La Malaisie célèbre, aujourd'hui, ses 66 ans d'accession à la souveraineté internationale. Cette ex-colonie britannique a, entre temps, réalisé des performances économiques qui le hissent au rang de pays émergent. Son Ambassadeur à Dakar, Dato' Zainal Izran Zahari, revient sur ce processus et sur les pistes de coopération entre la Malaisie et le Sénégal.
Comment les relations entre la Malaisie et le Sénégal ont-elles évolué au fil des ans et quelles sont les initiatives clés mises en oeuvre pour renforcer davantage ces liens ?
Les deux pays ont établi des liens diplomatiques en 1986 et la Malaisie a ouvert son Ambassade à Dakar en juin 1992, tandis que le Sénégal a ouvert la sienne à Kuala Lumpur en août 2002. Depuis lors, les relations bilatérales ont évolué, de manière exponentielle, dans tous les domaines : coopération politique et économique, y compris le commerce, l'investissement, l'éducation et les programmes de renforcement des capacités. La visite de travail de l'ancien Premier ministre Mahathir Mohammad au Sénégal, en 2019, a également renforcé les relations amicales entre les deux pays.
L'initiative majeure dans nos relations bilatérales avec le Sénégal fut l'envoi de fonctionnaires sénégalais en Malaisie dans le cadre du Programme de coopération technique malaisien (Mtcp). Le Mtcp est une réussite. Des fonctionnaires ont bénéficié de divers cours qui ont été proposés et portant sur la diplomatie, le halal, l'investissement, la banque islamique, la gouvernance et la cybersécurité. Actuellement, nous préparons un programme personnalisé spécialement pour le Sénégal dans les domaines de la diplomatie, de la banque islamique et du halal. En septembre, deux fonctionnaires sénégalais de l'Apix et du Ministère des Affaires étrangères participeront au programme d'investissement en Malaisie. Nous nous engageons à continuer à élargir le Mtcp pour les fonctionnaires sénégalais dans les années à venir.
Y a-t-il des secteurs ou des industries spécifiques qui sont ciblés pour des coentreprises ou des investissements ?
Depuis mon arrivée, j'ai rencontré des Ministres et des chefs d'entreprise pour discuter des possibilités de collaboration économique entre les deux pays. Le total des échanges commerciaux a augmenté l'année dernière, atteignant un nouveau record de 205 millions de dollars, avec une augmentation significative de 32 % du taux de croissance jusqu'en juillet de cette année par rapport à juillet 2022. La majorité de ces échanges concerne l'exportation de produits à base d'huile de palme en provenance de la Malaisie. Il y a une demande intérieure croissante au Sénégal pour notre huile de palme et j'ai l'intention de poursuivre cette dynamique positive. J'invite les hommes d'affaires à collaborer avec l'Ambassade afin d'accroître nos échanges bilatéraux dans un intérêt mutuel.
Nous étudions également la possibilité de développer des plantations de palmier au Sénégal. J'ai discuté de cette question avec les parties prenantes concernées au sein du Gouvernement et du Club des investisseurs sénégalais (Cis). Certaines régions du sud du pays sont très fertiles et propices pour les plantations, et la Malaisie, l'un des plus grands producteurs d'huile de palme au monde, peut apporter, dans la mesure du possible, sa contribution en fournissant la technologie nécessaire au développement de la production et des raffineries.
Que peut apprendre le Sénégal de l'expérience de la Malaisie ?
La Malaisie est passée d'un pays à faible revenu à un pays à revenu moyen supérieur en un temps record. Le Sénégal peut s'inspirer des stratégies de croissance économique de la Malaisie, telles que l'industrialisation, la diversification sectorielle et l'attraction des investissements étrangers. La production et la transformation de l'huile de palme constitueront un des piliers majeurs de la coopération. La Malaisie pourra apporter ses connaissances dans ce domaine et oeuvrer pour que le Sénégal devienne le principal exportateur d'huile de palme de la région ouest-africaine. Notre pays est réputé pour son expertise en tant que centre halal de l'Asean et dans le domaine de la banque islamique. La valeur globale des exportations halal de la Malaisie était de 59,46 milliards de ringgits (monnaie malaisienne) (11 milliards de dollars) en 2022 ; ce qui représente 7,4 % de notre Pib. L'industrie alimentaire halal de la Malaisie (Rm) devrait atteindre 113,2 milliards de dollars (500,17 milliards Rm) d'ici à 2023, soit 8,1 % de notre Pib national.
Le Sénégal, dont la population est majoritairement musulmane, peut bénéficier de l'expertise de la Malaisie en matière de développement et de la promotion de l'industrie halal ainsi que de la banque islamique comme levier de développement économique.
Quelles sont les possibilités d'éducation offertes aux étudiants sénégalais ?
Nos universités sont réputées pour leur qualité d'enseignement et pour leurs diplômes qui sont reconnus à l'échelle internationale. Nous offrons aux étudiants sénégalais diverses possibilités d'éducation, notamment des bourses d'études, des bourses de recherche et des subventions. Les étudiants sénégalais pourront acquérir des connaissances et des compétences utiles dans les domaines qu'ils ont choisis.
En termes de coût, la Malaisie, comparée à d'autres destinations étrangères, offre des frais de scolarité et des frais de subsistance relativement bas, y compris notre culture culinaire dynamique. Cela en fait une option attrayante pour les étudiants sénégalais à la recherche d'une bonne instruction à un coût raisonnable.
