Ile Maurice: Changement climatique / Fructueux désordre - Entre floraisons précoces et saisons déboussolées

Des femmes africaines travaillant dans un champ.

Des mangues locales qui font une apparition prématurée, suivies de tout petits letchis impatients de se montrer. Pourtant, nous sommes toujours en hiver. Les fruits ont-ils perdu le sens des saisons ? Avec les effets du changement climatique, les cycles de production de fruits et de légumes sont décalés, soutient Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur environnemental. Cette réalité devra être prise en compte dans les années à venir...

Actuellement, que ce soit sur les étals des marchés ou dans les rayons des supermarchés, les mangues se distinguent. Qu'elles soient rouges, jaunes ou oranges, elles attirent l'attention des amateurs de leur chair sucrée, bien que leur prix avoisine les Rs 180. «Elles sont importées d'Égypte, en attendant que les productions locales soient disponibles», confie Anita, vendeuse dans un supermarché. Malgré le coût élevé, les consommateurs continuent à les acheter.

Pourtant, certaines mangues sont déjà présentes sur les arbres fruitiers, notamment dans la région de l'Ouest. Andy, habitant de Petite-Rivière, a même un manguier devant sa maison. «Cet arbre produit toujours des mangues, même hors de la saison habituelle.»

Ce phénomène devient de plus en plus courant, affirme Kreepalloo Sunghoon, secrétaire de la Small Planters Association. Il explique que les manguiers connaissent désormais deux à trois périodes de floraison par an. Cependant, tous les arbres ne parviennent pas immédiatement à produire des fruits à chaque floraison. «Avec l'arrivée prévue d'une vague de fraîcheur en septembre, il est à craindre que de nombreuses fleurs soient perdues.

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Cela signifiera qu'il faudra attendre la deuxième floraison, qui surviendra plus d'un mois plus tard, pour voir réapparaître les fleurs et pour que les fruits commencent à se former.» Une autre récolte pourrait ainsi avoir lieu vers novembre. «Nous espérons que cette période ne sera pas marquée par des cyclones ou une prolongation de mauvais temps.»

Inquiétudes

Cependant, nous observons que les mangues sont déjà mûres sur les arbres fruitiers à La Réunion. Face à cette réalité, Kreepalloo Sunghoon soutient que les arbres sur l'île sœur sont de taille plus modeste que ceux que nous trouvons à Maurice. «C'est l'une des raisons pour lesquelles nous encourageons les producteurs à élaguer leurs arbres. Moins hauts, ils sont moins susceptibles d'être affectés par de soudaines variations de température.»

Néanmoins, observer des fruits d'été en hiver témoigne des effets désastreux du changement climatique sur la production agricole, avec des conséquences directes et immédiatement visibles. Parmi ces conséquences figurent la destruction des plantations par les cyclones et les inondations, avec de fortes pluies sporadiques. C'est l'analyse du député Fabrice David, membre du Parti travailliste, également ingénieur en environnement.

Il pousse le raisonnement encore plus loin en affirmant : «Nous constatons également des conséquences visibles dans le temps, comme la sécheresse qui se traduit par le stress hydrique qui impacte la croissance des végétaux ou encore des vagues de chaleur qui diminuent le rendement des cultures. De plus, le dérèglement climatique, comme son nom l'indique, bouleverse le climat et donc, les saisons, et notamment la saisonnalité des arbres fruitiers.

Autrement dit, avec l'accélération du changement climatique, les fruits et les légumes n'auront plus de saison ; certains seront en retard et d'autres trop en avance, sans compter que le manque de pluie diminuera la taille et la saveur de certains fruits.»

À l'échelle mondiale, les températures élevées ont déjà commencé à perturber le cycle naturel des arbres. «Nous constatons que les températures plus élevées modifient le cycle des arbres fruitiers, notamment la floraison précoce des manguiers qui se fait avec un mois d'avance cette année, ce qui pourrait sur le long terme mettre en péril l'écosystème fruitier et affecter la quantité ainsi que la qualité des fruits.»

Dans son analyse, il met en avant que les «winter crops», comme le pâtisson ou les petits pois, qui dépendent d'un véritable hiver pour leur croissance, ont également subi les effets du changement climatique. «De façon générale, il est crucial d'adopter des pratiques agricoles durables et de développer des stratégies d'adaptation au changement climatique car nous parlons ici d'une réelle menace à venir pour la sécurité alimentaire locale et mondiale. Les périodes grandissantes et répétées d'instabilité climatique demandent un profond changement de société et appellent à une grande responsabilité politique.»

Ces constatations rejoignent la perspective de Vassen Kauppaymuthoo. «Il est indéniable que nous n'avons pas connu d'hiver cette année. En Europe, des records de chaleur ont été battus, tant pour les températures de l'air que pour celles de l'océan. Même la Californie a été confrontée à une alerte cyclonique, une situation sans précédent. En somme, nous assistons à la disparition des saisons...»

Ce réchauffement climatique suscite de profondes inquiétudes. «Chacun de nous possède une horloge biologique. De la même manière que nous, les arbres sont déconcertés par ces températures élevées. La floraison se produit à des moments où les niveaux de pluviométrie sont bas. Nous nous dirigeons droit vers une catastrophe pour notre production alimentaire.»

Cette situation perturbe même les connaissances des experts. «Nos connaissances et nos prévisions à tous les niveaux sont complètement déstabilisées.» Quelles perspectives se profilent pour les mois à venir ? Une saison dramatique est à craindre. «Nous pourrions être confrontés à une sécheresse prolongée, des vagues de chaleur intenses, des cyclones d'une grande puissance et même des précipitations torrentielles.» Il est indiscutable que la nature ressent et subit les effets du changement climatique. Ces perturbations à long terme auront inévitablement un impact sur notre pays, conclut-il.

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