Afrique du Nord: Célébration du 226e anniversaire du traite de paix et d'amitié Tuniso-americain / S.e. Joey Hood, ambassadeur des Etats-Unis à Tunis à La Presse - « En regardant l'histoire des relations bilatérales et ce qu'on fait aujourd'hui, il y a un bel avenir devant nous »

28 Août 2023

Les États-Unis et la Tunisie célèbrent, aujourd'hui 28 août, le 226e anniversaire de la signature du Traité de paix et d'amitié établi en 1797. La Tunisie a été parmi les premiers pays à reconnaître les États-Unis nouvellement indépendants. Une action réciproquement interprétée par les Etats-Unis, qui ont été la première puissance mondiale à reconnaître, en 1956, l'indépendance de la Tunisie. Nos deux pays entretiennent depuis de solides relations diplomatiques, économiques et ont un lien spécial. A cette occasion, SEM Joey Hood, ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, évoque l'histoire et scrute l'horizon futur.

Votre Excellence, si nous revenions un peu à l'histoire des relations tuniso-américaines ?

Et elle est très ancienne en plus. Je pense que la plupart de nos populations ne sont pas vraiment au courant, que ce soit en Amérique ou en Tunisie, du fait que rien que deux ans après notre indépendance, celui qui deviendra notre deuxième président (Ndlr : John Adams), a appelé publiquement pour un traité avec la Tunisie, comme la Tunisie était très importante pour le commerce dans la Méditerranée, et la sécurité, la stabilité régionale.

Donc en 1797, le 28 août, a été signé le premier traité d'amitié et de commerce entre les deux pays. Et c'est ça qu'on a souhaité marquer, commémorer chaque année pour se rappeler cette longue histoire. Et je pense que peut-être que vous êtes au courant du fait que tout de suite après cela, le Bey a envoyé le premier ambassadeur musulman aux Etats-Unis et qui parlait anglais, parfaitement..

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D'ailleurs, j'ai trouvé une de ses lettres envoyées au secrétaire d'État en 1805 où il disait « oui, nous avons un traité fabuleux mais il va de soi que maintenant ce serait très normal si les Etats-Unis nous soutiendraient avec un peu d'aide militaire ». Et donc j'ai raconté cette histoire à un groupe de la Garde nationale tunisienne ce matin pour qu'eux aussi sachent que notre coopération sécuritaire remonte jusqu'à 1805. C'est incroyable. Mais au-delà de cela,, nous savons par exemple que l'un de mes prédécesseurs a demandé au Bey, comment vous avez fait pour abolir l'esclavage ? A cette époque-là on était en train de se déchirer, de se déchiqueter en fait, dans une guerre civile. Donc on cherchait réellement le conseil du Bey, ce qui était très utile et très apprécié par le président des USA. Si on regarde plus tard, il y a bien sûr l'indépendance de la Tunisie et avant la Deuxième Guerre mondiale qui ont marqué les relations entre nos deux pays.

Cette époque de relations est d'autant plus personnelle pour moi car mon grand-père était en service à Bizerte. Et avec les Tunisiens, il travaillait très étroitement pour charger et décharger les différents navires militaires pour ravitailler les troupes qui partaient pour libérer l'Italie à l'époque. Mon grand-père m'a toujours parlé de son expérience en Tunisie et j'ai grandi avec ses histoires sur le pays.

Et donc, même après cela, on a l'histoire de Fahad Hached, qui a été invité aux États-Unis pour s'exprimer et pour donner la voix au peuple tunisien devant le monde entier. Il a été invité par un groupe de syndicats américain. C'était en 1952, je crois.

Ensuite, il y a eu l'indépendance, hamdoullah, nous étions le premier pays, c'est-à-dire parmi les grandes puissances, à reconnaître l'indépendance de la Tunisie et aussi de recevoir Bourguiba en visite d'Etat.

Donc Bourguiba, le combattant suprême, a décidé que nous allions être le partenaire de choix quand il s'agit de la sécurité. Ce qui était très intelligent. Car, il a vu venir le jour où les Etats-Unis seraient le partenaire militaire dominant et aussi le plus avancé au niveau technologique. Et il voyait aussi que les intérêts des Etats-Unis et des Tunisiens en fait étaient plus ou moins les mêmes : la stabilité régionale, la sécurité de la Tunisie, le développement économique, le développement démocratique, ce sont les piliers qui régissent nos relations bilatérales jusqu'à aujourd'hui.

