Réuni mercredi pour examiner deux projets de résolution relatifs au renouvellement du régime de sanctions applicables au Mali, le Conseil de sécurité n'est pas parvenu à trouver un terrain d'entente, en dépit de consultations en cours de séance. Les deux textes ont été rejetés, le premier en raison du veto russe, le second par manque de voix suffisantes.
Le projet de résolution présenté par la France et les Émirats arabes unis proposait de reconduire pour un an, jusqu'au 31 août 2024, les sanctions prévues par la résolution 2374 (2017), en particulier les interdictions de voyager et le gel des avoirs, et de proroger jusqu'au 30 septembre 2024 le mandat du Groupe d'experts chargé de surveiller la mise en oeuvre de ces mesures.
Ce même projet de résolution proposait également au Conseil de réexaminer le mandat du Groupe d'experts et de se prononcer, le 31 août 2024 au plus tard, sur une nouvelle prorogation. Il ajoutait que le Conseil se tiendrait prêt à reconsidérer le maintien des mesures énoncées dans la résolution 2374 (2017), « y compris la modification, la suspension ou la levée de ces mesures, selon qu'il conviendra à tout moment ».
Le texte concurrent, soumis par la Fédération de Russie, proposait également de reconduire jusqu'au 31 août 2024 les sanctions concernant le Mali, mais « pour une dernière période de 12 mois ». Il appelait d'autre part à dissoudre, « avec effet immédiat », le Groupe d'experts créé par la résolution 2374 (2017).
Séance houleuse
En ouverture de cette séance houleuse, une bataille de procédure a opposé le représentant de la Fédération de Russie à son homologue des États-Unis, en sa qualité de Président du Conseil ce mois-ci. Le premier réclamait la tenue de consultations pour « progresser sur la question à l'ordre du jour », tandis que le second entendait passer directement à la mise aux voix du projet de résolution franco-émirien. À l'issue d'un long échange, au cours duquel la Chine et le Mozambique, au nom des A3, ont pris position en faveur de la Fédération de Russie, la séance a été suspendue pour permettre des consultations.
Après cette suspension, le texte franco-émirien a été mis aux voix et rejeté par une voix contre, celle de la Fédération de Russie, une abstention -Chine- et 13 voix pour. Le projet de résolution russe a ensuite été rejeté à son tour, ne recueillant qu'une voix favorable, celle de la Fédération de Russie, une contre -Japon- et 13 abstentions.
Les Émirats arabes unis et la France, porte-plumes pour le premier texte, ont regretté l'issue de ce vote, rappelant les efforts déployés au cours des négociations pour parvenir à un texte équilibré. En présentant ce projet, nous nous sommes concentrés sur la demande du Mali, a fait valoir la délégation émirienne, pour qui les préoccupations de Bamako avaient été prises en compte, permettant de revoir à tout moment les sanctions en vigueur. La France s'est pour sa part félicitée du soutien unanime des membres africains du Conseil, avant de reprocher à la Fédération de Russie d'avoir présenté un projet de résolution qui n'avait pas fait l'objet de discussions préalables, « sur un sujet aussi important et à un moment aussi critique pour le Mali », alors que s'en retire la MINUSMA.
Groupe d'experts
La Fédération de Russie a justifié son recours au veto en estimant au contraire que le projet de résolution franco-émirien ne tenait pas compte des préoccupations du Mali. Elle a en revanche avancé que son propre texte proposait de maintenir le régime de sanctions pendant un an pour « essayer de profiter de son potentiel » et ainsi mieux mettre en oeuvre l'accord de paix de 2015. « Mais il faut que les sanctions servent à répondre à cette problématique plutôt que d'être instrumentalisées en outil de pression extérieure », a-t-elle ajouté, jugeant d'autre part que le potentiel du Groupe d'experts était « épuisé depuis longtemps » et qu'il était temps de mettre fin à ses activités.
À l'opposé, les États-Unis ont déclaré voir dans le Groupe d'experts une « source essentielle d'informations sur le Mali » et le seul mécanisme onusien en mesure de surveiller la situation des droits humains dans ce pays et de faire le point sur la mise en oeuvre de l'accord de paix. Selon la délégation américaine, la Fédération de Russie, en tentant de mettre fin au Groupe d'experts, cherchait à éviter la publication d'informations « inconfortables » sur les agissements du groupe Wagner au Mali.
À l'instar des États-Unis, le Royaume-Uni s'est prononcé contre la levée des sanctions, « alors que la situation sécuritaire au Mali se dégrade », tandis que la Chine considérait que ces mesures « ne constituent pas une fin en soi » et que le Conseil de sécurité ne devrait pas y recourir indéfiniment sans tenir compte de la situation des pays concernés. Et la délégation chinoise de rappeler que les sanctions ont été imposées en 2017 à la demande du gouvernement malien afin d'appuyer la mise en oeuvre du cessez-le-feu et de l'accord de paix.
Par la voix du Mozambique, les A3 ont quant à eux regretté qu'il n'ait pas été possible de proroger le régime de sanctions « contre ceux qui font obstruction à la mise en oeuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ». Avec le retrait de la MINUSMA, maintenir ces mesures aurait aidé à en atténuer les effets négatifs, ont-ils souligné, rejoints sur ce point par l'Albanie et la Suisse.