Sénégal: Khaled Aref, ambassadeur de la République arabe d'Egypte - « Le secteur ferroviaire est une bonne source de partenariat entre Dakar et Le Caire »

30 Août 2023
interview

Khaled Aref est au Sénégal depuis un peu plus de six mois en tant qu'ambassadeur de la République arabe d'Egypte. Dans cet entretien avec lesoleil.sn, il revient sur les relations entre Dakar et Le Caire mais aussi sur son expérience au pays de la téranga.

Son excellence, vous êtes au Sénégal depuis six mois. Qu'est-ce qui retient le plus votre attention ?

Le Sénégal nous a réservé à moi et à ma famille un accueil chaleureux. Nous avons été témoin de l'hospitalité conviviale du peuple sénégalais et de sa Teranga unique. En tant qu'ambassadeur, je suis profondément reconnaissant d'avoir eu l'opportunité de représenter l'Egypte dans votre magnifique pays riche de la diversité de ses cultures et de ses habitants, riche de la beauté de ses paysages, mais surtout riche de la paix, de la sécurité et de la stabilité que vous avez su maintenir depuis l'indépendance, ce qui en fait un modèle.

Je suis particulièrement fasciné par cette jeunesse très active. Passer par la corniche et voir autant de jeunes au sport et dans bien d'autres domaines.

Ce qui m'a le plus marqué dans le pays de la Teranga, c'est sa jeunesse vibrante. Je suis convaincu que cette jeunesse dont j'admire au quotidien les pratiques sportives, cette jeunesse qui, comme la jeunesse égyptienne, se démarque par une persévérance sans faille au travail et aux études. Elle est à la fois une preuve faite au monde que l'esprit saint est bien dans le corps saint et, surtout, le plus grand trésor de son pays. C'est grâce à cette jeunesse remarquable que le Sénégal continuera à briller.

Nous pouvons travailler à plus de brassage entre les jeunesses égyptienne et sénégalaise. Je souhaiterai un jour une marque du Sénégal envers l'Egypte comme il en existe à travers l'université Senghor sise à Alexandrie.

A combien estimez-vous la présence des Egyptiens au Sénégal et dans quel secteur sont-ils plus présents ?

Au Sénégal, il y a 500 Égyptiens. Ils sont dans beaucoup de secteurs comme la technologie, la communication, la pêche, le bâtiment...

D'ailleurs, Impack Safa group a ouvert sa nouvelle usine dans la zone industrielle de Diamniadio fin octobre 2022. L'investissement égyptien est parfaitement en harmonie avec la stratégie d'industrialisation du Sénégal 2021-2035, conformément à l'axe premier du Plan Sénégal Emergent (PSE), dédié à la transformation structurelle de l'économie, qui porte sur le développement des industries à forte intensité technologique et d'innovation. Cette usine offre des opportunités de travail aux jeunes en particulier.

Dans quels domaines y a-t-il plus de partenariats entre les deux pays ?

La coopération agricole est en bonne voie. Le Sénégal a décidé d'acheter les semences de blé égyptiennes pour la campagne prochaine. Nous avons aussi développé une coopération dans le secteur de l'aquaculture.

Mais nous pensons à d'autres secteurs qui peuvent profiter aux deux pays.

Il y a des opportunités d'étude pour les étudiants même s'ils ne sont pas arabophones.

Il existe plusieurs filières francophones d'excellence en Égypte, qui sont le fruit de la solide coopération académique entre l'Égypte et les pays membres de la Francophonie. Des programmes en langue française peuvent être suivis aux universités égyptiennes dans les domaines de droit, d'économie, de sciences politiques, de commerce, de gestion, d'ingénierie, d'architecture et de langues. Les diplômes obtenus sont reconnus par les universités en partenariat. Parmi les établissements qui proposent ces filières, il y a l'Université Française d'Égypte (UFE) qui propose un enseignement en 3 langues (français, arabe, anglais) et délivre des doubles diplômes français-égyptien, du fait des nombreux partenariats avec diverses universités françaises.

Les universités françaises (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et IAE de Poitiers) possèdent notamment des filières délocalisées à l'Université du Caire.

L'école française ESLCSA possède ainsi depuis 1998 une succursale en Égypte qui accueille 1 500 étudiants en programme MBA et l'école de commerce IPAG prévoit par exemple d'ouvrir une succursale au Caire d'ici 2024 pouvant accueillir quelque 1 000 étudiants en licence et en master au Caire.

Vous avez avancé un modèle de coopération sur le plan de l'enseignement. Quels peuvent être les domaines de coopération à l'avenir ?

Le secteur ferroviaire est une bonne source de partenariat. Le réseau ferroviaire égyptien qui s'étend sur 5500 kilomètres est le plus ancien du continent africain et le 3ème plus vaste du Moyen-Orient. Orienté vers le transport de passagers, le train a toujours été un moyen de transport bon marché, les trains de marchandises ne représentant que 4% du trafic ferroviaire. Le réseau est en cours de modernisation et d'extension, avec des projets de rénovation des infrastructures, d'installation de systèmes de signalisation et de protection automatique des trains, et d'acquisition de nouveau matériel roulant.

L'Egypte développe actuellement des lignes à grande vitesse entre la mer Rouge et la mer Méditerranée, 2 000 km de LGV sont en train d'être construites avec Siemens.