C'est ce qui a donné lieu aussi à une coopération économique bilatérale ?

Absolument. Au début, nous avons construit l'aéroport Tunis-Cartage, le barrage de Oued Nabhana, pas mal d'autoroutes, de ponts, etc. On n'est plus à cette période-là. Vous n'avez plus besoin de nous pour faire les grands travaux. Vous avez vos compagnies, vous avez vos ministères, etc. Maintenant, ce qu'il faut c'est d'essayer de promouvoir les ressources humaines tunisiennes et je pense que c'est une ressource renouvelable à ne pas finir et donc c'est pour cela que vous allez voir la plupart de nos activités à travers mes déplacements dans les régions. C'est un travail axé aussi sur les PME, surtout dans le secteur de l'énergie renouvelable, du tourisme, de l'artisanat, etc. Au cours des quatre dernières années, le gouvernement américain a aidé plus de 53 000 petites et moyennes entreprises tunisiennes à augmenter leurs ventes de plus de 610 millions de dollars et à créer plus de 56 000 nouveaux emplois.

Pourquoi ce choix du secteur privé ?

Parce que c'est ça le moteur économique de la Tunisie. Ce n'est pas le secteur public. On le sait bien, le gouvernement peut jouer son rôle à déblayer le chemin, mais c'est le secteur privé qui doit prendre la relève. Et ça commence bien puisque vous exportez plus que vous n'importiez de chez nous et ça crée des emplois, ça nous donne aussi des produits haut de gamme comme le textile, l'huile d'olive et même la harissa qu'on trouve dans nos supermarchés. Pour ne pas parler de l'artisanat tunisien, vous savez, peut-être que nous sommes le premier importateur mondial maintenant. Tout cela n'est pas par hasard. C'est grâce à un investissement d'équipement, de formation et de marketing surtout les femmes à Jendouba, les hommes à Kairouan par exemple qui produisent le bois d'olivier, les femmes qui produisent les huiles essentielles, les tapis etc. C'est fabuleux.

Et la pêche aussi ?

Vous avez un problème avec ce que les pêcheurs appellent Daesh ou les crabes bleus. Ils sont nuisibles aux pêcheurs tout autant que les terroristes de Daesh pour les humains.

Mais en Amérique c'est un délice, les gens adorent le crabe bleu. Donc on a commencé à les ramasser ici, les envoyer aux Etats-Unis. Nous pensons que bientôt ce sera une industrie de 100 millions de dollars par an. Pour ne pas parler du nombre d'emplois que cela créera pour les pêcheurs tunisiens et des gens qui travaillent aussi sur le produit. Parce qu'on n'aime pas acheter en vrac comme ça, d'autant plus que les États-Unis c'est loin. Donc pour les produits frais c'est un peu difficile mais comme l'huile d'olive si ça peut être mis en bouteille ici si le crabe peut être conservé ici c'est mieux pour nous, c'est mieux pour vous. Alors moi j'ai fixé comme but avant la fin de mon mandat de voir les Etats-Unis devenir le marché numéro un du monde de l'huile d'olive tunisienne mise en bouteille. Maintenant, on est au numéro trois.

Est-ce qu'il y a une ingérence directe américaine dans les affaires internes de la Tunisie ?

Il n'y a pas d'ingérence. Il y a un partenariat. C'est vrai qu'il y a des hauts et des bas. Il y a aussi parfois des malentendus. Et je pense que c'est encore plus facile à nos jours, comparé aux années 60 par exemple d'avoir des malentendus parce que l'information court tellement vite et que les mensonges courent encore plus vite que ça. Et il y a tellement d'adversaires autour de nous qui veulent voir échouer ce partenariat pour leurs propres intérêts, donc il faut qu'on fasse toujours attention.

C'est pour cela que je cherche toujours à voir les ministres et les directeurs généraux des différents ministères et agences tunisiennes pour avoir leur idée sur les choses. J'encourage aussi les journalistes internationaux qui couvrent la Tunisie à venir voir la vérité. Maintenant qu'on s'est entendu, maintenant qu'on a vu la réalité. On a échangé de l'information et des points de vue, quelquefois il y a des différences d'opinion, mais c'est normal. Les gens ne peuvent pas s'entendre tous les jours. Vous avez votre manière de voir les choses, nous aussi, mais l'essentiel, c'est qu'on se parle, c'est qu'on échange de façon régulière et qu'on comprenne aussi où sont les intérêts les plus importants pour chaque pays.

