850 mille électeurs gabonais étaient attendus aux urnes, ce 26 août, pour des élections législatives, locales et présidentielle. Si la campagne électorale s'est déroulée sans incidents majeurs, l'attente des résultats, en revanche, se passe dans une crispation de l'atmosphère sociopolitique. Le gouvernement craint visiblement des violences postélectorales.
C'est l'annonce des résultats de la présidentielle qui retient toutes les attentions, au Gabon comme ailleurs. En effet, ils sont 15 candidats à se disputer le fauteuil présidentiel. Ali Bongo Odimba, 64 ans, au pouvoir depuis 2009, est face à 14 autres. Son concurrent le plus sérieux, Albert Ondo Ossa, 69 ans, désigné le 18 août par la plateforme Alternance 2023 (A23), créée avec l'objectif de rassembler les opposants et les voix de leurs partisans afin d'empêcher la réélection d'Ali Bongo Odimba.
Mais cette plateforme, comme il fallait s'y attendre, n'a pu regrouper toute l'opposition. Pire, la désignation du porte-fanion d'Alternance 2023 a été précédée de débats houleux en interne, laissant penser qu'Ondo Ossa a été le candidat par défaut d'une opposition gabonaise bien dispersée. Le consensus a minima de l'opposition sur Albert Ondo Ossa, à une semaine de l'élection présidentielle, donne à penser que l'homme n'a pas eu une grande marge de manoeuvre face au mastodonte qu'est le Parti démocratique gabonais (PDG) du clan Bongo Odimba et ses colossaux moyens financiers, logistiques et relationnels.
De là à dire que le président sortant est en pôle position pour se succéder, il y a un pas vite franchi. Mais en chat échaudé qui craint l'eau froide, le parti au pouvoir a comme verrouillé le scrutin en amont. Le gouvernement a ainsi fait modifier le Code électoral à un mois du scrutin pour y introduire 2 réformes majeures : le bulletin unique et le report des voix des élections législatives sur la présidentielle. Ainsi, l'électeur qui vote pour un candidat à la députation vote pour le candidat de ce dernier à la présidentielle. Un système qui donne un avantage certain au candidat du parti le mieux implanté sur le territoire national, qui aligne le plus de candidats à la législative. A l'inverse, les candidats à la présidentielle portés par de petits partis ou sans parti sont assurément désavantagés.
L'opposition, qui avait rejeté cette réforme du Code électoral parce qu'elle restreint le choix des électeurs- car on peut être pour un candidat à la députation sans approuver le candidat de son parti à la présidentielle-, n'a pas été entendue.
Par ailleurs, les adversaires du président Ali Bongo Odimba ont dénoncé la veille et le jour des scrutins leur mauvaise organisation, pointant l'absence d'indications de tous les bureaux de vote, le retard dans leur ouverture, le transport non sécurisé des urnes, bref beaucoup de failles susceptibles d'entacher la transparence et la sincérité des votes. Pour apporter de l'eau à leurs multiples dénonciations, les opposants pointent du doigt la non-accréditation de journalistes étrangers qui souhaitaient couvrir le déroulement des scrutins. Idem pour les observateurs nationaux et internationaux. Pour ne pas les rassurer, Internet a été interrompu au Gabon dès la fermeture des bureaux de vote et l'instauration d'un couvre-feu était attendue hier dimanche, le temps que les résultats tombent. Des restrictions visant à endiguer des appels à la violence et la propagation de fausses informations, selon le ministre de la Communication.
D'une restriction à l'autre, on n'a pas besoin d'une boule de cristal pour comprendre que le PDG a peut-être mis son candidat en pôle position pour un 3e mandat mais est loin d'être serein. Visiblement, le gouvernement redoute le remake de 2016, où Jean Ping avait "mis en ballotage" le président Ali Bongo qui ne l'avait emporté que d'une courte tête de 5800 voix et à la faveur du mode de scrutin à un tour avec un vainqueur à la majorité simple.
L'appel de Jean Ping à lui restituer sa "victoire volée" avait entraîné de graves violences avec mort d'hommes. Ceci explique cette attente angoissée des résultats de la présidentielle, sous couvre-feu et sans internet.