Afrique Centrale: Le putsch des généraux

3 Septembre 2023

Ce qui importe, ce n'est pas le mode d'accès au pouvoir (par la voie des urnes ou par un coup de force) ni le statut (civil ou militaire) des détenteurs du pouvoir d'État. Ce qui importe, c'est l'indépendance et la souveraineté nationales qui, seules, permettent à un pays de construire souverainement son modèle de développement conçu pour répondre aux besoins et aspirations des populations .

En Afrique, aujourd'hui, la nécessité de poursuivre ces objectifs pour sortir les populations de la pauvreté et les pays de la spirale de sous-développement se résume à l'obligation de s'affronter à un péril à trois têtes. Il s'agit de chasser du pouvoir d'État les élites gouvernantes corrompues et soumises, combattre en commun les entités non étatiques politico-religieuses qui sèment la chaos à travers le continent, se défaire de l'emprise appauvrissante des puissances impérialistes qui contrôlent les gouvernants soumis et dont les entités non étatiques mentionnées sont les instruments de politique étrangère en Afrique.

Le déni par l'Occident de la nature réelle des luttes actuelles des jeunes Africains se manifeste à travers la propagande martelée à longueur d'antenne par sa sphère médiatique : pauvres, ingrats, les Africains sont contre les Français, les Américains, l'Union Européenne et l'Occident si charitables. La vérité est pourtant toute simple : les jeunes générations Africaines veulent que leurs élites dirigeantes oeuvrent à sortir leurs pays de la spirale sans fin de sous-développement et les populations de la trappe de pauvreté. Indépendance et souveraineté des Peuples Africains sont des passages obligés vers ces objectifs.

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Comme de concert, et par réflexe, ce sont leurs « amis internationaux » que Mohamed Bazoum (Niger) et Ali Bongo ont appelé à l'aide, les États-Unis et la France explicitement dans le cas de Mohamed Bazoum. Ils étaient censés avoir été « démocratiquement élu » par leurs peuples respectifs. Aucun des deux déposés n'a appelé son peuple à se soulever afin de le remettre sur le trône. A lui seul, ce fait nous dit qui, dans l'esprit des présidents « démocratiquement élus », détient la souveraineté au Niger et au Gabon. Ce ne sont pas les peuples respectifs de ces pays, mais les puissances du « club des démocraties et des droits de l'homme ».

N'ayant donc de compte à rendre qu'à ce club, au FMI et à la Banque mondiale, les présidents déposés ne peuvent pas en appeler au peuple. Mais Ali Bongo, pilier de la FrançAfrique, s'est adressé à ses « amis internationaux » en anglais, comme s'il avait voulu désigner le responsable de son éviction du pouvoir.

Gabon : le putsch des généraux

Le peuple gabonais en liesse a applaudi la déposition le 30 août 2023 de Ali Bongo par un putsch des généraux. Il n'a manifesté aucun intérêt pour le verdict des urnes. Une « opposition » affirmant sa victoire électorale ne se glissera donc pas, pour le moment, dans la continuité parée d'habits neufs d'un système

Bongo en place depuis près de soixante ans à la tête d'un régime au service des seuls intérêts de puissances étrangères et de ceux propres de ses dignitaires. Instruite par la nature profonde du mouvement populaire parti d'Afrique de l'ouest, la France a activé l'option du putsch des Généraux. Si Ali Bongo a repoussé la demande d'Emmanuel Macron de renforcer la présence militaire française au Gabon « pour combattre le terrorisme au Mali, Burkina Faso et Niger » , on n'était pas certain à Paris que la réponse du successeur par les urnes de Ali Bongo serait différente de celle du Président déposé. Ce sont donc les Généraux, sollicités par Paris, qui se sont glissés dans la continuité parée d'habits neufs d'un système Bongo, sans Ali

Bongo.

Le système reste donc intact, à la tête d'un régime dont l'action s'inscrit avec constance contre l'intérêt national du Gabon et les besoins et aspirations des populations depuis six décennies.