Par exemple, vous avez des pays proches ici, pour qui la migration est peut-être l'intérêt numéro un. Pour nous, cela n'est peut-être pas le cas parce que nous sommes à 7000 km d'ici. Donc l'immigration c'est important, mais c'est pas le la priorité numéro un, pour nous. Donc, c'est aussi une question de priorité. Et non seulement une question d'expérience. Mais quand on parle de démocratie, on a plus d'expérience, elle date de deux cents ans.

Donc, quand nous disons par exemple que la liberté d'expression est importante. Nous savons pourquoi nous disons cela et car on a vu l'utilité de la liberté d'expression pour le développement de notre société, de notre école. Vous savez par exemple, il n' y a jamais eu de famine dans un pays démocratique parce que dans un pays démocratique il y a une liberté d'expression qui permet au marché de fonctionner comme il faut et qui permet la mise en route de ce qui ne fonctionne pas ou quand il y a des blocages à cause de la corruption par exemple.

Pensez-vous que le modèle démocratique américain est valable pour tous les pays ?

Non, on ne veut pas imposer notre système à qui que ce soit. Parce que chaque système démocratique doit être sculpté, taillé, selon les spécificités locales. Donc, ce qui marche chez nous, peut-être que ça ne va pas marcher en Islande ou en Tunisie. C'est normal, mais je pense que pour être une démocratie, il y a des valeurs auxquelles il faut songer. On doit donc rêver, on doit essayer de travailler dans ce sens. Par exemple, la liberté d'expression, les élections libres et transparentes, la représentation parlementaire de la population et un président démocratiquement élu.

Il y a certains piliers sur lesquels tout le monde est d'accord. Maintenant, comment les gérer et comment les organiser ? C'est différent dans chaque pays démocratique.

Est-ce qu'il y a des lois qui encadrent les réseaux sociaux aux USA ? Est-ce que la justice intervient pour réguler cet espace ?

C'est un sujet d'un grand débat aux États-Unis et partout dans le monde. Généralement, depuis 1776, nous avons toujours cru en la liberté d'expression pour donner la voix surtout à ceux avec qui on n'est pas d'accord.

Quand même depuis le début, il y a eu des lois qui interdisent aux gens de mentir sciemment sur les autres ou de d'inciter la population à la violence. C'était beaucoup plus facile d'appliquer ces lois quand il n'y avait que des journaux, la radio et quand on n'avait que 3 ou 4 chaînes télé. Ce qui n'est plus le cas maintenant surtout avec l'arrivée des réseaux sociaux.

Pour l'instant en général, ce que nous essayons de faire, c'est demander aux compagnies qui régissent les réseaux sociaux d'organiser elles-mêmes, d'établir les règlements elles-mêmes, comme le font les journalistes d'ailleurs. Mais comme j'ai dit, c'est un sujet de grand débat au sein du Congrès américain. Nous voyons clairement, qu'il y a des dérapages, qu'il y a de l'influence, de la mauvaise information ou des mensonges, je dirais même de fausses informations. Toujours est-il que nous croyons que la solution pour tous ces problèmes, généralement, c'est de montrer la vérité, les faits et tout le contexte. Et c'est pour ça qu'on encourage nos partenaires comme la Tunisie de le faire aussi. Si vous voyez qu'il y a quelqu'un qui ment sur les réseaux sociaux ou qui dit n'importe quoi il faut montrer aux gens la réalité. Parce que le gouvernement tunisien aura une voix plus crédible que quiconque sur les réseaux sociaux.

L'octroi d'un prix à Saâdia Mosbah a soulevé une polémique sur la population indigène de la Tunisie. Vous avez d'ailleurs modifié le communiqué de presse à ce propos. Que s'est-il passé réellement ?

