Ile Maurice: Collectif arc-en-ciel / Soutien psychologique aux parents - Un pas de plus vers l'acceptation

Depuis quelques mois, le Collectif arc-en-ciel (CAEC) offre un service de soutien psychologique aux parents. Le but, explique Sarah Ramphul, coordinatrice du projet, vise à créer un environnement sécurisé pour l'individu dans son nid familial. Dix personnes bénéficient déjà de ce service.

Fabiola fait partie des bénéficiaires. Cette habitante de Baie-du-Tombeau a une fille qui fait partie de la communauté LGBTQIA+. Elle confie, qu'au début, elle avait un peu de mal à gérer la situation. «Ce n'était pas une question d'acceptation, mais le sujet était un peu tabou et j'étais quelque peu perdue. On parle de quelque chose de tellement personnelle.» Sa fille a mis plusieurs semaines à la convaincre. «Surtout que je suis une personne réservée. De plus, j'ai plusieurs autres problèmes de santé. Tout cela me stressait.»

La mère s'y est donc rendue, un samedi. «Il n'y avait pas beaucoup de personnes sur place, ce qui m'avait étonnée. Je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre.» Après avoir échangé quelques mots avec Sarah Ramphul, Fabiola a rencontré Amanda Sadien, la psychologue qui assure ce service gratuit. «Je dois dire que j'ai tout de suite été mise à l'aise. J'étais seule, sans ma fille, et j'ai pu partager tout ce que j'avais sur le coeur, mes appréhensions et mes craintes. Par la suite, je me suis sentie très légère.» Elle ajoute : «Je tiens à préciser que je ne suis pas homophobe; je ne l'ai jamais été. J'ai des amis homosexuels. Mais il fallait savoir comment gérer mon enfant, et cela change tout. La psychologue m'a beaucoup aidée dans ce sens.»

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Après quelques sessions, elle avoue : «Il est vrai que je ne suis pas membre de la communauté, mais ce n'est pas pour autant que je ne peux pas être aimée par eux, ou de les aimer en retour !»

Le parcours ne s'arrête pas qu'à la psychologue. Les autres membres du collectif restent en contact avec les parents, s'assurent que l'atmosphère est optimale. Sarah Ramphul avance que les parents envisagent rarement d'avoir un enfant LGBTQIA+. Lorsque la situation se produit, ils cherchent souvent à découvrir la cause. «Cela les conduit très fréquemment à se sentir responsables, et peut engendrer une désorientation qui peut être amplifiée par le poids du regard des autres, de la société, de la religion et du qu'en-dira-t-on.»C'est de là que peut surgir l'agressivit

Le rejet des parents peut aussi avoir un impact sur le comportement de l'enfant et donner naissance à un sentiment de mal-être. D'ailleurs, c'est de là que l'idée d'offrir ce service est venue car, durant les sessions de soutien aux membres, les individus évoluent positivement, mais cela ne se traduit pas toujours dans le milieu familial. «En offrant ce service, le CAEC contribue à réduire la dissolution des relations parentales ainsi quele rejet auquel les personnes LGBTQIA+ sont exposées,et réduire l'impact négatif sur la santé mentale de l'individu et de ses parents», avance Sarah Ramphul.

Questions à... Amanda Sadien, psychologue-clinicienne du CAEC

«Le but du service n'est pas d'imposer une idéologie ou de prétendre d'être illuminé sur toute la question LGBTQIA+...»

Est-ce qu'il y a une réticence à solliciter ce service ?

L'île Maurice n'est plus ce qu'elle était. Les choses ont changé et les attitudes ne sont plus les mêmes. Cependant, Maurice reste une société relativement conservatrice. Les attitudes locales varient à travers le pays. On parle d'harmonie aux couleurs de l'arc-en-ciel, mais il arrive parfois qu'on fasse l'autruche.

Les parents sont-ils plus ouverts à la conversation LGBTQIA+ ?

Ça dépend. La discussion est entravée par quelque chose d'encore plus fondamentale que le malaise du dialogue sur l'homosexualité. La sexualité, en elle-même, est encore tabou. Nous avons aussi nos conflits identitaires intérieurs, axés sur nos conceptions de moralité, religieuse et sociétale. Donc, venir parler de la sexualité de notre enfant dans un cadre inconnu peut faire peur, surtout si ce cadre s'oriente vers le soutien d'une communauté marginalisée dans notre milieu. La grande question qui fait souvent écho est : «Ki dimounn pou pansé lor mwa ? Zot pou dir mo pé soutir li.» Ou encore,«Akoz mwa ki li koumsa.» Nous avons aussi des enfants et des jeunes qui n'ont pas encore fait leur «coming out» officiel aux parents, malgré les questions pertinentes et persistantes à la maison. Sans s'informer, ces parents attendront que ça passe. Ce mutisme sélectif nous amène souvent à une brisure dans le dialogue libre, et peut engendrer de la distance entre le parent et l'enfant.

L'homosexualité est un sujet tabou. Comment procédez-vous avec les parents?

Je suis heureuse de constater que la discussion sur l'homosexualité se déplace vers l'ouverture. Cette franchise croissante profite à tout le monde. Un nombre important de familles n'ont jamais entendu parler des termes fréquemment utilisés dans la communauté, et ont peu de compréhension de la détresse que les enfants qui ne sont pas conformes au genre/sexualité peuvent éprouver sur une base quotidienne. En s'engageant dans un échange libre, nous arrivons à un juste milieu pour satisfaire les besoins de l'enfant et ceux des parents. L'orientation du CAEC est axée sur la dissémination de ressources éducatives et pratiques, comme fournir des informations précises sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre pour les parents au début du développement de l'enfant. Le collectif s'engage aussi pour que le tabou ne soit plus tabou dans l'espace sécurisé de la maison.

Que recherchent les parents qui viennent vers vous ?

Ils sont majoritairement des parents bienveillants à l'égard de leurs enfants, et qui se préoccupent de leur développement et bien-être. Le but du service n'est pas d'imposer une idéologie ou de prétendre être illuminé sur toute question LGBTQIA+ ou la sexualité, ou même la parentalité. Vous êtes les experts de votre famille. L'objectif global n'est pas de changer les valeurs ou croyances profondes du parent. Au lieu de cela, nous oeuvrons à rencontrer les parents et les familles «là où ils sont». La recherche sur la parentalité révèle que les parents jouent un rôle essentiel dans la santé et le bienêtre de leurs enfants. Non seulement sur l'axe d'un besoin matériel ou de sécurité, mais surtout sur l'axe affectif.

Il y a un shift aujourd'hui vers des familles qui répondent avec acceptation, plus avec ambivalence ou peur. Nous avons des familles qui se renseignent sur la communauté LGBTQIA+ et sur l'identité de leurs enfants et qui participent activement à l'épanouissement de leurs enfants.

Nous sommes réalistes dans nos efforts. Nous réalisons que ce ne sont pas tous les parents qui accepteront l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de leurs enfants, et certains penseront toujours que cette vision est erronée. Mais on considère les familles comme des alliés dans la réduction des risques, la promotion du bien-être et la création d'un avenir sain pour les enfants LGBTQIA, tout en soutenant les valeurs culturelles et sociétales de la famille - y compris les croyances profondes - comme points forts.

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