«Make noise, make noise » !
Une fois n'est pas coutume et je l'assume malgré l'amertume ; cette chronique a la tentation de se laisser lire en anglais et si j'en avais les mots par-dessus tous nos maux je la rédigerais tout entier avec le sceau de Shakespeare pour dire à quel point je suis peiné et gêné de voir la démocratie agonisée seule sur son grabat africain. Non, on ne peut pas les laisser faire et on ne les laissera certainement pas faire !
On ne doit pas laisser continuer la saignée. Trop c'est trop ! Non cette fois-ci, il faut que l'Union africaine cesse d'être affable dans son étable de confort et tape du poing sur la table pour dire son ire et agir pour le meilleur ou le pire. Il faut que la CEDEAO finisse vite avec les « cerbères » du désert au Niger pour voler au secours du « dernier des Mohicans » du clan des Bongo en plein tonneau dans son propre champ de gombo.
Il faut vite envoyer les troupes bombarder les putschistes et réhabiliter le gagnant président perdant de la troublante élection transparente.
« On gagne ou on gagne », Ali était pourtant bien parti de ce pas pour marcher sur les pas du « baba » Bongo dont le règne démocratique sans partage avait fait d'un fauteuil présidentiel un héritage éternel, transmissible de père en fils. De bond en bond, les Ondimba s'étaient vraiment battus pour leur chose en réussissant à faire des rebonds de mandats présidentiels pendant plus de 55 ans, soit plus d'un demi-siècle dont 42 ans pour le père et 14 ans pour le fils.
Au nom du Père, du fils et de la sainte démocratie, la dynastie des Bongo a réduit le Gabon en tranches de jambon de Paris avec le pari d'une longévité démocratique au pouvoir, mieux qu'à Paris ! Qui a dit que la démocratie avait pour essence l'alternance et la transparence ?
« Make noise, make noise ! », ce n'est pas le titre d'un single de hip-hop même si la ressemblance est troublante. C'est le cri strident de détresse d'un destin décadent longtemps entretenu aux antipodes de son temps. Contrairement à l'essor fulgurant d'une certaine trembleuse, c'est la descente vertigineuse d'un miraculé mal raccommodé qui se joue la sublime victime entre les mains d'un karma implacable.
C'est la dégringolade d'un héritier châtié par les siens et abandonné, seul qui se débat en tendant la main à des amis aussi imprévisibles qu'invisibles. Et comme si la francophonie était devenue une cacophonie, c'est tout désespéré que le champion des lampions de la démocratie forestière peine à pousser un seul pion dans son bastion en agonie. On peut s'arroger les résultats d'une élection et se faire déloger de sa zone de prédilection manu militari sans avoir le courage de se faire harakiri sans le moindre « make noise ».
Le vin semble être tiré jusqu'à la lie et il faut sauver le soldat Ali et le rétablir vite dans ses droits, de gré ou de force ! Il faut vite convoquer une réunion extraordinaire des chefs d'Etat pour activer le plan d'urgence et lancer l'assaut final, « l'opération caméléon » contre les ennemis de la démocratie. Il faut vite « pondre » un impressionnant communiqué de guerre pour faire trembler les épaulettes des usurpateurs et faire plier les bérets des égarés de la République.
C'est inacceptable et inadmissible que le Gabon fasse un bond en arrière dans le cercle vicieux des velléités nauséabondes des démons de la démocratie. Hélas, le Gabon avait le don de l'immortalité démocratique en Afrique et l'alternance avait une consonance clanique. Mais à qui la faute ?
A la dynastie des Bongo ou aux écuries de l'armée du gombo de l'incurie ? Où étaient-elles cette armée qui, depuis plus de 50 ans, a servi de bouclier à la perpétuation de cette « démocratie d'usure », en se laissant biberonner par le système séculaire des dignitaires « faits à base de Bongo » ? Où était la récente version de l'Organisation de l'unité africaine face à la patrimonialisation du pouvoir au Gabon ?
Qu'entend faire l'Union africaine, vautrée dans le fauteuil douillet des condamnations de principe ? Et si la CEDEAO, pour éviter le chaos, pouvait prêter main-forte à l'UA pour une intervention sans délai et sans pitié au Gabon ? Et qu'en est-il de la métropole qui suit avec une attention fébrile ses barils de pétrole à même le sol, son bois dur et ses minerais au rabais ?
Bref, pendant que la CEDEAO et l'UA s'invitent en va-t-en-guerre au Niger, au Gabon, des putschistes semblent se la couler douce sous le regard complaisant d'une communauté internationale très peu loquace. Comme pour dire qu'il y a putsch et Putsch ! Finalement, est-ce qu'il y a eu coup d'Etat au Gabon ?
Qu'à cela ne tienne, est-ce que vous êtes là ! « Make noise », faites du bruit !