Le milieu de la mode commençant à intégrer les femmes vêtues d'un hijab depuis quelques années, on constate une plus grande inclusivité lors d'événements tels que les concours de beauté, ainsi que pour les vêtements commercialisés par de nombreuses entreprises dans différents pays. À titre d'exemple, la top-modèle Halima Aden, qui est la première femme à porter un hijab lors du concours Miss Minnesota USA, ou encore le Pro Hijab créé par la compagnie Nike afin de remédier aux contraintes de performance liées au port d'un hijab traditionnel dans la pratique du sport. Cependant, sur le plan local, la disponibilité de vêtements adaptés au hijab à un prix abordable reste pour beaucoup une préoccupation constante, confient plusieurs femmes qui portent le hijab.
«Les vêtements compatibles avec le hijab sont très limités. Le problème se pose surtout en été, car tous les vêtements exposés dans de nombreux points de vente ont des manches courtes, ce qui m'oblige à porter un manteau à manches longues par-dessus, me mettant ainsi très mal à l'aise», affirme Noushrine, mariée et quadragénaire.
Pour Naseeha, jeune professionnelle travaillant dans le secteur privé, choisir une tenue appropriée qui répondrait au code de son lieu de travail est une tâche décourageante. «Le choix d'une tenue appropriée qui me permette d'être professionnelle, moderne mais en même temps à l'aise, est un véritable casse-tête. Le code habituel exige que nous soyons habillées de manière semi-formelle ou formelle, mais il est très difficile de trouver des tenues qui répondent à ces critères tout en étant suffisamment larges et longues pour être portées avec un hijab. En particulier en été, lorsque la plupart des chemisiers de style semi-formel ou même informel ont des manches courtes et une coupe courte, ce qui convient à la plupart des femmes, mais pas à moi. Ainsi, même sous une chaleur torride, je dois porter des vêtements d'intérieur, généralement épais, pour couvrir mes bras, ou utiliser un manteau qui couvre mon postérieur.»
Les deux femmes soulignent également que si certaines grandes surfaces proposent des vêtements qui peuvent également être portés avec le hijab pour le travail quotidien ou à des fins informelles, le hic toutefois est que leur prix est relativement élevé, ce qui les rend peu abordables pour la plupart d'entre elles.
«Au-delà de ces définitions traditionnelles ou religieuses»
Dans de nombreux centres commerciaux et magasins du pays, on observe que plusieurs vêtements exposés sur des mannequins ou des penderies, qui illustrent les notions de style, confort, modernité ou quotidien pour les femmes de tous âges, sont soit à manches courtes, soit cintrés ou courts. Parmi eux, nous repérons quelquesuns à manches longues qui peuvent être portés au quotidien avec le hijab, que ce soit pour le travail ou pour les loisirs. Cependant, on constate que ces points de vente sont principalement ceux qui commercialisent des vêtements haut de gamme, avec des prix atteignant en moyenne un minimum de Rs 1 450 à Rs 1 800 par pièce.
Même constat dans de nombreux commerces de sport, où la plupart des tenues pour femmes comprennent des t-shirts cintrés à manches courtes et des leggings, soit des pulls de style «crop top» et des pantalons de jogging cintrés. À l'exception de quelques hoodies qui sont suffisamment longs ou larges pour être portés par des femmes qui portent le hijab. Joanne, qui ne porte pas le voile, partage ce constat. «En tant qu'adepte du fitness qui fait le tour des magasins de sport, je trouve que les options pour les femmes portant le hijab sont très limitées», dit-elle.
De nombreuses femmes qui portent le voile, dont Noushrine et Naseeha, affirment qu'elles cherchent une tenue modeste et abordable qui corresponde à la fois à leur mode de vie moderne et à leurs croyances islamiques. Celle-ci laisse moins apparaître la peau, est plus large et comprend des robes, des chemisiers ou des pantalons assez longs.