Sans aucun doute, les nouveaux maîtres du pays vont persister dans leur volonté d'agir dans le sens de la préservation du système Bongo et son régime. Si d'aventure il devait en être ainsi, elles seront à leur tour déposées par un puissant mouvement populaire appuyé sur un réseau de jeunes Officiers et Sous-officiers résolus épris de dignité, soucieux de la souveraineté du Gabon et des besoins et aspirations des populations.

Par conséquent, la seule option salutaire pour le Peuple Gabonais demeure la même : par la pression de sa mobilisation, contraindre les nouvelles autorités à inscrire leur action dans le cadre de la reconquête de son indépendance et de sa souveraineté. Le schéma gabonais guette à court terme le Kamerun, le Congo et la R.D. Congo.

Le mouvement qu'incarnent aujourd'hui les peuples et les autorités du Mali, du Burkina Faso et du Niger s'appréhende comme composante de la résistance ininterrompue des Africains épris de dignité. Il représente un front de la séquence actuelle de la résistance millénaire des Africains. Depuis de nombreux siècles, en effet, une guerre oppose les générations successives de résistances africaines à une coalition de trois forces identifiées : l'Islam conquérant, l'impérialisme européen et les générations d'élites gouvernantes corrompues soumises à l'impérialisme se succédant au pouvoir d'État. Le but constant de la coalition des trois forces est de perpétuer la servitude des Africains. Reconquérir l'indépendance et la souveraineté des Peuples Africains

est le but commun des résistances africaines ininterrompues. La survie des Peuples Africains dépend de leur capacité de s'organiser pour opposer un front commun au péril commun que représente la coalition des trois forces mentionnées. Le Gabon et son peuple ont la responsabilité d'ouvrir le front Afrique Centrale de la séquence actuelle d'une guerre d'indépendance millénaire.

Cette guerre est la nôtre, à nous tous Africains du Kamerun, du Congo, de R.D. Congo, du Tchad, d'Angola, du Kenya, de Côte d'Ivoire, du Nigéria, etc. Le

Peuple Gabonais porte cette responsabilité en partage avec les Peuples du Tchad, du Kamerun, du Congo et de R.D. Congo où les populations sont volontairement décervelées par le tropisme présidentiel messianique qui semble caractériser les principaux dirigeants des « oppositions » politiques nationales.

Ce qui importe, c'est l'indépendance et la souveraineté nationales

S'agissant d'une communauté politique, l'indépendance est la conjonction de deux faits. Le premier est le fait de produire ce que consomment ses membres et ses Institutions. Les biens et services, bien sûr, mais également les constructions idéologiques qui structurent le socle des valeurs de civilisation de la société. Le deuxième est le fait que l'acte de production sociale résulte de sa libre détermination. Les Africains déportés aux « Amériques » et réduits en esclavage produisaient ce qu'ils consommaient, les Africains contraints par le travail forcé sur leur propre terre aussi. Mais ni les uns, ni les autres ne décidaient de leurs actes de production.

Indépendance et souveraineté désignent deux objets, en lien l'un avec l'autre, par lesquels un Peuple manifeste son existence dans le monde dont il est partie intégrante. La souveraineté d'un Peuple est l'expression de sa volonté de faire valoir son droit de disposer de lui-même. Rapport du Peuple à lui-même, cette volonté se manifeste indépendamment des moyens dont il dispose sur le moment pour exercer ce droit.

Elle est l'expression ultime de sa liberté. La souveraineté se défend au risque d'en périr ; elle ne peut être déléguée à une puissance étrangère. Parce qu'aucun Peuple n'est seul au monde, tous et chacun transigent nécessairement sur la part de ce qu'ils sont prêts à décider et/ou partager avec d'autres Peuples, c'est à dire sur leur degré de dépendance vis à vis des autres peuples et nations du monde. Ici se trouve le champ de l'indépendance. Celle-ci parle des relations d'un peuple donné avec les autres peuples. Elle est toujours relative.

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