Afrique: 5 ans après la disparition de Samir Amin, les économistes ressuscitent son combat pour l'Afrique

Le monde scientifique a revisité, à Dakar, les écrits cinquantenaires de l'éminent économiste Samir Amin qui expliquent largement la situation périlleuse actuelle que vit le continent africain. Pr Moustapha Kassé, Demba Moussa Dembélé ont appelé de tous leurs voeux à la poursuite du combat pour sauver l'Afrique de l'impérialisme outrancier qu'exercent sur elle les grandes puissances. Faute de quoi, elle connaitra une seconde balkanisation qui mènera inéluctablement à sa déchéance totale.

Il y a dix ans que l'éminent économiste, fervent combattant du capitalisme et de l'émancipation des peuples du Sud du joug de l'impérialisme, Samir Amin, procédait au lancement des « Samedis de l'économie » à la fondation Rosa Luxembourg sur un de ces écrits intitulé : L'implosion du capitalisme contemporain. Cinq années après la disparition du professeur d'économie politique du développement, les siens l'ont célébré le samedi dernier, à Dakar. Deux générations d'économistes (vieux et jeunes) ont en effet revisité la pensée de Samir Amin plus que jamais d'actualité au regard de ce qui se joue actuellement dans le monde, précisément en Afrique sud saharienne.

Le modérateur dudit panel, Moustapha Kassé, en l'occurrence agrégé des Facultés de sciences économiques, professeur titulaire, doyen honoraire de la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'université Cheikh Anta Diop (Dakar), a salué le cadre de réflexion appelé « Les Samedis de l'économie » sur initiative de l'Africaine de recherche et de coopération pour l'appui au développement endogène (Arcade), en collaboration avec la Fondation Rosa Luxembourg. Un cadre qui, a-t-il soutenu, « donne l'opportunité aux hommes de la science de partager leurs réflexions ». Lesquelles réflexions d'ailleurs, « ne peuvent se contenir seulement dans les ouvrages pour être connues et utiles au grand public ». Et de poursuivre : « Les scientifiques que nous sommes ne doivent pas avoir peur de dire la vérité quoi qu'elle dérange les politiques.

Il est de notre devoir de laisser un riche legs à nos jeunes frères pour qu'ils comprennent que leurs prédécesseurs ont joué grandement leur partition pour un avenir meilleur. Qu'ils n'aient pas à penser que rien n'a existé avant eux ». Le Pr Kassé soutiendra dans la foulée : « Notre engagement en tant que scientifiques doit être sans faille ». Pour s'en convaincre, il n'a pas manqué de faire savoir à l'honorable député Guy Marie Sagna tout son estime pour sa posture de sentinelle de la démocratie, de l'état de droit, de son patriotisme et de son engagement contre l'obscurantisme... ».

Aminata Traoré, ancienne ministre malienne de la Culture et du tourisme, militante altermondialiste, décryptant pour sa part la situation actuelle dans le Sahel n'en démordra pas. « Ne nous en trompons pas de combat. Notre ennemi commun, c'est le capitalisme ». Se voulant convainquant, elle dira : « Nos dirigeants ne veulent pas parler de cette économie.

Or, ce cadre dénommé "Samedis de l'économie", nous éloigne de l'obscurantisme ». D'ailleurs explique-t-elle : « Ces débats ont grandement ouvert les yeux des Sénégalais et bien au-delà des frontières ». Les retentissants échanges de Dakar sur l'émancipation des peuples du Sud du joug de l'impérialisme, à travers « le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), et Enda Tiers Monde ont grandement concouru à l'éveil de conscience de l'élite africaine, mais le travail doit se poursuivre », a rappelé la non moins femme politique et écrivaine malienne.

Avant d'arguer : « Nous avons assimilé, intériorisé le narratif des dominants qui ne cessent de nous endormir avec le terrorisme et le djihadisme». Le système capitaliste mondialisé, financiarisé est un désastre pour le continent africain. Les grandes puissances nous exigent de gérer le djihadisme, de respecter le semblant de démocratie et par enchantement, nous deviendrons des pays émergents. Et pendant ce temps, nos jeunes continuent de mourir dans la mer et dans le désert sans aucune réponse appropriée, nos ressources pillées avec la complicité de nos dirigeants ».

Aminata Traoré dira alors toute sa désolation, en pointant du doigt l'échec cuisant des dirigeants en matière de politiques d'emploi : « ce sont des centaines de milliers de jeunes qui viennent chaque année sur le marché de l'emploi sans en trouver ». Non sans manquer d'alerter que pendant ce temps, les grandes puissances «nous abreuvent de notions de démocratie, de l'état de droit, de respect de la constitution, de djihadisme... ».

Pour une Afrique émancipée

Abondant dans le même sens que Mme Traoré, Mamadou Koulibaly, économiste, ancien président de l'Assemblée nationale de la Côte d'Ivoire, de déplorer la situation de monopole qu'exerce la triade (les Etats-Unis et le Canada, l'Europe et le Japon) sur le continent africain qui est assis sur une richesse dont il ne connait pas la valeur, encore moins son importance, faute d'éducation, de formation et d'industries pour transformer localement ces richesses de son sol et sous-sol. Le second monopole, dira-t-il, est celui de la technologie.

Pour ce cas précis, l'Afrique n'a pas su prendre le train en marche. Le troisième monopole, c'est celui de l'information. Sur ce sujet, l'Afrique ne se donne même pas la peine d'être au diapason. Elle se contente tout simplement de ce que les médias occidentaux nous dictent. Le quatrième monopole est relatif aux marchés financiers. Sur ce, l'Afrique n'a pas réussi à construire des marchés financiers pour porter son propre développement. Elle se rabat sur les marchés financiers arrimés au dollar.

Et enfin le cinquième monopole ayant trait à l'arme atomique. Sur ce volet, seules les grandes puissances y ont droit. Ils peuvent en user sans l'autorisation de qui que ce soit dans le monde. Des limites que l'éminent économiste Samir Amin avait décriés une soixantaine d'années auparavant. Demba Moussa Dembélé, économiste et président de l'Arcade mettra quant à lui en exergue entre autres thèmes débattus durant les dix ans des « samedis de l'économie » : la crise du capitalisme ; les relations Afrique/Europe avec l'exemple des Accords de partenariat économique (Ape) ; les BRICS ; les relations Sud-Sud ; l'intégration économique en Afrique (Cedeao, Zlecaf, etc.)

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