En fait, le fait que Saadia Mosabh ait reçu ce prix, c'était un moment génial pour la Tunisie. Parce que en obtenant ce prix, on reconnaissait le travail que les Tunisiens ont fait en matière de lutte contre les discriminations raciales. Donc, en oeuvrant à faire adopter la première loi dans toute la région arabe contre la discrimination, c'est un effort à féliciter. Donc, ce que le secrétaire d'État faisait en octroyant ce prix c'était de reconnaître le travail de Saadia et son organisation qui s'appelle « Mnemti« ....

Malheureusement, nous avons fait une erreur au niveau de l'ambassade, nous avons posté tout simplement une traduction arabe du communiqué du département d'État sur tout qui englobait six personnes et non seulement Saadia.

Il y avait la personne du Bangladesh qui défendait les droits des indigènes et une personne aussi du Brésil qui était indigène elle-même. Le communiqué mélangeait malheureusement, dans la version arabe toutes ces personnes. Et donc les gens ont commencé à croire qu'on reconnaissait Saadia Mosbah d'avoir défendu les droits des noirs tunisiens comme étant les indigènes du pays. Alors ce n'est pas du tout ce qu'on voulait dire. Par ce prix on reconnaissait le travail qu'elle a fait pour faire adopter une loi pour tous les Tunisiens contre la discrimination.

Et encore une fois, la Tunisie est un pays phare sur ce sujet, comme tant d'autres dans le passé. C'est donc un moment à célébrer, à féliciter. Les autres personnes, elles aussi, elles ont fait un bon travail dans leur pays pour le combat contre la discrimination des personnes indigènes dans ces pays-là. Ne vous inquiétez pas, on connaît l'histoire de la Tunisie et j'ai lu la Moukadema d'Ibn Khaldoun , qui, il y a quelques siècles dissertait déjà sur le sujet et sur le racisme et la discrimination. Et je pense que, comme d'habitude, nous avons beaucoup à apprendre des Tunisiens.

Est-ce que vous avez des programmes d'aide spécifiques pour l'autonomisation des personnes vulnérables ?

Comme je l'ai dit il y a un moment, nous accordons beaucoup d'attention et octroyons beaucoup d'aide au secteur privé parce que d'après notre expérience, le secteur privé est le moteur de la croissance économique. Alors nous travaillons avec plus de 50000 PME implantées partout dans le pays, que ce soit dans l'agriculture, le tourisme, l'artisanat ou la pêche par exemple. On, on a des projets dans tous ces sens. Surtout pour les aider à avoir accès au financement, à la technologie américaine et à l'accompagnement américain et dans le cas échéant avoir un accès au marché américain. Donc, je pense que ça va bon train. Chaque fois que je me déplace dans le pays, je constate cela.

Que ce soit à Jendouba, avec des femmes qui produisent les huiles essentielles par exemple, ou à Sfax avec la fameuse compagnie de l'huile d'olive qui est devenue un grand exportateur aux États-Unis. À Nabeul. J'ai visité une usine de céramique où nous avons fourni une machine qui permet à mettre 2 couleurs, des mailles à la fois. Ça a l'air simple, mais pour l'usine, c'est transformateur. Donc du coup ils peuvent produire 40% de plus. Cela veut dire plus d'emplois, plus de bénéfices et c'est fabuleux. Ce sont quelques exemples de ce qu'on fait.

Quelle est la place des femmes dans les programmes d'aide et de coopération ?

Vous avez parlé des plus vulnérables. A Jendouba dans l'artisanat ou à Kairouan, j'ai reçu quelques femmes à l'occasion de la célébration de la Journée de la femme qui ont parlé de notre soutien pour une coopérative qu'elles ont mise sur pied pour organiser un transport plus sûr, plus certain pour leur travail. Et pour qu'elles soient plus sécurisées sur les champs.

Pour d'autres, nous savons que la Tunisie passe par une crise économique et sociale. Grâce à notre partenariat avec l'Unicef et en coordination avec le ministère des Affaires sociales, nous avons fourni une aide financière à 305 000 enfants tunisiens parmi les plus vulnérables, âgés de 6 à 18 ans, y compris une allocation supplémentaire pour les enfants handicapés.

Dans le cadre de ce même partenariat, nous avons également soutenu des allocations de rentrée scolaire afin d'encourager plus de 425 000 enfants d'âge scolaire issus de familles à faible revenu à ne pas abandonner l'école et à retourner à l'école pour l'année scolaire 2023.

