Contrairement à ce qui s'était passé au Niger, il y a quelques semaines, où la France a été prise de court, au Gabon, les Services français avaient, depuis longtemps, connaissance d'un possible projet insurrectionnel de l'armée gabonaise en cas de fraude gouvernementale aux élections du 26 août 2023.
Selon des sources crédibles, les autorités françaises avaient discrètement dépêché à Libreville plusieurs délégations pour exhorter le Président Ali Bongo à organiser des élections réellement transparentes et crédibles afin d'éviter un soulèvement. Mais l'entourage proche du président gabonais, qui jouit d'une forte influence sur lui, ne croyaient pas à cette éventualité et ne se montrait guère enthousiaste aux suggestions des autorités françaises.
L'opposition ne cessait de dénoncer depuis plusieurs mois les manœuvres du gouvernement qui préfiguraient le tripatouillage électoral, notamment le refus d'accréditation d'observateurs internationaux ou la fin de non-recevoir opposée aux médias internationaux désireux de couvrir le scrutin.
Avec la plate-forme « Alternance 2023 », l'opposition gabonaise était enfin parvenue à se choisir son candidat unique : Albert Ondo Ossa. Se sentant dès lors menacé, le régime Bongo a fini par paniquer et, dans sa fébrilité, il a instauré un couvre-feu dès le lendemain du scrutin, le 27 août, puis coupé le signal Internet ainsi que toutes les communications internationales. Révélant ainsi sa volonté de trafiquer le vote.
La France a alors tenté de dissuader Ali Bongo, qui selon toutes vraisemblances avait perdu l'élection, de procéder à la fraude électorale. Et plus directement, les autorités françaises lui avait demandé de transférer pacifiquement le pouvoir. Devant l'entêtement d'Ali Bongo à vouloir passer en force, la France s'est alors lavé les mains et a fermé les yeux. Les putschistes ont pu mener à exécution leur projet et le président Ali Bongo a été déposé.
Comment peut-on analyser l'attitude de la France dans la crise gabonaise
Il est sans conteste qu'actuellement en Afrique, a déferlé une énorme vague charriant un fort sentiment anti-français, surtout auprès de la jeunesse. La différenciation de traitement par la France des crises et tragédies frappant les pays africains de façon semblable, les interventions ouvertement inégalitaires de la France, condamnant certains États tout en favorisant d'autres États pour les mêmes situations ont fini par créer dans la jeunesse africaine l'impression que la France utilise sa puissance militaire et économique pour asservir l'Afrique et soumettre les dirigeants africains.
Avec l'arrivée de Macron, la jeunesse africaine avait misé beaucoup d'espoir sur ce président jeune, qui n'a ni connu, ni pratiqué la colonisation. Qui est né et qui a grandi avec des Noirs en France.
Sauf que les copains Noirs de Macron, nés en France, ne sont pas des africains. Ce sont des français. Donc Macron ne connaît pas bien ni l'Afrique, ni les africains.
En plus, en matière de politique africaine de la France, Macron a longtemps été conseillé par des personnes nées avant les indépendances africaines, qui continuent a afficher des attitudes paternalistes , condescendantes et infantilisantes à l'égard des africains. Ces conseillers ont pendant longtemps préconisé et fait appliquer par Macron en Afrique les solutions du siècle dernier dont l'assemblage a produit le funeste système « Françafrique » fait de tripatouillages, de manipulations, de mensonges, d'exploitations, de clientélisme, de simulations, de dissimulations, etc....
Alors que, aujourd'hui, avec Internet, les jeunes africains suivent la politique et la vie sociale françaises en temps réel , s'informent en temps réel , connaissent tout en temps réel, découvrent tout en temps réel, apprennent et comprennent tout en temps réel. La mémoire des injustices et des souffrances subies par les africains qui, au siècle dernier , s'étiolait rapidement avant souvent de disparaître, est désormais sans cesse vivifiée et ravivée avec l'avènement des réseaux sociaux.