«On trouve des vêtements adaptés au hijab dans de nombreux magasins dans les zones urbaines, comme la capitale, ou dans les zones rurales. Mais ces vêtements sont généralement destinés aux fêtes traditionnelles ou aux activités religieuses, et sont également coûteux, car ils proviennent souvent d'Asie, d'Arabie saoudite ou de Dubaï. En revanche, il n'est pas courant de trouver des vêtements qui vont au-delà de ces définitions traditionnelles ou religieuses pour intégrer localement l'idée que les femmes peuvent également pratiquer des activités sportives telles que la natation, ou s'habiller à la mode et confortablement pour aller travailler tous les jours, tout en portant le hijab», expliquent-elles.
Pour d'autres, une option consiste à acheter le tissu requis dans des magasins et à faire coudre les tenues selon le style désiré, tout en gardant à l'esprit la longueur et la coupe appropriées. Les tissus les plus utilisés pour les vêtements d'été restent le coton léger et la Swiss Broderie, nous dit une jeune qui porte le voile.
L'évolution du marché
Alors que les vêtements traditionnels peuvent être achetés dans de nombreux magasins, l'évolution constante des tendances et le fait que plusieurs femmes portant le voile souhaitent désormais disposer d'un plus grand choix, ont motivé plusieurs femmes musulmanes à diversifier leur commerce ou à en lancer un nouveau, en ligne, pour répondre à la demande.
A titre d'exemple, Mush M., habitant l'Est et mère de deux filles. «En tant que femme portant le hijab, j'ai moi-même eu du mal à trouver des vêtements minimalistes, légers mais compatibles avec le voile, à des prix abordables. J'ai donc choisi de les commander en ligne pour mon usage personnel. Par la suite, des femmes de mon quartier m'ont demandé de commander pour elles aussi et c'est ainsi que j'ai lancé mon petit business», relate-t-elle
Ses produits proviennent principalement de Malaisie et d'Afrique du Sud, et elle les stocke chez elle, où ses clientes viennent les chercher. On y trouve des costumes de bain respectant le hijab, des kaftans en coton, des tenues quotidiennes et de sport, des vêtements pour enfants, ainsi que des vêtements pratiques pour la prière. «Étant donné que le climat est humide ici, je commande des vêtements de Malaisie, car ils sont très légers et adaptés à la vie quotidienne. J'essaie de maintenir un prix moyen de Rs 900 pour commencer. La bonne chose, c'est que je n'ai pas à payer de frais de location puisque tout est stocké chez moi.»
Si le Covid-19 avait stoppé pendant longtemps le commerce et les activités en provenance des pays comme la Chine, après la pandémie, beaucoup de commerçants se sont tournés vers la Turquie pour continuer à faire fonctionner leur affaire et varier la collection de vêtements qu'ils proposent.
«Au fil du temps, et surtout après le Covid, j'ai préféré varier et introduire des vêtements en provenance de Turquie, tels que des Abayas sportives, des habits pour le travail, des voiles pratiques et prêts à porter, ainsi que des accessoires, que les clientes adorent acheter. La difficulté est que la cargaison prend généralement du temps à parvenir et en raison de la dépréciation de la roupie avec le temps, les prix d'achat et les prix de vente sont relativement élevés. Mais j'essaie de faire en sorte que les prix restent abordables pour les clients afin de faire fonctionner le commerce», nous confie la propriétaire d'un magasin à la rue Pagoda, Port-Louis.
Par ailleurs, une plus grande disponibilité de tenues adaptées au hijab dans les grandes surfaces peut être encourageante pour de nombreuses femmes, dit-elle. «Comme je possède mon propre commerce, mes filles ne rencontrent pas de problème de vêtements. Nous devons également tenir compte que le nombre de femmes portant le hijab est nettement inférieur à celui des femmes qui ne le portent pas. Ainsi, avec les frais de location à payer et les perturbations de Covid-19 sur les entreprises, il est compréhensible que de nombreux commerces vendent des tenues qui ciblent un maximum de clients. Néanmoins, s'ils diversifient la mode pour inclure des vêtements qui conviennent au hijab tout comme des vêtements qui conviennent à différentes tailles, cela pourrait encourager beaucoup de femmes qui ont des difficultés à trouver des habits», souligne-t-elle