Mais cela est quelque chose de discret. Car c'est un moment difficile pour ces familles. Mais ce n'est pas une solution.

Au cours de mes déplacements pour savoir si cela fonctionne bien, les familles étaient satisfaites et reconnaissantes. Mais ce n'est pas ça la solution. Ce n'est qu'une solution de replâtrage.

Ce qu'il faut, ce sont de bons emplois et c'est pour cela qu'on doit travailler encore plus avec le secteur privé pour que les parents puissent avoir des revenus stables et qu'ils puissent envoyer leurs enfants à l'école. Ensuite, les enfants qui terminent leur scolarité peuvent trouver du travail.

Est-ce que les Etats-Unis soutiennent toujours la Tunisie dans ses négociations avec le FMI ?

On a toujours soutenu la Tunisie pour avoir un prêt du FMI et je l'ai dit plusieurs fois, clairement. Le secrétaire d'Etat américain, Blinken, aussi. Et c'est pour cela qu'on est arrivé à un accord avec le FMI au mois d'octobre 2022. Le programme de réformes présenté par le gouvernement tunisien pour obtenir des prêts du FMI était finalisé. Les Etats-Unis étaient d'accord et ont apporté leur soutien. Maintenant, s'il y a une autre vision, c'est au gouvernement tunisien de poursuivre un nouveau programme. En principe, il y aura le soutien américain au niveau du FMI.

Vous ne voulez pas entrer dans les détails ?

Comme je l'ai dit le programme a été présenté et approuvé et puis il n'y a pas eu de suite. Donc c'est au gouvernement tunisien d'agir, ce qui a posé un problème. Le président de la République a parlé clairement de ses inquiétudes à propos de cet accord. Maintenant c'est au gouvernement tunisien de revoir son programme et dire au FMI que le programme a changé et qu'on a besoin de plus de temps. Ce n'est pas à nous de le faire, c'est à la Tunisie, un pays souverain, et à son gouvernement d'aller le dire au FMI. Et dès que la balle sera dans le camp du FMI, nous en tant que voix prépondérante dans cette instance, nous apporterons notre soutien. Les programmes du FMI n'ont pas été parfaits ; partout dans le monde on octroyait des prêts contre les réformes économiques et sociales, mais c'est à peu près la formule qui peut marcher selon le FMI.

Avec la montée en puissance des Brics, sommes-nous face à un changement géopolitique ?

Selon les informations dont je dispose, il ne s'agit pas encore d'un élargissement. Il y a eu une invitation à certains pays pour rejoindre le groupe des Brics. On n'est pas contre les pays qui veulent avoir des relations avec d'autres pays. C'est à eux de décider. Pour nous, nous allons rester axés sur nos priorités et sur nos objectifs. C'est la croissance économique, la stabilité régionale. En ce qui concerne la Tunisie, nos rapports ont pour objectifs la croissance économique, la stabilité régionale et le développement démocratique.

La question qui se pose actuellement est de savoir si ce groupement pourrait faire avancer ces différents objectifs des pays qui souhaitent le rejoindre. Je vous donne un exemple, celui du PAM (Programme alimentaire mondial). L'année dernière, les États-Unis ont accordé la moitié du budget mondial du PAM. Le budget mondial du PAM était de 14 milliards de dollars et ce sont les USA qui ont octroyé 7 milliards de dollars. Par contre, la Russie a contribué avec 0,2 %. Donc j'invite les lecteurs de juger le résultat.

Est-ce que c'est dans ces pays-là que les Tunisiens rêvent d'aller faire leurs études ou aux Etats-Unis ? Est-ce que ce sont ces pays-là qui ont aidé la Tunisie à gagner la bataille de Ben Guerdane, par exemple pour faire réduire la menace terroriste et sauver le tourisme ou est-ce que ce sont les Etats Unis ? Est-ce que ce sont ces pays-là qui donnent une autre idée de l'avenir ? Donc, on n'est pas contre le fait que ces pays cherchent à s'unir et à avoir des relations de coopération avec d'autres pays, mais nous allons nous focaliser sur nos objectifs avec la Tunisie et avec le reste des pays.

Vous avez récemment rencontré en compagnie de l'envoyé spécial des USA en Libye le ministre des Affaires étrangères. Y a-t-il du nouveau pour la résolution du conflit libyen ?

