Instinctivement, Marcelinne affiche un sourire sincère lorsqu'on l'interroge sur son rêve. Pendant une seconde, les mots ne sortent pas de sa bouche, puis elle finit par répondre : médecin. En réalité, une telle réponse n'a pas toujours été aussi évidente.
"À la maison, je lave encore les vêtements de mes frères et soeurs. Une fois dehors, je suis différente. Les garçons m'évitent. Vous savez pourquoi ? Parce que je suis une mécanicienne formée et certifiée. Fille et mécanicienne. Les garçons (et les hommes) ici à Ngungu ne sont manifestement pas prêts à partager leurs jouets avec les filles, mais leur lessive oui".
Marcelinne, et d'autres jeunes adultes de Ngungu, se sentent à l'aise dans le nouveau centre de formation construit par la MONUSCO dans le territoire de Masisi, en soutien au Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (PDDRC-S) du gouvernement congolais au Nord-Kivu.
Le complexe comprend un bloc administratif, une salle polyvalente d'une capacité de 200 personnes, deux dortoirs pour hommes et femmes de 50 lits chacun, une bibliothèque à équiper, une aire de jeux et un bloc sanitaire. Les travaux ont été exécutés en quelques mois en 2022 par un consortium de quatre entreprises congolaises.
Un centre pour changer et transformer
Une vie de paix : voilà ce à quoi Archimède souscrirait immédiatement. Celle qu'il vit est loin de l'idée qu'il s'en faisait lorsqu'il était petit. Il a toujours voulu être vétérinaire, mais aujourd'hui il utilise sa capacité exceptionnelle à assimiler les choses plus rapidement que ses pairs pour apprendre l'art de la pâtisserie.
« Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela n'a pas été de tout repos », déclare Archimède. « Il y a deux ans et demi, je faisais partie d'un groupe armé. Ce n'était pas un choix. J'ai été kidnappé et j'ai passé deux années avec eux. La situation n'était pas facile à l'époque ».
Archimède a recommencé sa vie lorsqu'un jour les forces armées de la RDC ont attaqué le camp du groupe armé et que, dans le chaos, il a réussi à s'échapper. « Lorsque je suis rentré chez moi, ma famille fut la seule à exprimer de la gratitude, du bonheur et de l'amour. Le reste de la communauté m'a mis la pression pour que j'apporte la preuve que je suis revenu tel que j'étais quand je suis parti. Je leur ai donné cette preuve. Je suis allé au centre de Ngungu et je me suis surpassé ».
Malgré l'insécurité qui règne dans territoire de Masisi, l'objectif et l'engagement de Kahindo restent inchangés : jouer un rôle dans la réinsertion des jeunes adultes à risque (mineurs et anciens combattants) en les formant au sein du centre de Ngungu. Le centre est une attrayante alternative à la vie sans but au sein d'un groupe armé.
« Il est difficile de lutter contre la désinformation et les idées reçues », explique Kahindo. « Je suis pédagogue. Je sais quand les jeunes adultes sont sensibles aux idées folles. Grâce à ce centre, nous pouvons canaliser leur énergie dans la bonne direction : leur communauté ».
Elle a souvent pensé à ce que serait sa vie si elle avait suivi sa passion initiale lorsqu'elle était jeune adulte. « Dans la vie, rien n'est joué d'avance. Je voulais être géologue, mais me voilà en train d'aider de jeunes adultes comme Marcelinne et Archimède. Mon environnement, lorsque j'étais jeune, était aussi dangereux et malsain que le leur. Cependant, la voie que j'ai choisie exigeait un certain processus, du temps et de l'énergie. Je l'ai fait et je veux continuer à le faire ».
L'opportunité d'une seconde chance
Les défis auxquels sont confrontés les adolescents comme Marcelinne et Archimède ne sont pas nouveaux pour eux. Ce qui est nouveau, contrairement à ce que d'autres jeunes pourraient manquer, c'est l'opportunité d'une seconde chance. Ici, à Ngungu, elle s'adresse à tous les jeunes adultes qui sont prêts à se relever après avoir été mis à terre de quelque manière que ce soit, prêts à contribuer à leur propre développement et à celui de leur communauté.
« Si je peux convaincre plus de filles à devenir mécaniciennes, ce village sera beaucoup plus prospère », pense Marcelinne. « Peu importe ce qu'en pensent les hommes. La formation que j'ai reçue au centre de formation de Ngungu m'a donné plus d'indépendance et j'aime ça ! ».
"Qu'on ne s'y trompe pas : pour que je reste crédible en tant qu'ancien combattant désireux de participer à la vie de la communauté, je continuerai à travailler, à faire ce que mes parents me demandent et à remercier Dieu de m'avoir sauvé", admet Archimède.
« D'un autre côté, nous disposons de toutes les ressources, tant humaines que matérielles, dont un pays peut rêver. Il est donc temps que nous commencions à les utiliser à bon escient », estime, pour sa part, Kahindo.
Pour préparer aujourd'hui les superstars de demain, il suffit de leur donner un petit coup de pouce. Ou une seconde chance.