Le linguiste, historien et économiste sénégalais Pathé Diagne est décédé ce 23 août 2023 à Dakar. Défenseur des langues nationales sénégalaises, il était « un intellectuel audacieux, courageux, tenace », souligne l'historien Babacar Buuba Diop au sujet de celui qui était par ailleurs un opposant à l'ancien président Léopold Sédar Senghor.
Au Sénégal, le linguiste, historien et économiste Pathé Diagne est décédé ce 23 août 2023 à Dakar. Né en 1934 à Saint-Louis, il était l'un des compagnons de Cheikh Anta Diop, du cinéaste Ousmane Sembène, et était un opposant de l'ancien président Léopold Sédar Senghor.
Défenseur des langues nationales sénégalaises, il était la cheville ouvrière du premier journal en langues nationales et a édité la première description grammaticale du wolof.
Son décès est donc une perte pour le Sénégal, mais aussi pour le continent africain, selon l'historien Babacar Buuba Diop.
« Senghor ne voyait pas d'un bon oeil Pathé Diagne »
« Pathé, sur les langues africaines, a fait beaucoup de traductions de langues étrangères au wolof, il a traduit le Coran, rappelle-t-il au micro de Théa Ollivier. Mieux encore, Pathé a osé lancer un débat extraordinaire au Sénégal : faut-il désarabiser le Coran ? Est-ce qu'on peut prier dans nos langues nationales ? Alors ça a été un tollé. Et il posait un problème d'historien : quand est-ce que l'islam est arrivé au Sénégal ? Dans certaines parties, au 10e siècle, dans d'autres parties, c'est au 20e siècle. Est-ce qu'on a la même perception de l'islam ? C'est le problème que Pathé a osé poser ».
Sur le sort de Diagne, Babacar Buuba Diop ajoute : « Et Pathé, aussi, c'est un martyr, puisqu'il fait partie des universitaires que le président Senghor a réussi à éjecter de l'université, parce que Senghor ne voyait pas d'un bon oeil Pathé Diagne. Pathé faisait partie de cette génération qui a tout de suite pensé qu'il fallait que l'éducation se fasse d'abord dans les langues nationales. Donc là, il y a un point de divergence très important entre Pathé et Senghor. »
Il conclut : « Donc c'est un intellectuel audacieux, courageux, tenace et je crois que la meilleure chose à souhaiter, c'est que les étudiants lisent ses travaux. »