Le ministre de l'Economie, des Finances et de la Prospective, Aboubacar Nacanabo, à sa sortie du conseil des ministres du jeudi 17 août 2023, a fait une communication relative aux résultats de l'opération de contrôle de présence, de service fait et des éléments de rémunération des agents publics de l'Etat payés sur le SIGASPE. Du rapport général de l'opération de contrôle, il ressort qu'aucune entité n'a justifié l'absence de 3 892 agents payés non enrôlés et deux agents qui se seraient frauduleusement enrôlés. A travers cette interview, le ministre revient sur les détails de l'opération et sur la situation des agents en situation irrégulière.
Quelles sont les raisons qui ont motivé la mise en place de l'opération de contrôle de présence des agents publics de l'État ?
Le gouvernement de la Transition a décidé de faire en sorte que les dépenses de l'État soient bien assainies. L'assainissement des dépenses de l'Etat passe par l'assainissement des fichiers de paie des travailleurs. Donc, l'opération de contrôle avait pour objectif essentiel d'assainir les fichiers de paie des travailleurs, également de détecter d'éventuels paiements irréguliers afin de procéder aux corrections. C'est ce qui a motivé cette opération de contrôle.
Il s'agit donc d'une première phase ?
Oui, parce qu'en réalité, il y a trois phases essentielles. Il y a la phase concernant les agents payés sur le Système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l'Etat (SIGASPE). C'est cette base qu'on vient d'achever. Il faut dire que le SIGASPE prend en compte tous les fonctionnaires à l'exception de l'armée, des agents de santé qui sont au niveau de l'Agence de gestion des soins de santé primaire (AGSP) et également des fonctionnaires détachés dans les Etablissements publics de l'Etat (EPE). Cette phase a regroupé tous ceux qui sont payés sur le SIGASPE. Il y aura bien sûr d'autres phases concernant les autres agents de l'État. La phase suivante va concerner les agents de santé ensuite l'armée et cela va permettre de couvrir tous les fonctionnaires. Mais nous travaillons aussi à faire en sorte qu'au niveau des EPE, le suivi soit beaucoup plus efficace et cela devrait aboutir à la mise en place d'un système informatique qui permet de relier les paiements au niveau des personnes détachées et également au niveau central donc dans le SIGASPE. Parce qu'on peut aboutir à des doublons entre ceux qui sont dans les EPE et ceux qui sont au niveau central. Il faut travailler également à assainir ce côté.
Quel a été le déroulé de l'opération ?
De façon concrète, il y a des agents enrôleurs qui sont allés sur le terrain pour procéder à l'opération de contrôle et il y avait une équipe de contrôle qui faisait les mises à jour au fur et à mesure que les données sont envoyées au niveau du bureau. Cela a permis de faire le tour des différentes structures et dans les différentes régions pour pouvoir prendre en compte tous les agents qui sont concernés par le SIGASPE. Donc, l'opération s'est déroulée de février à juin et on peut dire que globalement elle s'est bien passée. Il y a eu quelques difficultés notamment liées au réseau puisque les opérations sont directement enregistrées dans le système informatique. Il en est de même sur le plan organisationnel, mais qu'on a pu gérer avec le concours des gouverneurs et des différents directeurs régionaux que nous remercions d'ailleurs en passant, car, ils ont beaucoup contribué à la réussite de cette opération.
L'opération a concerné une cible d'environ 200 000 personnes, est-ce que vous avez défini à l'avance toutes ces personnes ou alors c'est celles que vous avez trouvé sur le terrain ?
A.N. : La cible, c'est tous ceux qui sont dans le SIGASPE. Il fallait aller sur le terrain, rencontrer tous ces agents publics, s'assurer que tous ces agents publics qui sont payés effectuent un travail au profit de l'État. L'idée c'est vraiment de se dire que tous ceux qu'on paye doivent correspondre à un travail effectif. Donc, il fallait aller sur le terrain pour constater cela. A l'arrivée, on s'est rendu compte que la majorité de ceux qui sont payés concerne des agents de l'État et qu'ils travaillent effectivement pour l'État. Mais, il y a eu quand même quelques cas où on n'a pas pu trouver les gens sur le terrain. Ça veut dire qu'ils n'ont pas été enrôlés.
