La marche pacifique organisée hier, dimanche 27 août, à Samine, par les populations du Balantacounda, dans le département de Goudomp, se présente comme un inventaire de la situation du vol de bétail dans leur zone et l'urgence de s'y prendre. Face à la presse, les manifestants, environs, quatre cent (400) personnes, ont dénoncé avec véhémence la fréquence des vols commis par des sujets guinéens de Bissau jusque dans leurs enclos, l'absence d'une sécurité de proximité et la main lourde de l'Etat du Sénégal en cas de représailles meurtrières contre des voleurs armés. Ces manifestants menacent, au demeurant, d'organiser leur propre défense, sous huitaine, s'ils restent «abandonnés» à leur propre sort.
Le discours ferme et le ton menaçant sont des baromètres assez éloquents pour mesurer la colère, mêlée de déception, des manifestants du Balantacounda. Hervé Mansaly, le secrétaire général du Comité de lutte contre le vol de bétail dans le Balantacounda, déclare que «depuis les indépendances, le Balantacounda ou le département de Goudomp tout entier vit une situation qui l'appauvrit constamment : le vol de bétail à mains armées en direction de la Guinée-Bissau. Les populations voient impuissamment leur cheptel diminuer d'années en années. Les vols sont souvent soldés de cas de mort du côté des éleveurs du Balantacounda. Car, la plupart des malfaiteurs sont armés des fusils mitrailleurs, de type russes des anciens combattants du PAIGC démobilisés (Parti africain pour l'indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert)».
Et d'épiloguer sur l'ampleur grandissante : «Au début, les voleurs constituaient de petits groupes, sans armes à feu, et volaient quelques têtes de bêtes. A présent, ce sont des bandes lourdement armées qui sèment la terreur et s'emparent de troupeaux tout entiers. A l'heure actuelle, nous ne saurions dénombrer avec exactitude le nombre de personnes ayant perdu la vie à cause du vol de bétail, tuées par des voleurs».
En revanche, déplorent les manifestants, «tout cas de mort, côté assaillants, active tout de suite la machine judiciaire sénégalaise et aboutit à des emprisonnements des membres du Comité de surveillance. Cette gestion injuste du vol côté Sénégal ne serait-il pas une façon d'entretenir le vol ? De protéger et de favoriser le voleur ? Chaque année, plus de 500 bêtes sont illégalement déportées vers la Guinée-Bissau».
Et le porte-parole de rappeler des statistiques : «les rapports annuels du Comité de surveillance indiquent qu'entre 2017 et 2022, sur 2332 bovins volés 1315 sont disparus à jamais soit 56,38%. Sans compter les ovins, les caprins, les porcins et la volaille. En 2022, sur 241 bovins volés, 54 ont été retrouvés, sur 201 ovins, 14 ont été retrouvés. Ces chiffres représentent seulement des cas de vols signalés auprès du Comité de surveillance du Balantacounda».
Absence de collaboration de la police guin"enne selon les manifestants
Bacary Sadio, le vice-secrétaire général du Comité de lutte contre le vol de bétail, relève que «quelques fois, les bêtes sont retrouvées en Guinée-Bissau et la Police Bissau-Guinéenne demande une rançon pour récupérer les animaux. Comme cela s'est passé en 2017 à Thiéba (commune de Simbandi Balante). Contre 15 boeufs volés la Police Bissau-Guinéenne a demandé une rançon de 1.110.000 FCFA aux propriétaires. Les exemples d'une telle forfaiture sont nombreux. Du côté Bissau-Guinéen, nous pourrions penser que le vol est entretenu par ces autorités», tire-t-il du mémorandum.
Face à la presse et relevant les déboires ci-haut cités, les manifestants s'interrogent : «Pourquoi sommes-nous oubliés par les Forces de Défense et de Sécurité, chargées de défendre les populations et leurs biens ? Pourquoi n'a-t-elle pas condamné ces voleurs et meurtriers comme la loi l'indique dans le Code pénal en son article 366 ? Quel avenir pour le secteur de l'élevage dans le Balantacounda ?»
Le Balantacounda s'inquiète du traitement judiciaire des dossiers
Le porte-parole du jour, Hervé Mansaly, a soutenu avec force que «c'est ici, au Sénégal, que le voleur peut traverser la frontière, lourdement armé, voler, tuer et avoir raison devant la justice. Cette razzia inquiète de plus en plus les populations du Balantacounda. Tous les jours, des individus lourdement armés, venus de la Guinée-Bissau, continuent de semer la terreur au sein de la population».
Il exhume des repères historiques sur le vol de bétail. «Le 25 août 2023, au moment où se tenait le procès à Sédhiou, les voleurs se sont emparés d'un troupeau de boeufs à Waliconda. Le 26 août 2023, à Marsaillle, à quelques mètres du cantonnement militaire, les voleurs ont réussi à voler du troupeau une vache. Cette gestion ambiguë du vol, par l'Etat du Sénégal dans le Balantacounda, ne serait-elle pas une façon d'entretenir le vol, de protéger et de favoriser le voleur ?»
Recommandations fortes de la marche
«Le Balantacounda, d'une seule voix, demande aux deux États de trouver immédiatement et définitivement des solutions au vol de bétail ; Le renforcement de la sécurité tout le long de la frontière avec la Guinée-Bissau, en installant des postes avancés ; la régularisation des entrées et sorties tout au long de la frontière, en installant des postes de polices dans les principaux axes frontaliers (Thiamoulé, Koussy, Sanou Sénégal, Faradianto, etc.) ; La redynamisation de la capacité des membres Comité de surveillance contre le vol de bétail en les dotant de moyens ; Le renforcement des capacités des éleveurs ; le Financement des éleveurs dans ce domaine ; La tenue d'un comité local, départemental et régional (de développement) spécialement contre le vol de bétail dans la Zone ; L'annulation des poursuites enclenchées contre le Sieur Sidou Diatta de Kounayang», sont entre autres recommandations faites par les marcheurs contre le vol de bétail dans le Balantacounda.
A cette même occasion, les populations du Balantacounda réclament plus de collaboration du Sous-Préfet de Djibanar et disent ne plus accepter que des Bissau-guinéens organisent la traite des noix de cajou de cette année dans leur terroir.
L'ultimatum lancé !
Dans ce même document de mémorandum, les marcheurs, qui revendiquent toute la légitimité populaire du Balantacounda, déclarent donner aux deux Etats (Sénégal et Guinée-Bissau) une semaine, à compter d'hier, dimanche 27 août 2023, pour entamer une résolution définitive du problème de vols bétail dans le Balantacounda. Sinon, menacent-ils, «nous procéderons, à partir de dimanche prochain, à la fermeture de toutes les pistes du Balantacounda menant vers la Guinée-Bissau, une façon d'empêcher la rentrée des voleurs chez-nous. Le Balantacounda est dos au mur et c'est le dernier cri de coeur sur le vol de bétail lancé à l'État du Sénégal», ont-ils conclu.