Ce devait être une soirée placée sous le signe de la joie et de l'unité entre les îles de l'océan Indien. Mais les cris de détresse et les pleurs se sont mêlés aux applaudissements, vendredi, au stade Barea, à Antananarivo. Alors que la cérémonie d'ouverture de la onzième édition des Jeux des Îles (JIOI) était en cours, une terrible bousculade s'est produite à l'entrée. La flamme des jeux brillait alors que des vies s'éteignaient, là, à quelques pas... Il y avait foule non seulement dans les gradins mais aussi devant l'hôpital Joseph Ravohangy Andrianavalona. Retour sur ce terrible drame qui a endeuillé la famille de l'océan Indien.
«Ah, c'était donc la minute de silence...» avance, un peu sonné, un athlète mauricien présent dans le stade. À l'intérieur, ni le public ni les athlètes ne savent ce qui se passe à l'extérieur ; ils n'ont pas conscience du terrible drame qui se joue à quelques mètres de là. L'entrée étant gratuite, le spectacle promettant d'être grandiose, le public s'est massé tôt devant les portes pour être sûr d'avoir une place dans les gradins du stade, qui peut accueillir 44 000 personnes. Gaëlle Borgia, correspondante de France 24, explique il n'y a pas de tourniquets à l'entrée, ce qui rendait difficiles le comptage et le contrôle des spectateurs.
La cérémonie devait commencer à 17 heures, les portes se sont ouvertes à midi. Une heure avant le début, il y avait autant de personnes à l'intérieur qu'à l'extérieur, selon L'Express de Madagascar, malgré l'installation de zones pour les fans autour du stade. L'affluence ne diminuait pas, les gens venant de partout, happés par la ferveur que suscitent ces jeux organisés chez eux et pour soutenir les leurs mais aussi pour accueillir les voisins... La cérémonie, promettant d'être impressionnante, devait durer trois heures, avec un spectacle de drones - une première dans le pays - et la participation d'artistes malgaches de renom.
À 17 heures cependant, elle n'avait toujours pas débuté. Il y a eu un retard de 45 minutes et le président de la Grande île est arrivé peu avant 18 heures. Le public attendait. Pendant ce temps, la tragédie se jouait déjà dehors. «Une foule a insisté au niveau d'un portail pour entrer, tout le monde a foncé», affirment des correspondants internationaux présents sur place. Dépassé, le service de sécurité a perdu pied. «Sous la pression de la foule en mouvement, un portail a cédé, et c'est là que s'est produit le drame. La cohue a entraîné une bousculade mortelle...»
La cérémonie a tout de même débuté après, les athlètes ont commencé à défiler... «Nous ne savions pas ce qui se passait. À un moment donné, nous avons vu des civières et des brancards, on n'a pas compris», confie un athlète mauricien. Même le président du comité n'avait pas eu vent du drame à ce stade. Puis, il y a eu cette annonce en malgache. «Mais nous n'avons pas compris un traître mot de ce qui se disait. Nous pouvions cependant voir qu'il se passait quelque chose de grave à l'extérieur...»
C'est lors de son discours que le président de la république de Madagascar, Andry Rajoelina, a annoncé la nouvelle au public et a observé une minute de silence en mémoire des victimes. À ce moment-là, le bilan faisait état de 12 morts et de 104 blessés. Depuis, le nombre de décès est passé à 13, dont sept mineurs, et le nombre de blessés à 107...
Devant l'hôpital Andrianavalona, une autre foule, cette fois dans un état d'esprit bien différent, s'est rassemblée durant la nuit mais aussi durant la journée d'hier. Parents et proches cherchaient désespérément des informations. Des sanglots déchirants sont entendus sur des vidéos diffusées par des médias malgaches; les images atroces tournent en boucle. «Nous attendons des documents pour pouvoir récupérer le corps de mon voisin», déclare une femme, terrassée par la douleur, à Africanews.
Plusieurs questions se posent ainsi depuis vendredi. N'aurait-il pas fallu interrompre la cérémonie par respect pour les morts ? Il était impossible de le faire, celle-ci étant déjà lancée, déclareront les autorités. «Nous ne sommes pas restés jusqu'à la fin du spectacle. Nous sommes partis plus tôt», affirme ainsi un Mauricien qui se trouve dans la Grande île. Même si la cérémonie était, comme le rapporte Midi Madagasikara, magnifique. «La synchronisation des performances était presque parfaite. Les jeux de lumière et les lasers ont ajouté une touche féérique digne des plus beaux spectacles. Les tableaux présentés dans des chorégraphies simples ont apporté une certaine authenticité à la cérémonie, reflétant la malgachéité. Chaque délégation a défilé au rythme d'une musique de son pays. La soirée s'est achevée vers 22 heures, avec un feu d'artifice tout aussi grandiose.»
«Nous ne savions pas ce qui se passait. À un moment donné, nous avons vu des civières et des brancards, on n'a pas compris», confie un athlète Mauricien. Puis, il y a eu cette annonce en Malgache. «mais nous n'avons pas compris un traître mot de ce qui se disait.»
N'empêche, pour ceux qui sont sur place mais aussi pour ceux qui suivent les épreuves à la télé, difficile d'oublier la souffrance des proches des victimes. Certains Mauriciens sont toujours «sonnés», après ce qui s'est passé... L'incompréhension se mêle à la tristesse. «Comment, pourquoi, on ne pouvait pas...» sont des questions qui reviennent souvent depuis l'ouverture de ces JIOI définitivement endeuillés...