En prélude au prochain Sommet africain des systèmes alimentaires, prévu du 5 au 8 septembre à Dar es Salaam, en Tanzanie, organisé par l'AGRA (Alliance pour la révolution verte en Afrique), l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) et ses alliés ont animé une conférence de presse virtuelle au cours de laquelle ils ont réaffirmé la nécessité pour l'Afrique de bâtir des politiques agricoles et alimentaires durables fondés sur les petits exploitants africains et le respect de l'environnement.
La société civile africaine réunie autour de l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) ne veut pas d'une agriculture industrielle comme solution aux systèmes alimentaires africains.
Cette position AFSA et ses alliés l'ont réaffirmé au cours d'une conférence de presse virtuelle qu'ils ont animé le 30 août 2023, en prélude au prochain Sommet africain des systèmes alimentaires, prévu du 5 au 8 septembre à Dar es Salaam, en Tanzanie, organisé par l'AGRA (Alliance pour la révolution verte en Afrique).
D'entrée de jeu, les conférenciers du jour ont fustigé les programmes de l'AGRA en Afrique qui ne répondent pas aux défis agricoles et alimentaires que le continent doit l'Afrique doit relever.
Pour le directeur de l'Institut de recherche et de promotion des alternatives en développement (IRPAD), Pr Mamadou Goita, les conventions entre AGRA et les Etats africains causent d'énormes pertes au continent.
Les premiers perdants sont les agriculteurs du continent qui vont perdre leur autonomie semencière et de production du fait de la standardisation des semences ; surtout en Afrique de l'ouest où 70% des producteurs utilisent des semences paysannes.
Cette production industrielle des semences agricoles réduit considérablement les possibilités de millions de petits exploitants familiaux de se nourrir, de sortir de la malnutrition, a ajouté le leader agricole tanzanien, Juma Shabani.
Le second perdant du modèle agricole industriel est la biodiversité. Car les intrants chimiques sont dévastateurs des écosystèmes, des micro-organismes.
Les instituts de recherche publics perdent également leur indépendance dans la définition et la conduite de leurs projets de recherche, a souligné Pr Goita.
De l'avis de M. Shabani, en faisant la promotion des intrants chimiques et des semences industrielles, l'objectif de AGRA n'est pas d'améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique, mais de mettre les systèmes alimentaires sur la table des corporations à son profit, de remplacer l'agriculture traditionnelle sur le continent par des pratiques agricoles industrielles dominées par des multinationales, au détriment des petits producteurs.
Pour ce faire AGRA est en train d'investir l'espace politique afin de changer les politiques publiques agricoles, de permettre au secteur privé de s'emparer du marché en ignorant le monde paysan africain, a indiqué Juliet Nangamb de l'Alliance zambienne pour l'agroécologie et la biodiversité (ZAAB).
Se départir des investissements dans les engrais chimiques
C'est le cas en Zambie, où malgré l'existence d'une loi anti-OGM, le gouvernement a signé une convention avec AGRA pour soutenir le développement du secteur agricole.
« Nous n'attaquons personne, nous relevons des faits », a-t-elle martelé.
Au-delà de cet exemple, dans plusieurs pays, les lois sur la biosécurité sont en train d'être influencées par l'Alliance pour la révolution verte en Afrique, a fait savoir Pr Mamadou Goita. Et pour lui, l'influence des politiques publiques par le biais des financements constitue un handicap pour des systèmes agricoles et alimentaires durables dans beaucoup de pays et régions africains.
Les gouvernements africains doivent se départir des programmes de AGRA qui favorisent l'investissement dans les engrais chimiques au détriment des bio fertilisants, qui sont protecteurs de l'environnement et nourrissent les sols, a insisté la coordinatrice nationale de l'Association kenyane pour la biodiversité et la biosécurité (BIBA), Anne Maina.
Et au niveau de AFSA, on estime qu'il est urgent que le continent africain s'engage dans la transition agroécologique, pour une agriculture durable baséeles intrants bio. Car, loin d'être une pratique archaïque, l'agroécologie est une science, un ensemble de bonnes pratiques agricoles traditionnelles, un espace d'innovations, ont argumenté Pr Goita et Mme Maina. Et au contraire de l'agriculture industrielle basée sur la monoculture, l'agroécologie repose sur la diversité des cultures, augmente la résilience des communautés locales, des petits producteurs, a précisé la coordinatrice de BIBA.
Au regard de tous ces avantages, les conférenciers du jour ont appelé les Etats africains à soutenir et à financer la transition agroécologique.
Pour le directeur de IRPAD, la non atteinte des résultats escomptés par AGRA, malgré les millions de dollars d'investissement, est la preuve cette organisation ' 'est pas la solution à l'agriculture africaine ; pire, elle est une forme de recolonisation de l'Afrique.
Pour lui, en faisant la promotion de la durabilité des productions agricoles et des systèmes alimentaires, AFSA est la réponse à ce que AGRA fait sur le terrain et qui est en contradiction avec les dynamiques locales.
Au 21e siècle, on ne doit plus parler d'OGM mais de changement climatique, de transition écologique, tout en mettant les petits producteurs au centre de tous les processus, a soutenu Juliet Nangamb. Car, il n'y pas d'agriculture durable en Afrique sans les exploitants familiaux, foi des animateurs de ce point de presse.