueilli Balimaka, Bazinga, Mango, Mpeti, Ngandu Tshimbalanga.
En 1961, elle admit MM. Bankoto, Bazunga, Bongongo, Dieka, Kand, Makombo, Muamba, Muzadi, Ngwete.
Méfiantes, les autorités de l'Université Lovanium à Kinshasa qui veillaient à gratifier les diplômes à compte-gouttes envoyèrent des cerbères dans les pays hôtes pour vérifier si les aspirants congolais suivaient les même cours dans les mêmes auditions que les blancs. Revenus au pays, ils ont dû livrer une bataille épique pour faire valoir leurs droits.
De retour à Kinshasa en novembre 1964, après un passage à l'hôpital de Kintambo, Dr. Makombo Matamba fit son stage en chirurgie à partir d'avril 1965 à l'Hôpital Général qui deviendra l'Hôpital Mama Yemo. Il fut fortement marqué par la dextérité et la maîtrise de deux médecins roumains, Dr. Emirré et Dr. Navratil. Il s'orienta en gynécologie-obstétrique.
En février 1967, il reçut un premier commissionnement comme médecin directeur de Maternité de Kintambo. Assez rapidement deux actes chirurgicaux vont faire parler de lui. Le 22 septembre 1967, il opéra une patiente et extirpa un kyste de l'ovaire pesant 7kg. L'opération dura de 9h20 à1200. La femme se croyait enceinte. Les journaux en on parlé
Dr. Makombo va découvrir une deuxième passion qui sommeillait en lui : la médecine sportive. Lorsqu'il était étudiant à l'Ecole A.MI de Léopoldville (192-1954), il pratiquait beaucoup le football. Mais la fracture de la jambe l'un de ses amis proches, Dieudonné Mutombo auteur de « Victoire de l'amour » édité par la Bibliothèque de l'Etoile à Lever ville, va l'éloigner des entrainements. Mais côtoyait toujours les férus du ballon rond.
En 1953, la famille habite au quartier Renkin (Matonge), avenue Boleko, no 6. Je n'avais pas encore 8 ans. Mais je me rappellerai toujours de ce supporter de Dragons (Bilima) qui est venu tôt le matin un dimanche pour voir papa Makombo et lui faire un compte rendu. Sans être invité au débat, je rodais par là et captais tout.
Le visiteur racontait à mon père que leur équipe Dragon (Bilima) s'était rendue au cimetière la nuit du samedi avec un féticheur. Aprèsmoult invocations, un esprit leur est apparu et a annoncé les résultats du match du dimanche après-midi. Le génie avait décrit le déroulement du match. Comme papa Makomboétait dubitatif, l'autre lui a dit : « okomona yo moko lelo ! Tolanda kaka.» A l'époque papa était trésorier d'une section du Club. Le plus fort, c'est que ce match s'est terminé avec les résultats signalés par le visiteur, et les buts marqués durant les mi-temps dont il avait perdu. C'était l'occasion de charrier. J'étais alors fan de Mundengie, Chérin de V/Club.
En 1967, lorsque Dr. Makombo n'est pas de garde à la Maternité de Kintambo le dimanche après-midi, il coache un orchestre folklorique songye ou bien il est au stade Tata Raphael pour suivre un match de football. Cet enthousiasme fut remarqué par le Secrétaire Général de la Fédération Congolaise de Football, Monsieur Djate Koy A deux reprises, les haut-parleurs du Stade Tata Raphael ont woofé : « Dr Makombo est attendu à la Maternité de Kintambo ».
Dans une lettre qu'il a écrit à son fils aîné, Dr Makombo reconnait que « c'est grâce à Monsieur Djate, autrefois Secrétaire Générale de la Fecofa que j'ai été intéressé à cette discipline ». Il fut désigné comme médecin de la Fédération pour s'occuper des joueurs. Il était l'adjoint de Dr Assana.
Comment le faire ? Et bien faire ? Dr. Makombo note dans une lettre du 29 novembre 1969 : « La pratique médicale au Congo sans instruments ni bouquins, signifie végéter, atrophie intellectuelle. Or moi, je voudrais absolument m'affirmer sans pour autant prétendre à une spécialisation ».
Il poursuit sa réflexion dans une lettre du 19 février 1974 : « La théorie, sans pratique, c'est mal, comme la pratique sans théorie, c'est vide ... Je n'ai aucune ambition d'aller encore perdre le temps sur les bancs d'une Faculté quelconque pour décrocher un parchemin me qualifiant ainsi. Je la sais, je sais que le tout premier spécialiste n'a jamais été obligé de remplir ces formalités ».
Au cours du dernier trimestre de l'année 1967, Dr. Makombo prend contact avec le médecin de l'équipe lyonnaise pour avoir des informations. Il sollicite de la Fédération sportive du Rhône à Lyon des conseils médicaux à donner aux joueurs, des régimes à suivre pour les joueurs, des soins à administrer.
