Au Sénégal, les drames de pirogues clandestines en route vers les îles espagnoles des Canaries se multiplient. Certains candidats à l'exil sont rapatriés par les autorités sénégalaises mais d'autres décèdent en mer ou sont portés disparus. Mercredi, à l'occasion de la journée internationale des personnes disparues, les associations sénégalaises de migrants se sont regroupées pour demander un accompagnement de l'État.
Quand elle entend qu'une nouvelle pirogue est partie et que ses passagers ne donnent plus signe de vie, Yay Diouf, porte-parole des associations des familles de migrants disparus, ne peut s'empêcher de penser à la disparition de son fils, parti clandestinement en 2007 pour les îles Canaries... « Nous sommes dans le besoin de connaitre le sort de nos familles. Il faut que l'État s'implique davantage dans la recherche des personnes disparues. Et même sur le plan international, parce que parfois nos familles disparaissent dans des eaux frontalières avec notre pays. »
Appui juridique pour régler les questions d'héritage et les déclarations d'absence, soutien socio-économique destiné aux femmes et aux enfants. En partenariat avec le Comité international de la Croix-Rouge à Dakar et la Croix rouge sénégalaise, les associations essaient d'aider les familles.
Ngary Diop, à Thiaroye-sur-Mer en banlieue dakaroise, a été formé à l'accompagnement psychologique : « La majeure partie des mamans avait des problèmes. Comment peuvent-elles dégager ce qui se trouve en elle ? Lorsqu'on a créé cette association, on se rencontrait hebdomadairement. Maintenant, on a remonté le moral. »
600 familles ont été accompagnées à travers quatre départements du Sénégal depuis 2015, selon Simona Ferrara, coordinatrice protection du CICR. « Malheureusement, jusqu'à présent, on continue à avoir des pirogues qui coulent, et cela génère de l'incertitude, des douleurs et des besoins auxquels ni nous seuls, ni les familles seules ne peuvent répondre. Il faut que l'État, les autorités s'approprient ce besoin et les aident à les résoudre eux-mêmes. »
Au premier semestre 2023, 778 migrants ont perdu la vie sur la route des îles Canaries selon l'ONG Caminando Fronteras.
∎ La gestion globale de la crise migratoire en discussion
L'Union africaine et la Croix-Rouge internationale ont organisé un dialogue de haut niveau sur les migrants portés disparus. Représentants d'États membres et ONG étaient présents pour aborder pour améliorer les politiques et actions à mener en la matière.
En dix ans plus de 40 000 personnes sont mortes sur les routes migratoires en Afrique. Mais les chiffres réels supposés sont beaucoup plus élevés. Pas de données précises car cette tragédie humanitaire est très peu documentée et longtemps négligée. Laissant les familles dans la douleur, sans nouvelle de leurs proches. L'Union africaine a pointé la responsabilité des pays de transit.
« On doit mettre en place des systèmes pour permettre aux migrants qu'ils soient bien informés et enregistrés, qu'ils aient des moyens de communication avec leur famille et que la détention ne soit pas le premier recours des autorités », plaide Bruce Mokaya, chef de la délégation de la croix rouge auprès de l'Union Africaine.
La journée a été l'occasion d'aborder les initiatives des pays membres pour prévenir les départs clandestins, à l'image de l'Éthiopie qui renforce l'immigration légale. « Rien que cette année, plus de 100 000 travailleurs ont été affectés dans différents pays sur la base d'accords de travail bilatéraux. »
Les participants ont rappelé qu'il fallait s'attaquer aux racines d'une crise globale. Les conflits, le chômage et le réchauffement climatique sont les principales causes de l'immigration.