De nombreux cours sont dispensés en anglais dans les universités malaisiennes ; ce qui est avantageux pour les étudiants sénégalais qui parlent couramment l'anglais ou qui cherchent à développer leurs compétences dans cette langue.
La Malaisie est stratégiquement située au coeur de l'Asie. Il est donc facile et abordable de se rendre dans les destinations touristiques voisines. Pendant les vacances semestrielles, les étudiants peuvent voyager facilement au niveau local et international. De nombreux étudiants étrangers choisissent d'étudier en Malaisie parce qu'ils veulent élargir leurs horizons et s'épanouir.
La fête nationale de la Malaisie est une commémoration de l'unité et de la diversité. Comment cet esprit d'unité se reflète-t-il dans les diverses célébrations et manifestations culturelles qui ont lieu à cette occasion ?
La fête nationale de la Malaisie ou « Hari Kebangsaan » est célébrée le 31 août de chaque année. Elle commémore l'indépendance de la Malaisie par rapport à la domination britannique en 1957. Cette journée fériée est marquée par des cérémonies officielles et non officielles à travers le pays. La fête nationale est une opportunité pour les Malaisiens de célébrer leur indépendance et l'unité nationale. C'est l'occasion de se remémorer aussi l'histoire du pays et d'envisager son avenir. Diverses célébrations culturelles sont organisées durant cet événement pour mettre en valeur l'héritage multiculturel du pays.
Dans la matinée du 31 août, la commémoration se déroule sur la place Merdeka, à Kuala Lumpur, servant de point central pour le défilé et des spectacles dignes de noms. Le défilé de la fête nationale est un événement grandiose qui met en scène des chars colorés, des danses traditionnelles, des spectacles musicaux et des expositions culturelles. Il rassemble des personnes de toutes origines ethniques pour célébrer l'unité de la Malaisie. Sa Majesté le Roi et les dirigeants du Gouvernement sont installés parmi les milliers de spectateurs.
Sur le plan culturel, des expositions sont organisées pour mettre en valeur la diversité des traditions, des costumes, de la musique et de la gastronomie des différents groupes ethniques de Malaisie. Ces événements permettent de découvrir et d'apprécier le riche patrimoine culturel du pays.
Lors de la « Hari Kebangsaan », les Malaisiens de tous bords ouvrent leurs portes à leurs amis, voisins et étrangers ; les accueillent pour partager des repas et faire la fête ensemble. Cette tradition, plus connue sous le nom de « Portes ouvertes », symbolise l'esprit d'unité et d'hospitalité en Malaisie.
Que retenez-vous du parcours de votre pays qui est passé de pays pauvre à pays émergent ?
La transformation de la Malaisie d'un pays à faible revenu en un pays émergent est largement reconnue comme une réalisation extraordinaire. La croissance économique, l'industrialisation et la diversification des secteurs ont contribué au développement du pays et à l'amélioration du niveau de vie de ses habitants. Nous avons réalisé des progrès significatifs en matière de réduction de la pauvreté, d'amélioration de l'éducation et des soins de santé, mais aussi de développement des infrastructures.
La Malaisie est une démocratie stable depuis son indépendance, en 1957 ; ce qui a créé un environnement propice à la croissance et au développement économiques. Le Gouvernement a mis en oeuvre des politiques économiques saines, telles qu'une gestion fiscale prudente et une industrialisation orientée vers l'exportation. Ces politiques ont contribué à attirer les investissements étrangers et à stimuler la croissance économique. En outre, l'économie malaisienne a connu une diversification la rendant moins vulnérable face aux chocs exogènes. Nous avons également investi massivement dans l'éducation et la santé ; ce qui a permis d'améliorer la qualité de vie des Malaisiens et de produire une main-d'oeuvre plus qualifiée. La réussite de la Malaisie est une source d'inspiration pour d'autres pays qui cherchent à réaliser des progrès similaires.
Vous avez été nommé Ambassadeur à Dakar il y a moins d'un an. Quel est votre cursus académique et diplomatique ?
Le Sénégal est ma première mission en tant qu'Ambassadeur. J'ai déménagé à Dakar en janvier. Je me suis installé avec famille et nous nous sommes intégrés aux réalités culturelles sénégalaises. La cuisine est savoureuse, les gens sont chaleureux et accueillants.
Je suis né à Kuala Lumpur, la capitale de la Malaisie, et j'ai fréquenté le Royal Military College durant mon adolescence. J'ai terminé mes études à l'Université des Sciences de Malaisie et à l'Université de Malaya où j'ai obtenu une Licence en Sciences avec mention, spécialité Microbiologie.
J'ai commencé ma carrière en tant qu'agent administratif et diplomatique en 2002. J'ai été formé à l'Institut national d'administration publique (Intan) et à l'Institut de diplomatie et de relations internationales (Idfr).
Auparavant, j'ai travaillé sur de nombreuses questions diplomatiques, à la fois bilatérales et multilatérales, en ma qualité de Chef de Mission adjoint à Vienne et à Bruxelles. Je peux citer les questions relatives aux Objectifs de développement durable des Nations unies (Odd), à la non-prolifération nucléaire et aux relations entre l'Asean-Ue. J'ai également travaillé à l'Ambassade de Malaisie en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Suède.