Madagascar: Le mécontentement des souverains du Nord-Ouest

Durant son voyage dans le Nord-Ouest de Madagascar, le gouverneur général Gallieni reçoit, le 8 juillet 1898, de Tsialana II, Tsiaraso Ier et de la reine Binao, les mêmes doléances et les mêmes plaintes « sur les comportements malfaisants des colons envers les peuples sakalava et antankarana, leur avidité en accaparant leurs terres, en s'emparant de leurs boeufs dans les pâturages, en les chassant du patrimoine de leurs ancêtres (tanin-drazana)» ( Cassam Aly Ndandahizara, « Ambalavelona ou l'insurrection anticoloniale dans le Nord-Ouest de Madagascar en 1898»).

En particulier, Tsiaraso l'informe qu'au cours du mois de janvier 1898, étant venu se plaindre auprès de l'administrateur de Nosy Be des mauvais traitements causés par Frontin, commis de résidence d'Ambalavelona, à sa soeur Boenizary, il a été gardé en résidence surveillée pendant quinze jours par les autorités de l'îile. Mais le Général ne pense qu'aux intérêts des colons, d'autant que certains d'entre eux sont des anciens des troupes d'occupation. En fait, Gallieni oublie sciemment l'immense contribution des trois souverains dans la toute récente conquête de l'ensemble de Madagascar par les Française. Insatisfaits, mécontents même, de la réponse obtenue du gouverneur général, les trois souverains se retrouvent, dans la soirée, à Andavakoto, à la résidence de Nosy Be de Binao, et décident de chasser eux-mêmes les envahisseurs qui « se trouvaient être pires que les Merina ».

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L'opération devrait être déclenchée un mercredi, jour favorable pour ce genre de mouvement. Après le départ du général Gallieni, les trois souverains rejoignent leurs résidences respectives. Tsialana II, au cours d'une réunion avec ses principaux conseillers, désigne comme général, Djaokely qui s'est distingué dans les attaques contre les troupes merina à Andriparipa et à Vohémar. Les recrutements des hommes de troupe sont confiés à Miarana, prince de Bekolahy, Manahara d'Ambilobe, Djama d'Anjiabe, Fanahy de Beramanja, Managnaomby d'Isesy. « Tous étaient des chefs des troupes lors des guerres contre les Merina ».

Les hommes des troupes sont ensuite rassemblés à Amboromalandy, sur le Haut-Ifasy, à environ 25 km à l'Est d'Ambalavelona, village le plus important et poste des milices du Bas- Sambirano. Tsiaraso Ier charge tous les chefs des villages du Bas et du Haut-Sambirano, du rassemblement des troupes. Il s'agit de Sordany, Lemalaza, Menamasomotro, Dahy, Lava, Koky, Angalisy, Faralahibe, Tsimpay, Soatra, etc. Les troupes d'Ampasimena de la reine Binao sont placés sous le commandement de Mataopiso, un ancien esclave libéré. Le mercredi 26 octobre 1898, l'insurrection éclate par l'attaque du poste de Marotolana, dans le Haut-Sambirano.

Les insurgés se dirigent ensuite sur le village d'Ambalavelona où ils sont rejoints par les troupes des Antankarana, commandées par Djaokely, partis d'Amboromalandy Anaborano, dans le district d'Ambilobe. De son côté, Mataopiso conduit les troupes des Sakalava d'Ampasimena et remonte la presqu'ile d'Anorontsangana, balayant sur son passage les colons qui s'y sont établis, et atteignant les régions d'Ankaramy, de Maromandia, d'Andrano-samonta.

L'insurrection touche Bealanana, dans la région de l'Ankaizinana. Les insurgés sont sur le point d'envahir la région de Vohémar, mais ils sont devancés par les troupes sénégalaises. Tout le Sambirano « s'embrase », plus particulièrement, le village d'Ambalavelona, chef-lieu de poste des milices, d'ailleurs plusieurs fois attaqué. « C'est pourquoi, dans l'histoire orale des Sakalava, ils désignent cette insurrection, Ady t'Ambalavelona, La guerre d'Ambalavelona. » Les autorités françaises de Nosy Be et d'Analalava sont, sans aucun doute, convaincues que Tsiaraso Ier, Tsialana II et Binao sont derrière l'insurrection, plus particulièrement le roi des Sakalava de Sambirano « car, en effet, le noyau central de l'éclatement de la rébellion se trouvait dans son royaume ».

Il faut donc abolir les royautés du Nord-Ouest, suggère Lamolle, le chef de la province d'Analalava au général Gallieni. D'autant que « les Antankarana et les Sakalava n'étaient pas nécessaires à l'expansion de la colonisation de par leurs caractères fallacieux ». Mais quelle politique adopter ? Les Français vont-ils renoncer à la politique de race, récemment, instituée par l'arrêté du 4 avril 1897, en créant sur la côte Nord-Ouest, la « Province des Antankares et des Sakalaves», où les trois souverains sont désignés pour diriger leurs circonscriptions respectives ?

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