L'histoire témoigne que les ampanjaka avaient à leurs côtés, des poètes, des orateurs, des paroliers ambulants dans l'objectif de se faire louer, acclamer par l'assistance à chaque évènement. Une coutume qui semble perdurer avec les époques. Actuellement, elle revêt un aspect assez moderne. Les chanteurs contemporains sont les héritiers des mpiantsan'ampanjaka. La campagne électorale sera lancée dans un mois et demi. À part les prétendants à la course de la magistrature suprême, les artistes se préparent également. Pour eux, c'est une longue période de festivités.
Quelques-uns ont déjà enregistré leurs morceaux, il suffit d'attendre le meilleur postulant pour compléter les refrains. Ici, le bon candidat est celui qui a un budget astronomique, capable de faire voyager ses artistes partout où il va. De ce fait, le compétiteur devient en quelque sorte le « ghost writer » du chanteur. Il se chargera, avec ses conseillers, de retoucher les paroles chantées en incluant les programmes de développement proposés.
En outre, les musiciens, les beatmakers ainsi que les arrangeurs, eux aussi ont leur part de travail en composant des rythmes souvent en vogue notamment le salegy, l'afrobeat, le kilitiky-beat. « Effectivement, c'est un travail très lucratif. Moi par exemple, j'ai déjà composé plus d'une dizaine de mélodies. Je les ai exclusivement gardées pour la campagne électorale. J'ai même en tête les chanteurs qui moduleront leurs voix sur plusieurs tons en suivant la composition », se confie un beatmaker. Être le préféré d'un richissime candidat est une fierté, surtout quand celui-ci est élu, cela augmente le taux de popularité.
Cette pratique s'avère très efficace depuis l'avènement de la Quatrième République. Si le politicien veut être écouté, il n'a qu'à inviter des grosses pointures. Cependant, bon nombre de chansonniers affirment qu'ils ne sont venus que pour interpréter leurs chansons. « Je signe un contrat. Je suis payé pour surchauffer la scène, je ne fais aucun discours politique. Je laisse ça aux spécialistes. C'est comme si un organisateur évènementiel m'invitait à une soirée ou à un festival. Une fois la campagne finie, je continue mon chemin, voilà », s'explique un membre d'un collectif célèbre de la capitale qui préfère taire son nom.
Toutefois, le public voit les choses d'une manière différente. L'activiste Elysa Soa donne son point de vue, « une fois qu'un artiste accompagne un politicien, il n'est plus crédible car la plupart des Malgaches sont fanatiques. Une fois qu'une idole se mélange avec un politicard, on le considère dans le système... dans la sphère politique. Cela irrite les inconditionnels. Par conséquent, ils affichent leur hostilité envers celui ou celle qu'ils qualifiaient auparavant d'icône.
Par contre, d'autres citoyens ne connaissent que le métier. C'est une occasion pour les jeunes talents de s'imposer ». Sous un autre angle, la stratégie est claire, et tout le monde l'a compris. Le candidat manipule implicitement le talent, et surtout le savoir-faire de l'animateur afin de pouvoir dire que «lui, et ses convaincus... Ils vont voter pour moi ». C'est joindre l'utile à l'agréable... Pourtant, l'urne a un secret que le prétendant ne connaît pas !