Au Mali, Cheick Mohamed Chérif Koné a été radié mardi 29 aout de l'ordre des magistrats. La décision, confirmée à RFI par son avocat, a été prise par le Conseil supérieur de la magistrature, dans le cadre d'une procédure disciplinaire initiée par le ministre de la Justice du gouvernement de transition. En cause, il y a les prises de position politiques du magistrat opposé aux autorités de transition. La défense s'indigne d'un procès qu'elle qualifie de « politique ».
Il avait déjà été démis de ses fonctions de Premier avocat à la Cour suprême du Mali. C'était en septembre 2021, Cheick Mohamed Chérif Koné dénonçait alors la procédure visant l'ex-Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga, mort en détention quelques mois plus tard. À la tête de deux organisations professionnelles, l'Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) et la Référence syndicale des magistrats (Refsyma), Cheick Mohamed Chérif Koné prend régulièrement la parole pour critiquer la manipulation de la justice malienne, selon lui, par les autorités de transition.
« Opposition à l'autorité légitime »
Ses propos se font plus virulents encore lorsqu'il devient coordinateur général de l'Appel du 20 février 2023, une plateforme d'opposition qui rassemble des mouvements politiques et de la société civile. Dans ce cadre, Cheick Mohamed Chérif Koné bataille notamment contre le projet de nouvelle Constitution voulu par les autorités de transition. En avril dernier, le ministre de la Justice Mahamadou Kassogué ordonne à la justice malienne d'ouvrir une enquête sur son cas et celui de deux autres magistrats pour « opposition à l'autorité légitime ». Le ministre estime que leurs « sorties médiatiques intempestives » sont incompatibles avec leur statut de magistrat et constituent des « fautes professionnelles, disciplinaires ou pénales ».
Une opinion qu'a donc partagé le Conseil supérieur de la magistrature, en décidant de radier Cheick Mohamed Chérif Koné. Pour ses propos, mais aussi pour avoir rencontré des personnalités politiques engagées pour la défense de la démocratie et le retour à l'ordre constitutionnel au Mali.
L'avocat de Cheick Mohamed Chérif Koné, maître Kassoum Tapo, dénonce de nombreuses irrégularités de procédure, liées à la composition du conseil de discipline et à son incompétence, selon l'avocat, pour juger Cheick Mohamed Chérif Koné qui n'avait aucune affectation au moment des faits lui étant reprochés, ou encore à des dispositions contenues dans la nouvelle Constitution promulguée en juillet dernier et rendant caduques d'anciens textes, à commencer par la Charte de transition. Des irrégularités que la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature a refusé de prendre en compte, passant directement au jugement de fonds sans permettre à la défense de faire appel de ce refus.
« Procès politique »
Mais c'est surtout le fond de cette décision perçue comme « préméditée » qui soulève la colère de la Défense. « Le statut de magistrat interdit à mon client d'être membre d'un parti politique ou de collecter des fonds pour un parti politique, mais il ne lui impose pas de vivre en dehors de la société sans exprimer de convictions ! », affirme Maître Kassoum Tapo.
Se disant « indigné », mais « pas étonné » par ce qu'il qualifie de « procès politique », l'avocat de Cheick Mohamed Chérif Koné annonce qu'il déposera un recours devant la Cour suprême du Mali, et qu'il envisage même de saisir la Cour africaine des droits de l'homme et la Cour de justice de la Cédéao.
Un autre magistrat, Dramane Diarra, également membre de l'Appel du 20 février, devrait à son tour être convoqué prochainement par le conseil de discipline du CSM. Aucune date n'a été fixée à ce stade.