Tunisie: Farouk Kamoun, informaticien et universitaire - «L'enjeu serait le financement des chercheurs en informatique»

1 Septembre 2023

Rencontré en marge de la cérémonie d'inauguration du «Hackerspace» de «GoMy Code », le professeur Farouk Kamoun, un des pionniers des sciences informatiques en Tunisie, revient sur les secrets d'une success story qui continue à faire parler d'elle et pointe également, les enjeux futurs pour la formation académique dans ce secteur des TIC.

Dans le domaine des TIC, la Tunisie a réussi à se forger une réputation d'une véritable fabrique d'ingénieurs. D'ailleurs, c'est là où puisent les grandes entreprises technologiques européennes pour muscler leurs effectifs, et c'est dans ce petit pays d'Afrique du Nord, que les ingénieurs IT font le bonheur des chasseurs de tête.

En effet, cette prouesse est le fruit d'un travail de longue haleine auquel se sont adonnés les pères fondateurs de la filière. Rencontré en marge de la cérémonie d'inauguration du «Hackerspace» de «GoMy Code», le professeur Farouk Kamoun, un des pionniers des sciences informatiques en Tunisie, revient sur les secrets d'une «success story» qui continue à faire parler d'elle et pointe également les enjeux futurs pour la formation académique dans ce secteur.

Pr Kamoun explique, à cet égard, que l'expérience tunisienne dans le domaine de l'informatique remonte aux années 70, lorsque «ce nouveau phénomène » commençait à faire son entrée dans l'administration avec l'arrivée de l'ordinateur.

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Démocratisation de l'informatique

«Au début des années 70, l'informatique commençait à faire son entrée dans l'administration. A ce moment-là, le gouvernement tunisien a décidé de créer une commission nationale de l'informatique. C'était le premier jalon vers la mise en place d'une politique informatique en Tunisie. La commission nationale a été créée en 1974. Cela fait, en somme, 50 ans de travail dans le domaine de l'informatique», a-t-il souligné dans une déclaration à La Presse.

Cette commission qui regroupait, alors, des compétences tunisiennes ainsi que des représentants de l'administration et des secteurs public et privé a lancé le Centre national de l'informatique et, depuis, l'informatique n'a cessé de se faufiler dans tous les domaines.

Avec la création du département informatique au sein de la faculté des sciences de Tunis (FST) et l'élaboration du premier plan national de l'Informatique en 1983, la politique informatique commençait à se développer pour être, par la suite, une partie intégrante du plan de développement quinquennal. Bon an mal an, cette stratégie a permis d'intégrer l'informatique dans tous les domaines, y compris la formation et l'enseignement de base.

Mais ce n'est qu'au début des années 2000, qu'il y a eu un saut en avant dans le secteur, avec la démocratisation de l'informatique en Tunisie.

«Le plus gros de la stratégie en matière de formation, c'était au début des années 2000. C'est le passage à l'an 2000 qui a créé une prise de conscience importante. Un plan stratégique basé sur ce qui a été réalisé au niveau de la formation a été mis en place. Beaucoup d'institutions ont été créées telles que, l'Isie, l'Isamm et les écoles d'ingénieurs ont ouvert leurs propres départements informatiques.

A l'époque, on avait projeté qu'au bout de 10 à 15 ans, 15% des étudiants seront des diplômés de la filière informatique. Ce qui est assez exceptionnel, je ne pense pas qu'on pourrait trouver ce ratio ailleurs dans le monde. [...] Il y a aussi un travail important qui a été fait au niveau de la formation des formateurs, et ce, outre la mise en place de l'école doctorale qui a formé beaucoup de docteurs de haut niveau», a-t-il ajouté.

Fuite des compétences

Par ailleurs, Pr Kamoun a indiqué qu'il est aujourd'hui impératif de renforcer cette dynamique, surtout avec l'accentuation du phénomène de la fuite des compétences qui sévit dans le secteur. «Il y a beaucoup d'enseignants universitaires qui ont décidé de s'installer dans les pays du Golfe. Avant, une partie des ingénieurs poursuivait leurs parcours académiques en se consacrant à la recherche scientifique mais aujourd'hui, ce sont les entreprises qui attirent le plus les ingénieurs, ce qui fait que la population des chercheurs s'est beaucoup réduite.

De surcroît, il y a moins de financement pour les chercheurs. Aujourd'hui, tout l'enjeu consiste à financer les jeunes chercheurs pour qu'ils restent en Tunisie et choisissent de faire carrière dans l'enseignement supérieur et la recherche scientifique», a-t-il conclu.

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