Madagascar: Tradition - Le « Famerenan-kasina », la remise en ordre entre les cieux et les hommes

A Tamatave les 25 et 26 août, les sommités locales de la tradition ancestrale malgache se sont réunies car le temps était aux urgences. Le « Famerenan-kasina », en traduction libre re-sacralisation, a été effectué.

« C'était du temps des monarques que ce "joro" a été effectué pour la dernière fois », rappelle Sylvio Christian. Un des organisateurs de la cérémonie de « re-sacralisation » le 26 août en bord de mer à Tamatave dans le quartier d'Analakininina non loin de la circonscription de la gendarmerie. Cette année, les trois mois de grandes vacances ont été particulièrement funestes surtout à l'encontre des jeunes villégiateurs. Parfois trop téméraires face à la mer du Grand Port. Les décès se seraient accumulés jusqu'à alerter les gardiens de la tradition. Deux jours de rituels ont donc été nécessaires.

« Le vendredi, il y a eu le "Tsimandrimandry". L'occasion pour questionner Dieu et les ancêtres si c'est convenable ou pas d'effectuer la re-sacralisation », ajoute Sylvio Christian. Pour valider la réponse, « un devin descendant du fameux Lemazava intime à un zébu de se coucher, sans le toucher mais uniquement par sa voix », selon toujours le membre de l'organisation. Si l'animal obéit, c'est déjà un premier élément de réponse. Ensuite, l'augure pose son front sur celui du zébu. « D'un coup, ce dernier se remet sur ses pattes. Cela veut dire que Dieu et les ancêtres sont d'accord pour que le rituel se fasse ». A rendre jaloux un dresseur de cirque. Le descendant de Lemazava est un héritier de l'histoire.

Son arrière-grand-père a fourni les amulettes « anti-balles » renforcées par les cris « Rano ! rano ! », aux patriotes et combattants de la liberté en 1947. Il habite un repère mystérieux dénommé Ambatonakoho, joignable à pied depuis la RN5. Matinée du 26 août, une assemblée se dirige vers le quartier d'Analakininina. « Le lieu précis pour effectuer le rituel a été divulgué par un songe », poursuit Sylvio Christian. Tout le monde s'habille de rouge, seul moment avec le « fidiovana », purification en français, où cette couleur est autorisée. Pour la baignade en mer au quotidien, le rouge, en simple short ou en bikini, tout comme la consommation de bouc, de cochon et d'alcool sont tabous. Au risque de froisser les ancêtres voire en plus haut lieu.

Et leur colère serait souvent expéditive. « Il y a eu trop de drames que ce soit sur les routes, en mer, en eau douce. Il faut purifier. Le comble c'est que les punitions sont maintenant collectives, elles ne sont plus dirigées vers l'individu qui a bafoué le tabou. Des innocents en sont victimes », soutient Sylvio Christian. Les objectifs sont donc multiples. En premier lieu, amadouer les puissances des cieux pour qu'ils empêchent d'abord les gens, surtout malintentionnés, de commettre les actes irréfléchis. Sans passer par les châtiments.

Dans le cas extrême, les diriger uniquement sur celui ou celle qui les commet. Pour marquer l'accomplissement du rituel, un pieu surmonté de l'ossement crânien du zébu est érigé sur le site. Une tradition noeud de la « civilisation mégalithique » de Sumatra, par le rituel marin entre autres. Bantoue d'Afrique par le culte des ancêtres. Arabisée ou islamisée par les interdictions. La liste est non-exhaustive. Universelle et actualisée par la purification et la préservation du vivant. Tout est alors remis en ordre entre Dieu, les ancêtres et les hommes pour ces gardiens de la tradition.

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