Afin de moderniser leur parc de voitures voyageurs, les chemins de fer égyptiens avaient commandé 1300 nouvelles voitures à Transmashholding, 13 rames Talgo en cours de livraison, de plus des 100 locomotives fabriquées par General Electric et 1300 wagons en Hongrie.

Même la cinématographie peut être un excellent domaine.

De ce que nous avons constaté, l'industrie pharmaceutique égyptienne est très développée. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

En avril 2021, le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a inauguré « Gypto Pharma City », un projet de ville pharmaceutique débuté il y a sept ans. Il s'agit de la plus grande ville pharmaceutique du Moyen-Orient, avec une superficie de 180 000 mètres carrés. Gypto Pharma est divisée en deux « très grandes » usines, qui comprennent « vingt lignes de production » où sont fabriqués et mis en emballage tous les produits pharmaceutiques comme les comprimés, les capsules, les effervescents et sirops pharmaceutiques, les crèmes, les ampoules, les flacons, les solutions, les médicaments ophtalmiques et anesthésiques, etc.

L'Egypte est le plus grand producteur et consommateur de produits pharmaceutiques au Moyen- Orient et en Afrique du Nord. L'industrie pharmaceutique qui bénéficie du soutien continu du Gouvernement égyptien, forme un secteur important produisant 97 % des besoins en médicaments de la population égyptienne.

De grandes entreprises égyptiennes souhaitent investir au Sénégal, et à cet effet, les responsables de l'industrie pharmaceutique du Sénégal ont été invités du 5 au 7 juin 2023 au deuxème Salon Africa Health ExCon. Durant ce rendez-vous incontournable du secteur de la santé du continent africain, 28 conférences et ateliers thématiques se sont tenus afin d'explorer les opportunités dans ce secteur stratégique.

Dans certains pays maghrébins, les subsahariens ne sont pas bien accueillis. Est-ce le cas en Egypte ?

Vous savez 9% de la population égyptienne sont des immigrants. L'Egypte compte 105 millions d'habitants. Le pays a accueilli plus de 200 mille soudanais depuis le déclenchement de la crise au Soudan en avril dernier.

L'Egypte accueille des demandeurs d'asile et des réfugiés de 56 pays, principalement de Syrie, du Soudan, du Soudan du Sud, d'Erythrée, d'Ethiopie, du Yémen et de Somalie. Elle a toujours ouvert ses portes aux migrants et aux réfugiés qui ont quitté leurs foyers et leurs familles à la recherche d'une vie meilleure. Elle s'efforce de leur offrir une vie décente. Les réfugiés sont traités, en effet, sur un pied d'égalité avec les citoyens égyptiens. L'Egypte a joué un grand rôle dans la rédaction de la Convention de 1951 sur les réfugiés, qu'elle a signée le 22 mai 1981, et elle est le seul pays africain à avoir contribué à sa rédaction.

La Constitution égyptienne mentionne explicitement le respect et la protection des droits des réfugiés. Le gouvernement égyptien suit une politique d'intégration des réfugiés au sein de la société et rejette l'idée d'établir des camps isolés ou des camps de réfugiés éloignés de la société, comme c'est le cas dans d'autres pays. Les réfugiés bénéficient des services de santé, d'éducation et d'emploi. L'Egypte a pris un certain nombre de mesures qui assurent aux réfugiés présents sur son sol une protection et des services complets sans discrimination entre eux et les citoyens égyptiens. A titre d'exemple, le ministère de l'Education a autorisé les réfugiés et les demandeurs d'asile en Egypte à inscrire leurs enfants dans l'enseignement public. Les étudiants de Syrie, du Yémen, du Soudan et du Soudan du Sud ont donc accès à l'éducation sur un pied d'égalité avec les Egyptiens.

En outre, le gouvernement a inclus les réfugiés et les demandeurs d'asile dans le plan national de réponse au Covid-19, ainsi que dans les plans de soins de santé et de vaccination, toujours sur un pied d'égalité avec les Egyptiens. Les réfugiés sont également inclus dans les initiatives nationales de santé, telles la campagne 100 Millions de santé, qui vise à éradiquer l'hépatite C, ainsi que les campagnes nationales de lutte contre la poliomyélite et la campagne de détection précoce de la surdité.

Pouvez-vous nous parler de la « Nouvelle Capitale » égyptienne ?

La « Nouvelle Capitale » commence à prendre vie. Plusieurs institutions gouvernementales y ont été transférées, et a commencé à accueillir des milliers d'employés. L'ensemble des ministères s'y installe, et à terme les ambassades étrangères. Elle abrite de nombreux bâtiments pharaoniques, comme « L'Iconic Tower », la plus haute tour d'Afrique ; la mosquée Al-Fattah Al-Alim, l'une des plus grandes du monde arabe et du Moyen-Orient ; la cathédrale de la Nativité la plus grande cathédrale du Moyen Orient ... La Nouvelle capitale, vitrine de la « Nouvelle République » qui vise à moderniser l'Egypte, désengorge Le Caire, en proie à une expansion démographique sans précédent. La population du Caire est estimée à 23 millions de personnes.

Ce projet prévoit le développement de plusieurs dizaines de cités de « quatrième génération », qui se veulent « intelligentes et durables », telles que New Mansoura, inaugurée en décembre 2022.

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