Il commande progressivement une série de livres pour constituer sa bibliothèque :
- Wonono E., Traumatismes sportifs, Maloine.
- Tabary L., Bréviaire du masseur, Maloine.
- Ruffier J.E., Traité pratique de gymnastique médical.
- Encausse Ph., Sport et Santé, J.B Baillière et Fils.
- Leclerq G., Actualités et physiologiques en médecine sportive, J.B Baillière et Fils
- Guillemain B., Le sport et l'éducation, P.UF.
- Durand G., L'adolescent et les sports, P.U.F.
- Greff A.F et Bernard L., Sport et Alimentation, Vigot Frères.
- Revue Médecine du Sport (Paris).
- Rio G., Chappmis R., L'équipe dans le sport collectif.
- Essai de doctrine du sport.
- Malherbe J., Médecine et droit moderne (Masson).
- Andrivet R., Physiologie du Sport, P.U.F.
- Bouet M., signification du sport, (Editions Universitaires).
- Chailley-Best, Physiologie des activités. Editions Bouliers physiques.
- Condray Amie, Mon enfant fait du sport, Edition Stock.
- Creff A.F., Bernard , Guide alimentaire du sportif, Editions Stock.
- Fabe R., Merlent, Biologie appliquée à l'éducation physique et contrôle médical.
- Fourre J.M., Aspect particulier de la réparation juridique du dommage corporel du sportif.
- Petit S., Le rôle et la responsabilité du Médecin des Sports, Thèse de Médecine, Tours, 1968.
- L'exploitions fonctionnelle d'effort.
Au fur et à mesure de ses déplacements, il envoyait des cartes postales et des lettres qui permettent aujourd'hui de reconstituer le parcours des compétitions auxquelles il a assisté à l'étranger.
DatesLieuxCompétitions SportivesRésultats/Observations
3-7 novembre 1967Addis-Abeba EthiopieSaint-Georges V/S T.P. Englebert de Lubumbashi Match des équipes champion des clubs d'Afrique2-1 T.P Englebert perd avec 2 penalties en match retour. Mais comme il avait 3-1 au math aller à Kinshasa, il est qualifié
17-21 novembre 1967Accra GhanaKotoko V/S T.P. Englebert Kotoko, »la redoutablement, la seule équipe qui cause des soucis et des craintes à toutes les autres qui la rencontrent ».1-1 Match livré le 19 novembre en présence du nouveau Chef de l'Etat après le coup d'Etat. Match aller.
26 novembre 1967Kinshasa R.D.CongoT.P. Englebert v/s Kotoko2-2 Match retour
24-27 décembre 1967Douala CamerounLes Ghanéens ne se sont pas présentés.Sur terrain neutre, T.P. Englebert qualifié champion d'Afrique des clubs par forfait.
16-20 Janvier 1969Casablanca MarocForce Armée Marocaine v/s T.P. Englebert1-3 « Les Marocains n'ont pas compris ».
20 Septembre 1969Lomé Togo
20 septembre 1969Abidjan Côte d'Ivoire
24 octobre 1969Lusaka ZambieAccompagnement de l'équipe Daring Faucon5ème Anniversaire de l'indépendance de la Zambie
20 octobre- 3 novembre 1969LoméEtoile Filante v/s T.P. Englebert1-0 T.P. Englebert perd le match retour. Mais elle avait gagné le match aller par 4-1
5 novembre 1969Lagos Nigeria--
28 novembre -2 décembre 1969Conakry Guinée-T.P. Englebert deux fois équipe champion d'Afrique
5-10 janvier 1970Le Caire Egypte Match Perdu
16 avril 1970Bukavu ZaïreTournoi de Football
Janvier-Avril 1970Athènes GrèceEntraînement des Léopards
21 octobre 1971 17 novembre 1971Utrecht HollandeBelgiqueEntraînement des Léopards
Janvier 1972BrésilProjet d'un séjour avec les Léopards
Avril 1973Kisangani ZaïreActivités sportives
Laissons les derniers mots de cette évocation à M. Faustin Tshobo I Ngana, d'heureuse mémoire, past-président de la Fédération Congolaise de Football. Lorsque nous avons fait connaissance dans les années 2000, il m'a parlé de Dr. Makombo: « Il était bien apprécié du Ministre de la Jeunesse et des Sports Frédéric Kibasa Maliba en poste d'octobre 1967 à mars 1969. Une anecdote me revient. Nous devions livrer un match difficile des Léopards. Notre élément clé, Kalala le bombardier, tant redouté par nos adversaires, était indisposé.
J'ai demandé à Dr. Makombode tout faire pour que Kalala soit sur le terrain. Il a utilisé toute sa science. Etait-ce un spray, des rayons infrarouges, des piqûres, des comprimés. Je n'en sais rien ? Mais le bombardier était là, debout, comme un épouvantail».
Jean-Marie Mutamba Makambo
Professeur Emérite/Université de Kinshasa