On peut dire que ce ne sont pas des agents de l'État, mais ils touchent des salaires. Sur le terrain, nous avons essayé de donner tout le temps pour que tous ceux, pour une raison ou une autre, qui n'ont pas pu se présenter à l'opération, puissent toujours faire les rattrapages parce qu'on peut aller dans une localité trouver que, peut-être quelqu'un est en mission ou est malade. Il faut donner le temps pour faire tout le rattrapage. Quand nous avons fait le point, il y avait près de 5 000 agents qui n'ont pas été enrôlés. Nous avons essayé de repartir vers les structures pour comprendre les raisons. Il y a eu effectivement des cas où il y avait des raisons objectives. Des justificatifs ont été apportés et ces agents vont faire l'objet d'enrôlement après. Mais, nous avons eu plus de 3 000 agents qui n'ont pas été enrôlés et il n'y a eu aucun justificatif. Donc, on suppose dans ce cas qu'il s'agit bien d'agents qui touchaient des rémunérations fictives.
S : Vous parlez de 3 000 agents qui n'étaient pas enrôlés. Qui sont ces agents en situation irrégulière ?
A.N. : Il faut dire que les irrégularités concernent les agents qui n'ont pas été enrôlés, mais il y a aussi des agents enrôlés et il y avait des irrégularités parce qu'il se trouve qu'il y a des indemnités qui étaient servies à certains, mais qui n'étaient pas dues. Toutes ces situations vont faire l'objet de correction. De façon générale, on peut dire qu'il y a un peu plus de 3 000 non-enrôlés, mais, parmi les enrôlés, il y a des cas d'irrégularité qu'il faut corriger.
S : Qu'est-ce que cela donne comme traduction dans l'administration burkinabè ?
Cela traduit la nécessité de rester toujours vigilant et de travailler à faire en sorte que les dépenses publiques puissent être efficaces. Une dépense efficace est une dépense qui répond à un besoin et qui correspond bien sûr à une prestation effectuée au profit de l'Etat. Si un agent public touche un salaire alors qu'il ne travaille pas pour l'État, il y a un problème. Donc il faut qu'on travaille à corriger et cela nous interpelle aussi sur la nécessité de procéder à ces genres d'opérations de façon régulière et aussi sur la nécessité de renforcer le système informatique de paiement des travailleurs. On a d'ailleurs demandé un audit du SIGASPE. Cela va nous permettre de nous assurer que le logiciel permet d'assurer l'intégrité des données et de faire en sorte que celles qui y sont traitées, soient correctement traitées. Si le logiciel est permissif, nous aboutirons bien sûr à des situations où il y a les paiements indus que nous ne pourrons pas détecter et cela ne peut pas se faire manuellement à tout moment. Il faut que le logiciel soit suffisamment solide pour qu'on puisse s'assurer que tout est bon.
En termes chiffrés, peut-on estimer à combien, les corrections apportées au cours de cette opération ?
Selon ce qu'on a pu apporter comme correction, il y a près de 1,3 milliard de francs CFA par mois. Ce qui aboutit à peu près 15 milliards de francs CFA de correction dans l'année. Ce n'est que la première phase et nous pensons que pour les phases à venir aussi, il y aura des corrections à faire. Cela va nous permettre d'avoir une masse salariale qui reflète la réalité.
Au regard des résultats au terme de l'opération, est-ce qu'il est prévu tout de suite, un arrêt de paiement de salaire pour ces personnes en situation irrégulière ?
Bien sûr ! Le dossier a été soumis au Conseil des ministres. Le conseil a autorisé que nous puissions suspendre tout de suite les salaires concernant ces personnes. Si entre temps, il y a des personnes qui peuvent venir justifier naturellement, nous allons procéder à la correction. Tous ceux qui n'ont pas fait l'objet de justification, l'arrêt du salaire sera effectif.
Pouvez-vous revenir sur les recommandations que vous avez faites dans le rapport de l'opération ?
En termes de recommandations, c'est vraiment travailler à renforcer d'abord le système informatique et faire en sorte que pour les phases à venir, qu'on puisse rendre disponibles les réseaux. Si les travailleurs doivent venir se présenter et passer toute la journée pour s'enrôler, ce n'est pas ce qu'on souhaite. Donc, il faut travailler à une meilleure organisation et une prise en charge pour qu'on puisse dérouler la phase suivante avec beaucoup plus de réussites.