Gabon: Coup d'Etat ou simple révolution de palais ?

analyse

C'est un véritable séisme politique qui a frappé le 30 août 2023 le Gabon.

En effet, excepté la brève interruption du pouvoir du premier président Léon Mba, entre le 17 et le 20 février 1964, par un groupe de militaires, rapidement renvoyés dans leurs casernes par les parachutistes français, le pays n'avait jamais connu de coup d'Etat. L'exception gabonaise aura maintenant vécu.

Ali Bongo Ondimba, qui a hérité du fauteuil présidentiel au décès de son père en 2009, venait d'être réélu pour un troisième mandat de sept ans, selon les résultats du Centre gabonais des élections avec 64,27 % des voix contre 30, 77% pour son adversaire, Albert Ondo Ossa. Il n'aura pas eu le temps de savourer un instant sa victoire.

Tout juste après l'annonce de ces résultats, un groupe d'officiers est apparu sur les écrans de la chaîne Gabon 24, logée même au sein de la présidence, pour annoncer la prise du pouvoir.

Comme au Niger récemment, c'est l'unité chargée de la protection du chef de l'Etat, en l'occurrence la Garde républicaine, qui est à la manoeuvre.

Raisons invoquées par le Comité pour la Transition et la restauration des institutions (CTRI), le nouvel organe suprême du pays : « les résultats truqués des élections du 26 août dernier et une gouvernance imprévisible qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays vers le chaos ».

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Cette annonce a été suivie de scènes de liesse dans les rues de Libreville, les Gabonais célébrant la fin du si long règne de la dynastie Bongo qui a régné sur le pays pendant 56 ans.

Faut-il pour autant chanter le requiem du clan Bongo qui contrôle tous les rouages, aussi bien de l'administration, de l'armée que de l'économie gabonaise ? Difficile d'y répondre pour le moment, d'autant plus que celui qui a été désigné pour conduire la Transition est un pur produit du système.

En effet, le général Brice Oligui Nguema, lui-même fils d'un officier de l'armée gabonaise, a été l'aide de camp de Omar Bongo avant de servir sous les 14 ans de présidence du fils, notamment en tant qu'attaché militaire au Maroc et aux Etats-Unis, chef de la Direction générale des services spéciaux (DGSS), les renseignements de la Garde républicaine en 2019, avant d'en prendre la tête une année plus tard.

Celui qui serait un cousin du président déchu et originaire comme lui du Haut-Ogooué, le fief des Bongo, était considéré comme le gardien du temple avec tout ce que cela procure comme avantages matériels et influence politique et militaire.

Au regard de son pedigree, de son parcours et même de la fortune qu'il se serait constitué sous l'ombre de celui qu'il vient de destituer, voudra-t-il ou pourra-t-il déconstruire un système dont il a été l'un des principaux acteurs et bénéficiaires. Autrement dit, assiste-t-on depuis hier à vrai coup d'Etat ou à une simple révolution de palais ? La question reste entière pour le moment.

En attendant de savoir quelle direction va prendre cette Transition politique, de nombreuses voix au sein de la communauté internationale, comme il est de coutume, ont condamné cette interruption de l'ordre constitutionnel. C'est le cas notamment de l'Union africaine (UA) ; du Commonwealth, organisation regroupant les anciennes colonies britanniques mais dont le Gabon est membre depuis une année, de la Russie ; de la Chine ; de la France, pays avec lequel Ali Bongo avait semble-t-il pris ses distances depuis son arrivée au pouvoir.

Jusqu'au moment où nous tracions ces lignes, la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) ne s'était toujours pas prononcée, elle qui est en droit de craindre que les secousses du séisme gabonais n'emportent d'autres dirigeants dans la région.

A l'intérieur du pays, c'était également le silence radio aussi bien des politiques que de la société civile. Toute chose qui ne devrait pas perdurer avec l'annonce de l'instauration d'une Transition. Certains partisans de Alternance 2023, la coalition de l'opposition qui a porté la candidature d'Albert Ondo Ossa, pourraient estimer que dans la mesure où les militaires ont justifié leur coup de force par le trucage des résultats de la présidentielle, la logique voudrait que la Grande muette rétablisse la vérité des urnes en remettant à leur champion sa victoire. A tout le moins, les militaires pourraient convoquer les Gabonais à un nouveau scrutin dans les meilleurs délais.

Brice Oligui Nguéma et ses hommes l'entendront-il de cette oreille ? Réponse dans les semaines ou jours à venir.

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