Comme je l'ai dit auparavant, il est normal et même essentiel que les diplomates et les autorités tunisiennes échangent des informations, des points de vue régulièrement sur les perspectives. Donc, c'est ce qu'on a fait avec le ministre des Affaires étrangères tunisien. Sur ce point, nous avons confirmé tout simplement que les intérêts de la Tunisie et des États-Unis avec la Libye sont communs, car nous voulons tous voir une solution libyco-libyenne qui va mener vers la stabilité et le développement de ce pays, ce qui est bien pour les États-Unis et pour la Tunisie dès lors que ce pays était le plus grand partenaire économique, il n'y a pas longtemps, de la Tunisie et un très grand marché pour les produits et les services tunisiens, notamment dans le secteur médical, agricole, etc.

En matière de tourisme, comment se profile l'échange Tunisie-USA ?

En parlant de tourisme, j'ai été ravi de découvrir que depuis le début de cette année, il y a eu plus de 1000 jeunes touristes américains qui sont venus en Tunisie, soit une augmentation de 57% par rapport à l'année dernière. Et bien sûr, je souhaite voir ce chiffre augmenter encore plus l'année prochaine. Et pour ce faire, nous essayons d'aider les petites et moyennes entreprises à mieux se préparer pour accueillir les touristes. Donc j'ai parlé du projet qu'on appelle « Visit Tunisia». On investit en financement, équipement, marketing et accompagnement pour ces PME qui cherchent à se développer ou même à commencer à recevoir des touristes. Imaginez, par exemple, une veuve tunisienne qui possède une maison rurale avec quelques petits aménagements, elle peut louer des chambres à des touristes algériens ou autres.

Certes, elle doit retaper, elle doit mettre un panneau solaire, elle doit apprendre comment faire son marketing, c'est tout ça qu'on peut faire avec notre projet. Et on le fait avec des milliers d'entreprises partout dans le pays. Je pense que ça va aider la Tunisie à recevoir non seulement des Américains, mais aussi des Algériens, des Allemands, etc. En ce qui concerne le profil du touriste américain, il est important de noter que le touriste américain dépense beaucoup par rapport à l'Italien qui est à 1h00 de vol et qui peut venir puis renter et revenir chaque week-end.

Pour le touriste américain c'est vraiment un déplacement donc on ne fait que gratter la surface de ce qui est possible parce que ils viennent pratiquement en croisière. C'est très bien, mais ils n'ont que quelques heures pour découvrir la Médina ou un restaurant peut-être à peine. Voilà, je voudrais voir beaucoup plus de touristes américains qui puissent venir et passer des jours et des nuits, et pas seulement quelques heures. Il y a beaucoup d'Américains qui vont découvrir de beaux paysages et de fabuleux sites.

Vous avez parlé de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, ça c'est très important. Il y a des Américains comme moi qui avaient des parents ou des grands-parents qui ont fait la guerre ici pour essayer de combattre les nazis. Pour eux, c'est un bon motif de voyage. Heureusement, il y a aussi les sites archéologiques dont vous avez parlé. J'ai visité ce matin un site pas loin d'ici où ils ont découvert de nouvelles pièces avec l'appui d'une équipe américaine et j'ai appris que, l'année prochaine, il y aura une exposition itinérante aux États-Unis de certains objets de Carthage pour essayer de donner un avant-goût aux Américains pour venir ici et découvrir le pays. Je trouve ça fabuleux et cela n'a rien à voir avec le gouvernement américain.

Ça, c'est entre les universités et le musée et l'Institut national du patrimoine. C'est ce genre d'échange qu'on doit essayer de promouvoir. Je n'ai pas parlé de nos travaux à El Jem et à Oudhna. C'est vrai que nous aidons les PME à se développer dans le domaine, mais aussi nous n'oublions pas les grands sites qui peuvent attirer, de partout dans le monde, des touristes, comme c'est le cas d'El Jem qui a bénéficié d'une subvention des États-Unis pour préserver le site. C'est pareil pour les citernes de Oudhna que j'ai visitées. Un problème que vous avez ici, c'est que vous en trouvez tellement d'objets que vous avez maintenant besoin de les stocker de façon sécurisée pour pouvoir les classer.