Cependant, devant ce raz-de-marée anti-français, la France semble s'être ressaisie, avec l'actuelle crise gabonaise.
En effet, par sa conduite neutre ou passive, au choix, la France a permis à l'armée gabonaise de débarrasser le Gabon, et l'Afrique, d'un président qui a tenté de se maintenir au pouvoir par fraude électorale. Cette attitude est à saluer et à mettre au crédit de la France qui, étant donné les liens profonds qu'elle entretient avec la famille et le régime Bongo, n'aurait eu que peu de mal pour contrecarrer les plans des putschistes, avec sa base militaire et ses 1 500 légionnaires présents au Gabon.
Et puis laisser Ali Bongo se maintenir au pouvoir après avoir non seulement triché aux élections, mais surtout fait modifier la constitution de son pays pour s'octroyer un troisième mandat litigieux aurait placé la France nettement en porte-à-faux vis-à-vis des opinions africaines. D'autant que dans ce schéma, les autorités françaises auraient été, in fine, et par réalpolitik, obligées de reconnaître le gouvernement Ali Bongo et son troisième mandat. Ce qui n'aurait fait qu'accroître le déluge anti-français sur le continent.
Maintenant, la jeunesse africaine, bien qu'intimement satisfaite d'avoir été débarrassée d'un dirigeant devenu indésirable avec l'aide de putschistes, scrute la position de la France, attendant d'elle, non sans schizophrénie, la même fermeté que celle affichée envers les putschistes nigériens.
La simple condamnation du coup d'État par la France ne va pas suffire.
Les putschistes gabonais vont probablement simplifier l'équation à la France en restaurant rapidement « l'ordre civil », les raisons de leur action ayant bien été comprises par le peuple gabonais et les objectifs atteints. D'intenses tractations sont en cours, en coulisse, afin que les militaires gabonais ne confisquent pas le pouvoir et rétablissent très bientôt l'ordre constitutionnel, soit en organisant des nouvelles élections, soit en remettant le pouvoir au vrai vainqueur du scrutin du 26 août.
Avec son « action passive » dans les événements actuels du Gabon, la France, qui a bien pris la mesure de l'ampleur du sentiment anti-français à travers le continent, semble vouloir changer de fusil d'épaule et faire inverser la tendance. Ce n'est qu'un début, certes non négligeable, mais elle sera jugée sur le long terme.
Il faudrait faire comprendre que le rejet actuel de la France par la jeunesse africaine n'est que conjoncturel. On ne condamne pas la France de promouvoir et de défendre ses intérêts en Afrique. Mais, on lui reproche de le faire au détriment de l'honneur des africains que, jusqu'ici, elle piétinait allègrement, notamment en leur imposant ouvertement des dirigeants indélicats. Car, pour ces jeunes africains, vivant dans la pauvreté, le dénuement et le désespoir, l'honneur est la seule richesse qu'il leur reste. Et il est non-négociable.
La jeunesse africaine ne déteste pas la France. Loin s'en faut ! Au contraire, les jeunes africains rêvent de France, de Kinshasa à Dakar, en passant par Brazzaville, Yaoundé, Niamey, Bamako, Ouagadougou, Abidjan, Lomé, Cotonou, Conakry. Ils n'hésitent pas à braver la Méditerranée presqu'à la nage, souvent au péril de leur vie, pour tenter de réaliser leur « rêve français ».
Pour inverser durablement la tendance anti-française actuelle sur le continent, il suffirait à la France d'adopter ce simple comportement respectueux des africains dans leur honneur et qui consiste :
- à permettre aux africains de choisir réellement librement leurs propres dirigeants, même si ceux-ci sont pro-français. Je dis bien pro-français.
- à laisser les africains se défaire tout aussi librement de leurs dirigeants devenus indésirables, même si ceux-ci sont pro-français.
Cela paraît tellement facile...