Madagascar: Le lamba sous toutes ses formes et utilisations

Dans une étude qu'elle mène sur quelques us et coutumes malgaches, Isabelle Ratsira parle de quelques usages dont certains sont toujours pratiqués dans la Grande ile (lire précédente Note). Ainsi, pour s'orienter, les Malgaches recourent aux points cardinaux et disent à cet effet, « au Nord, au Sud, etc. » alors que les étrangers disent « à droite », « à gauche ». Pour marquer une opposition, les Malgaches évoquent le Sud et le Nord et non le Nord et le Sud comme les Vazaha. En outre, si on dit en français, sens dessus-dessous, à Madagascar om utilise l'inverse « ambany ambony » (sens dessous dessus).

Pour énoncer les chiffres, le Malgache commence par l'unité, les dizaines, les centaines, etc. « Cela a un sens philosophique profond, à savoir que pour le Malgache, tout doit aller en progressant. » L'auteure de l'étude relie cette idée à la devise de l'Université d'Antananarivo, « Adala ny toy ny rainy », « insensé est celui qui ne fait pas mieux que son père ». Un autre proverbe très imagé et très apprécié, « joko mihasolanga, fa tsy solanga mihajoko », fait allusion à un niveau supérieur qu'il faut viser. Cette expression pourrait se traduire ainsi : « Ce qui est recourbé, doit être redressé, et ce qui est droit ne doit jamais fléchir. » L'idée exacte est « toujours plus haut ».

Concernant les couleurs, alors que le blanc est la couleur de l'innocence et de la paix chez les Vazaha, chez les Malgaches, la couleur blanche est signe de mépris et sert de qualificatif péjoratif : une « parole blanche » (qui n'est pas écoutée), un « esprit blanc » (qui manque de sérieux), une « femme dont la porte est blanche », « fotsy varavarana », est une femme légère. C'est le bleu qui symbolise la perfection et la beauté. Antanana-rivo s'appelait Analamanga (la belle forêt), Ambohimanga, le joli mont, Mangarivotra, le bel air, « olomanga» l'élite, « manga feo » qui a une belle voix, « voromanga » le bel oiseau...

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Un écrivain fait, à une époque, une remarque : « Au sens figuré, lorsque les Européens parlent de 'noir de monde' dans un pays de Blancs, les Malgaches, eux, disent le contraire « blanc de monde » dans un pays de Noirs ! » Toutefois, cette expression « blanc de monde », « mangorom-potsy», vient, sans doute, d'une allusion au lamba blanc qu'hommes et femmes portent traditionnellement sur les épaules. Autrefois, sous la royauté, lorsqu'au cours d'une cérémonie solennelle, la reine ou son porte-parole prononce un kabary sur la Place de Mahamasina, pour proclamer, par exemple, des édits royaux, la place est envahie par la foule. Hommes et femmes portent le lamba, d'un blanc immaculé, sur les épaules. Sous la colonisation, la tenue blanche, complétée par le casque colonial blanc, est de rigueur chez les fonctionnaires et officiers, dans les cérémonies officielles.

Cependant, « l'ancien et beau lamba a pratiquement disparu du dos des gens, pour ne rester, majestueux et digne, qu'aux épaules de certains vieux Malgaches- dans les campagnes- qui gardent, en outre, le chapeau de paille de riz ». Moins de lamba aussi chez les femmes, moins de nattes savamment réalisées car elles sont aussi décoratives pour les cheveux, et moins de jolies ombrelles qui vont de pair avec le lamba. Il est aussi bon de préciser que le lamba est l'accompagnement important dans la tenue traditionnelle malgache car elle a une signification qui est son langage. « Cette étole de toile ou de soie, le plus souvent blanc, quelquefois de couleur mastic, est portée différemment selon les circonstances. »

Le petit nombre de femmes, surtout en ville, qui continuent d'en porter, en est fier, car cette belle écharpe n'est pas uniquement une mode ancestrale. C'est, pour la femme malgache, un joyau qui souligne sa personnalité. Dans la joie, par coquetterie, la jeune femme drape son lamba sur elle, avec une certaine majesté, en découvrant, de manière ostensible, l'une de ses épaules ou même les deux. Elle s'en enveloppe la tête pour se protéger du soleil, s'en recouvre si elle a froid, s'en entoure les reins lorsqu'elle est fatiguée, ou pour travailler, ou pour danser, s'en libère lorsqu'elle est fâchée. Le lamba sert aussi de porte-bébé pour la jeune maman. Dans le deuil, en signe de tristesse, le lamba recouvre complètement les épaules et l'un des pans, se glisse sous le bras. Enfin, le lamba est aussi utilisé comme linceul.

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