Et donc, c'est ça qu'on a fait avec les citernes qui étaient auparavant vides, maintenant on les retape ensemble. Et cela va servir pour en faire un magasin. Oui on fait pas mal de choses que ce soit au niveau culturel, des échanges professionnels ou académiques. Ceci dit, par le biais de notre initiative Visit Tunisia nous visons à augmenter les visites touristiques en Tunisie de 20 %, les dépenses des visiteurs de 10 % et à créer 3 000 nouveaux emplois.

Qu'en est-il au niveau des bourses et de la mobilité des étudiants ?

En ce qui concerne les programmes de bourses, au niveau du lycée, plus de 500 Tunisiens sont allés aux États-Unis jusqu'à la date d'aujourd'hui et on a plus de 600 étudiants au niveau des universités. Et puis nous avons aussi des programmes pour les études plus poussées (doctorat, etc) et aussi des échanges professionnels. J'ai rencontré aussi des étudiants américains qui sont venus pour étudier l'arabe ici et je voudrais voir beaucoup plus de coopération à ce niveau, parce que l'échange va dans les deux sens. Avec le gouvernement tunisien, nous lançons une nouvelle initiative dans le cadre du projet Tunisia Jobs, qui permettra à plus de 55 000 étudiants de cinq grandes universités tunisiennes - Tunis- El Manar, Jendouba, Sousse, Kairouan et Sfax - de suivre des cours de compétences non techniques et de bénéficier de services d'orientation professionnelle pour les aider à s'orienter sur le marché mondial de l'emploi.

L'ambassade américaine, par l'intermédiaire de l'Usaid, rénove et modernise près de 50 centres de jeunesse à travers le pays.

La guerre d'Ukraine a mis dans l'insécurité alimentaire plusieurs pays dont la Tunisie. Que font les USA pour atténuer cette situation ?

Comme je l'ai déjà dit, nous avons fourni tout d'abord la moitié du budget mondial du PAM. On le fait depuis longtemps et on le fera parce que ça fait partie de nos principes.

Nous donnons aussi directement de l'aide alimentaire à certains pays, surtout les plus vulnérables et je pense que l'objectif primordial c'est de convaincre Poutine d'arrêter cette guerre, c'est la solution. Pour quelle raison continuer la guerre ? Il a déjà perdu. Il ne fait que faire souffrir des gens inutilement. Et cela ne fait que créer énormément de problèmes pour les pays les plus vulnérables. Nous faisons ce que nous pouvons pour les appuyer ou les épauler. Ici, en Tunisie, j'ai parlé de notre soutien aux familles les vulnérables mais je pense à moyen et long terme, on va rendre l'économie tunisienne plus résiliente, plus forte à travers le secteur privé et l'appui des PME surtout. Je profite de l'occasion pour appeler tous nos partenaires à essayer de convaincre le président russe d'arrêter cette guerre.

Quel est votre message aux Tunisiens à l'occasion de la célébration du traité d'amitié tuniso-américain ?

Pour moi, c'est un message d'optimisme, un message d'espoir parce que tout en regardant l'histoire des relations bilatérales, et en regardant tout ce qu'on fait aujourd'hui, je pense qu'il y a un bel avenir devant nous, en travaillant ensemble.

Vous avez établi les syndicats il y a 100 ans, alors qu'il y a des pays qui n'ont pas encore de syndicat en 2023. Vous avez établi l'égalité de la femme alors que 60 ans plus tard, il y a des pays où la femme n'est toujours pas égale de l'homme au niveau de la loi. Vous avez aboli l'esclavagisme 120 ans avant d'autres pays.

La Tunisie, c'est la clé de voûte de l'Afrique du Nord géographiquement.

Avec notre soutien, la Tunisie est devenue non seulement un pays stable mais qui exporte la stabilité. Que faites-vous avec ces avions C-30 américains ? Vous les utilisez pour appuyer les opérations de maintien de la paix de l'ONU. C'est inestimable.

Imaginons ce qu'on peut faire ensemble dans l'avenir, quand vous avez par exemple le plus grand pourcentage, dans le monde, d'étudiants en ingénierie, derrière la Malaisie qui a un plus grand pourcentage. Travaillons ensemble avec nos écoles, nos universités, notre Nasa et imaginez ce qu'on va faire demain et après-demain sera beaucoup plus grand.

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